Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : première séance

M. le président. La parole est à M. Jean Bardet.

M. Jean Bardet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi vise non pas à généraliser le travail du dimanche, mais à régulariser une situation qui existe depuis des années. Je ne parlerai que des PUCE, la question des zones touristiques étant différente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je souhaite en effet évoquer le cas de ma circonscription.

M. Frédéric Cuvillier. Le député est représentant de la nation !

M. Jean Bardet. Le repos hebdomadaire remonte à une loi de 1906. Dans la France de 1906, essentiellement rurale et chrétienne, le dimanche apparaissait comme le jour de repos normal.

Mme Catherine Lemorton. Le principe de laïcité est toujours d’actualité !

M. le président. Allons, laissez les orateurs s’exprimer !

M. Jean Bardet. Depuis pratiquement la fin de la dernière guerre, certains magasins ont pris l’habitude d’ouvrir le dimanche sans que cela ne semble gêner personne. Ce n’est qu’il y a quelques mois que le syndicat FO, bientôt suivi par d’autres, a attaqué ces magasins devant le tribunal administratif.

J’avoue que je n’avais pas de philosophie en la matière. De culture chrétienne comme beaucoup de Français, le dimanche est pour moi un jour particulier, mais étant de profession médicale, j’ai toujours travaillé ce jour-là.

Mme Catherine Lemorton. Et alors ?

M. Jean Bardet. Personnellement, je ne me livre pas à une analyse savante des statistiques, j’écoute les électeurs de ma circonscription.

M. Philippe Plisson. Dommage que vous ne les entendiez pas !

M. Jean Bardet. S’ils étaient ve
nus me voir en disant : « Monsieur le député, enfin on s’occupe de nous, on en a assez de travailler le dimanche sans que personne ne s’en soucie ! », j’aurais peut-être eu un avis différent.

En effet, qu’avez-vous fait, messieurs les bons apôtres, lorsque vous étiez au Gouvernement…

M. Jean Mallot. Il y a si longtemps !

M. Jean Bardet. …et connaissiez-vous même le problème ?

En fait, c’est tout le contraire qui s’est passé : des salariés et des étudiants de ma circonscription sont venus me voir à ma permanence. Ils ont manifesté devant l’Assemblée nationale en disant : « Nous, on veut travailler le dimanche, on le fait depuis des années, on s’est organisé comme cela ! ». Je n’ai reçu aucun syndicat, aucun travailleur hostile au travail du dimanche, non pas parce que je ne voulais pas les recevoir, mais parce qu’aucun ne m’a demandé rendez-vous !

M. Frédéric Cuvillier. Vous êtes représentant de la nation, pas seulement de votre circonscription !

M. le président. Un peu de silence, je vous prie ! Les députés de la majorité ont le droit de s’exprimer tout autant que les autres ! Ce sont les règles du débat démocratique dans cette assemblée.

M. Richard Malliérapporteur. C’est un scandale, monsieur le président, il n’y en a que pour eux !

M. le président. Reprenez, monsieur Bardet !

M. Jean Bardet. Merci, monsieur le président. J’espère que ces interruptions n’amputeront pas mon temps de parole.

Si des personnes hostiles au travail du dimanche étaient venues me voir, mon attitude serait peut-être un peu différente, car sans faire de démagogie, les hommes politiques sont aussi là, de temps en temps, pour faire la politique que réclament leurs électeurs.

Les adversaires de cette loi agissent plus par dogmatisme que par désir d’améliorer le sort des salariés. Ils ont des arguments qui, à mon avis, ne résistent pas au bon sens.

Premièrement, cette loi tend à autoriser une situation de fait contraire à la loi antérieure. C’est vrai, mais ce n’est pas la première fois que notre assemblée légalise des pratiques jugées antérieurement illégales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Mallot. On va légaliser le cannabis ?

M. Jean Bardet. Deuxièmement, cette loi contraindrait les salariés non volontaires à travailler. C’est faux : elle reste sur la base du volontariat, sauf à tomber dans un procès d’intention comme le font certains.

Troisièmement, il est immoral d’encourager le travail du dimanche pour gagner plus. Tel n’est pas mon avis, dans la mesure où c’est un choix ; je pense en particulier aux étudiants. J’ai toujours travaillé quand j’étais étudiant.

Quatrièmement, le repos dominical, le jour du seigneur, c’est sacré. Depuis 1906, la situation a évolué : la France est un pays laïc, ce qui implique, pour moi qui suis catholique, un respect de toutes les religions, y compris de ceux qui n’en ont pas.

Cinquièmement, cela va détruire la vie de famille. C’est faux, tant du coté des salariés, dont beaucoup m’ont dit qu’ils s’étaient organisés et qu’au contraire cela leur permettrait de s’occuper mieux de leurs enfants en semaine, que du côté des clients. Aller dans un centre commercial le dimanche de temps en temps faire des courses avec ses enfants, choisir un lit ou un bureau, peut être un but. Aller au stade ou dans un musée peut en être un autre, mais là aussi, il y a des salariés qui travaillent le dimanche !

Cette loi a évolué depuis sa première mouture…

M. Jean Mallot. Elle a mal évolué. Elle est toujours aussi pernicieuse !

M. Jean Bardet. …et elle m’apparaît actuellement équilibrée. Aujourd’hui, il y a en France environ 7 millions de salariés qui, peu ou prou, travaillent le dimanche. Cette proposition de loi va permettre à 20 000 personnes de plus de le faire.

Enfin, la gauche affirme que l’ouverture du dimanche n’augmentera pas la consommation si l’on n’augmente pas le pouvoir d’achat,…

M. Jean Mallot. C’est exact !

M. Jean Bardet. …mais d’un autre côté, elle nous accuse de faire le jeu des grandes enseignes ! C’est pour le moins paradoxal !

M. Jean Mallot. L’ouverture du dimanche fait le jeu des grandes enseignes au détriment du petit commerce !

M. Jean Bardet. Pour terminer, et afin de retirer tout remords à ceux qui ont des scrupules cultuels, je voudrais vous citer deux passages de l’Évangile.

Luc dit, au chapitre 14, verset 1 : « Si l’un de vous a son fils ou son bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas l’en retirer aussitôt même le jour du Sabbat ? »

M. Jean Mallot. Le sabbat, c’est le samedi !

M. Jean Bardet. Quant à Marc, il dit, au chapitre 2, verset 21 : « Le Sabbat a été fait pour l’Homme et non l’Homme pour le Sabbat ». Vous voyez que le problème ne date pas d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean Mallot. Remonter 5 000 ans avant Jésus-Christ pour trouver des arguments, il faut le faire !

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