M. le président. La parole est à M. Axel Poniatowski.
M. Axel Poniatowski. Nous poursuivons aujourd’hui le débat attendu par de nombreuses entreprises et espéré par des milliers de salariés suspendus aux résultats de nos travaux.
M. Régis Juanico. Ben voyons !
M. Axel Poniatowski. À l’occasion de ce débat, aussi bien au sein de cet hémicycle qu’à travers tout le pays, nombreux sont ceux qui ont exprimé leur très fort attachement au caractère chômé du dimanche. Nombreux sont ceux qui ont rappelé qu’il s’agissait d’un élément structurant et marquant de notre vie en société : le dimanche doit rester, par principe, le jour soit de la vie spirituelle, soit de la vie familiale, soit de la vie associative, bref, le jour du temps libre en commun.
M. Guy Geoffroy. Très juste !
M. Axel Poniatowski. L’auteur et les cosignataires de ce texte n’ont jamais eu l’intention de revenir sur ce point.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. Jean Mallot. Et pourtant !
M. Christian Hutin. Alors pourquoi ce texte ?
M. Axel Poniatowski. Pourquoi, dès lors, débattons-nous d’une proposition de loi sur les dérogations au repos dominical ? Pourquoi faut-il légiférer sur les dérogations à un principe qui nous est cher ? La situation actuelle – une sorte de non-droit qui perdure depuis vingt-cinq à trente ans – était finalement assez confortable ; pourquoi donc ne pas la poursuivre ?
M. Jean Mallot. Le droit existe, appliquez-le !
M. Axel Poniatowski. Les procès intentés depuis quelque temps par certains syndicats, en particulier l’un d’entre eux, ont bouleversé l’équilibre de ces zones commerciales qui avaient trouvé leur rythme avec l’ouverture dominicale.
M. Régis Juanico. Il s’agit de faire respecter le code du travail !
M. Axel Poniatowski. L’annulation des autorisations préfectorales du travail le dimanche par la justice ébranle ces zones. Si le statu quo n’avait pas été remis en cause par ces procès, nous ne serions pas ici en train de débattre de leur survie.
M. Marcel Rogemont. Ouh ! Ces affreux syndicalistes !
M. Axel Poniatowski. Faut-il rappeler que ces zones, ce sont des salariés, des entreprises qui prospèrent et qui, si rien n’est fait, mettront la clef sous la porte au cours de l’été, contraintes, dès lors, de licencier leurs salariés.
Alors que nous travaillons à relancer l’économie, alors que la lutte contre le chômage est une priorité, alors que, depuis tant d’années, les pouvoirs publics mettent en œuvre, avec des succès variables, des plans pour créer des emplois, voilà que l’on risquerait de voir des dizaines de milliers d’emplois supprimés contre toute logique économique.
M. Guy Geoffroy. Très bien !
M. Axel Poniatowski. Face à cette situation, doit-on ne rien faire ? N’avons-nous pas le devoir de trouver une solution ?
Les épilogues judiciaires de cette procédure nous placent devant un choix radical. Si nous rejetons cette proposition de loi et restons par conséquent imperméables aux spécificités des zones existantes, nous allons tout droit vers un désastre économique et social dans les semaines et les mois qui viennent.
M. Régis Juanico. Le désastre est déjà là !
M. Marcel Rogemont. Ce n’est pas parce qu’une grande surface va fermer le dimanche que ce sera une catastrophe !
M. Axel Poniatowski. Dans ma circonscription, au sein du centre commercial Art-de-vivre, le Grand cercle, l’une des plus grandes
librairies de France, indépendante, qui emploie 160 salariés, propose des activités ludiques et culturelles appréciées des familles qui viennent le week-end. Cette librairie a été condamnée la semaine dernière à verser une astreinte de 130 000 euros…
M. Guy Geoffroy. C’est une honte !
M. Axel Poniatowski. …pour avoir maintenu l’ouverture du dimanche comme elle le fait depuis sa création en 1993. Comment voulez-vous qu’une librairie, aussi florissante soit-elle, survive en devant payer une astreinte de 130 000 euros par dimanche ?
M. Marcel Rogemont. De très nombreuses librairies fonctionnent sans être ouvertes le dimanche !
M. Axel Poniatowski. Castorama, Planète Saturn et Toys R Us, condamnés eux aussi à de lourdes astreintes, ont déjà jeté l’éponge et ferment le dimanche. Ce sera bientôt le cas de Leroy Merlin dans le même centre commercial.
M. Régis Juanico. On va pleurer pour Leroy Merlin !
M. Axel Poniatowski. La conséquence est immédiate : diminution de la fréquentation, baisse du chiffre d’affaires et des résultats, licenciements massifs et baisse des salaires pour les employés.
Les enseignes s’interrogent sur l’opportunité de leur départ de cette zone commerciale. Les entreprises indépendantes, bien évidemment, suivraient, progressivement étranglées qu’elles seraient par la disparition de leur clientèle.
Dans le Val-d’Oise, le cas d’Eragny-sur-Oise n’est pas isolé : à Herblay et à Franconville, la situation est identique. L’alternative à cette situation ubuesque pour notre territoire est la régularisation des situations existantes – ni plus ni moins.
M. Guy Geoffroy. Absolument !
M. Axel Poniatowski. Cette dernière voie me paraît raisonnable.
M. Régis Juanico. Vous paraît-elle aussi raisonnable pour les sans-papiers ?
M. Jean Mallot. On pourrait aussi appliquer ce principe pour les permis à points !
M. Axel Poniatowski. La création de périmètres d’usage de consommation exceptionnelle dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants est un dispositif qui permet à la fois de se prémunir contre toute extension du travail le dimanche et, dans le même temps, d’offrir un avenir à ces zones commerciales, à leurs salariés et à leur clientèle.
Le nouveau système d’autorisation du travail dominical, naturellement fondé sur le volontariat des salariés, comporte des contreparties très importantes. Nous devons notamment veiller à ce que tout salarié puisse changer d’avis et refuser de travailler le dimanche si sa situation personnelle l’y incite et évolue.
Nous pouvons du reste, à cet égard, quelque peu progresser. Ainsi, nous proposerons, avec Richard Mallié et d’autres, quelques améliorations au cours de l’examen des articles.
Je me réjouis que cette proposition procède également à une rénovation des règles applicables dans les zones touristiques. Tout cela concourra à rendre notre droit plus simple, plus performant, prévisible et cohérent.
L’enjeu de cette proposition n’est pas mince. Il s’agit d’un texte d’équilibre qui garantit une meilleure sécurité et offre plus d’avantages aux salariés, tout en assurant la pérennité des entreprises concernées.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. C’est exact !
M. Axel Poniatowski. Cette proposition est celle du progrès social et d’un avenir assuré pour des milliers de salariés menacés et qui vivent aujourd’hui dans l’angoisse et dans l’incertitude. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.