Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : première séance

M. le président. La parole est à Mme Marie-Lou Marcel.

Mme Marie-Lou Marcel. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous voici penchés sur la quatrième version d’un texte qui, décidément, ne passe pas, du fait notamment qu’il suscite un large rejet de la part de nos concitoyens. Cette nouvelle proposition de loi a considérablement durci le dispositif de la précédente, dans le sens d’une plus grande dérégulation.

La question principale que soulève le texte est celle de l’iniquité sociale qu’engendrerait son application. Soyons sérieux.

M. Guy Geoffroy. Ah oui, soyons-le !

M. Gérard Charasse. Soyez-le, plutôt !

Mme Marie-Lou Marcel. Qui viendra travailler le dimanche ? Vous le savez bien, ce sont principalement des femmes aux revenus modestes, majoritairement victimes du travail à temps partiel, ou des jeunes, dont la faiblesse des ressources ne leur permet pas de faire face à leurs frais de scolarité. Que les femmes, les travailleurs à temps partiel, les jeunes, du fait même de leur précarité, soient obligés d’accepter de travailler le dimanche, cela, nous ne saurions l’accepter.

Le dimanche est un jour de repos hebdomadaire pour les enfants. C’est un jour où la famille se retrouve, rencontre ses amis et participe à la vie associative. Le travail du dimanche n’est pas conciliable avec la vie de famille.

M. Guy Geoffroy. La vie de famille, c’est toute la semaine et pas seulement le dimanche.

Mme Marie-Lou Marcel. Le travail du dimanche représente également une menace pour les associations, les clubs sportifs et les activités culturelles et de loisirs.

Le principe du volontariat ne résistera pas à l’épreuve du temps et son caractère réversible est un leurre total.

J’ai reçu, d’un habitant de mon département, un courriel dans lequel il écrit que « l’aspect volontaire des travailleurs du dimanche est une vaste blague. Qui est volontaire pour travailler plutôt que de passer du temps avec ses enfants ? »

M. Jean-Frédéric Poisson< /A>. Venez le leur dire sur place ! Cela ne pose aucun problème ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)

Mme Marie-Lou Marcel. « J’ai un collègue qui a travaillé longtemps le dimanche et qui n’a pas vu la mauvaise évolution de la scolarisation de son enfant : il a passé sa vie au travail et est donc passé à côté de sa famille ».

Chacun sait aujourd’hui que la disponibilité des candidats à un emploi dans le commerce pour travailler le dimanche sera un critère de recrutement prééminent, voire déterminant.

Chacun sait également que le doublement du salaire le dimanche n’aura qu’un caractère provisoire du fait que votre texte ne prend absolument pas en considération certaines réalités. Que répondrez-vous à un employé de la restauration, à un caissier de théâtre ou à un projectionniste de cinéma qui, travaillant déjà le dimanche verront le salaire du vendeur d’un autre secteur doubler ce jour-là ?

M. Marcel Rogemont. Vous oubliez que l’employé de la restauration verra son salaire doubler grâce à la baisse de la TVA à 5,5 % ! N’est-ce pas, monsieur le ministre ?

Mme Marie-Lou Marcel. Loin d’être dans la réalité, vous naviguez dans un monde improbable où zones touristiques et zones commerciales se confondent allégrement, où dimanche se marie avec lundi !

Que cache votre pragmatisme ? Que recouvre-t-il ?

M. Marcel Rogemont. Une loi de circonstance !

Mme Marie-Lou Marcel. Une seule chose : la volonté d’entériner la situation qui perdure à Plan-de-Campagne, ou d’autres situations, à la faveur desquelles certains commerçants se sont mis délibérément hors-la-loi.

Voilà un sujet d’instruction civique qui devrait être soumis comme cas d’école à des élèves,…

M. Marcel Rogemont. Mais M. Darcos n’est plus ministre de l’éducation : il est précisément devenu ministre du travail !

Mme Marie-Lou Marcel. …un cas qui devrait soulever la réprobation sur tous les rangs de notre assemblée. « A-t-on le droit de faire une loi validant les pratiques des hors-la-loi ? Cette loi n’est rien d’autre qu’une loi d’amnistie des hors-la-loi ! (Approbations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Les fripouilles sont récompensées !

Mme Marie-Lou Marcel. C’est bien la peine de s’insurger, dans le cadre de l’examen du projet de loi HADOPI, contre les téléchargeurs, alors qu’il s’agit, pour beaucoup d’entre eux, d’adolescents qui se bornent, sans les commercialiser, à écouter quelques titres musicaux ou à visionner quelques films.

C’est bien la peine de pénaliser durement les prétendus fraudeurs aux ASSEDIC,…

M. Marcel Rogemont. Exactement !

Mme Marie-Lou Marcel. …de renforcer les systèmes de contrôle des prétendus faux chômeurs, faux Rmistes, faux malades !

Oui, c’est bien la peine de pénaliser la précarité quand, dans le même temps, vous allez, en adoptant ce texte, récompenser des pratiques douteuses, pratiques que vous récompensez déjà : celle des exilés fiscaux qui partent de notre pays ; celle des foyers fiscaux qui bénéficient des largesses du bouclier fiscal…

À travers cette proposition de loi, il s’agit, une fois de plus, de pénaliser ceux qui n’ont rien ou qui ont peu en leur signifiant que ce peu, c’est déjà beaucoup trop, et de décomplexer ceux qui, bénéficiant d’une situation privilégiée, vont se trouver encore plus privilégiés.

M. Marcel Rogemont. Démonstration éclairante !

Mme Marie-Lou Marcel. Toujours plus pour les mêmes et toujours moins pour tous les autres.

Ne venez pas nous dire que vous avez conçu cette loi pour éviter des licenciements et des fermetures de commerces.

M. Guy Geoffroy. Mais si !

Mme Marie-Lou Marcel. C’est faux ! Et ne venez pas nous dire que votre action n’est mue que par le souci de sauvegarder l’emploi : c’est faux !

M. Richard Malliérapporteur. Si ! Je persiste et je signe !

M. Georges Mothron. Allez donc sur le terrain !

M. Richard Malliérapporteur. Elle est de l’Aveyron, elle ne sait rien de ce terrain !

Mme Marie-Lou Marcel. Sur le terrain, nous y sommes en permanence !

Oser affirmer que ce projet vise à sauvegarder l’emploi ne s’apparente qu’à du chantage. Le même que celui que risquent de faire peser sur la tête des « volontaires » récalcitrants, les enseignes qui ouvriront le dimanche.

Pourquoi ne pas carrément proposer, afin de sauver l’emploi, que nous examinions l’année prochaine un texte visant à étendre les horaires d’ouverture des commerces à vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept ?

M. Marcel Rogemont. Et voilà !

Mme Marie-Lou Marcel. Après tout, on trouvera toujours quelqu’un qui a besoin d’un clou à quatre heures du matin ou d’une bouteille de lait à cinq heures douze !

M. Bernard Debré. Les infirmiers et les médecins, c’est vingt-quatre heures sur vingt-quatre aussi !

Mme Marie-Lou Marcel. Vous voyez bien, au-delà de la caricature, vers quelle société votre proposition de loi nous mènerait si elle était adoptée.

Croyez-vous un seul instant que la multiplication des ouvertures le dimanche permettra aux salariés de multiplier leurs achats ? Non, monsieur le ministre, multiplier les ouvertures ne
revient pas à multiplier les salaires et les personnes qui achèteront le dimanche n’achèteront plus en semaine.

Cette proposition de loi est un cadeau pour la grande distribution.

M. Richard Malliérapporteur. Tiens ! Il y avait longtemps qu’on ne l’avait pas entendu !

M. Marcel Rogemont. C’est un cadeau Bonux !

Mme Marie-Lou Marcel. La majorité veut légaliser l’ouverture des grands magasins au détriment de nos commerces de proximité. Vous allez porter un coup fatal à notre commerce traditionnel.

Vous voulez nous conduire dans la pire des sociétés de consommation (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP), celle où toute règle est vécue comme un tabou à enfreindre et où toute attente est vécue comme une frustration à contourner.

M. Guy Geoffroy. Merci pour votre sens de la nuance !

Mme Marie-Lou Marcel. Ce n’est certainement pas cette société que nous souhaitons léguer à nos enfants et petits-enfants.

Avec le Grenelle de l’environnement, vous voulez nous amener collectivement à une vision durable du développement.

M. Jean Mallot. C’est du moins ce qu’ils prétendent !

Mme Marie-Lou Marcel. Et si nous bâtissions ensemble une société durable, où les relations humaines seraient durables et où, surtout, la famille serait durable ? Je vous invite à y réfléchir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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