Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : première séance

M. le président. La parole est à M. Guénhaël Huet.

M. Guénhaël Huet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, évoquer le travail dominical n’est ni interdit ni anodin. En premier lieu, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’évolution de notre société sur nombre d’aspects, économique, social, culturel et familial. Ainsi, personne ne peut contester qu’il y a, depuis plusieurs années, une évolution des modes de consommation dans notre pays.

Il n’est pas interdit non plus de s’interroger en période de crise économique sur le volume de consommation supplémentaire que pourrait générer l’ouverture des commerces le dimanche. Sur ce point, une analyse prudente impose de considérer que le pouvoir d’achat des ménages n’est pas extensible à souhait et qu’il y a de bonnes raisons de penser que l’on assistera pour l’essentiel à un simple transfert de chiffre d’affaires d’un jour sur l’autre.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est vrai !

M. Guénhaël Huet. Il n’est pas interdit non plus de s’interroger sur la volonté manifestée par de nombreux salariés de travailler le dimanche car, effectivement, dans certaines grandes zones commerciales, des habitudes ont été prises et des emplois dépendent directement de l’ouverture le dimanche.

Inversement, on peut également se poser la question de savoir s’il appartient au législateur d’intervenir pour légaliser des pratiques illégales. Je n’ignore pas l’existence de la procédure des validations législatives. Mais force est de constater qu’elle était jusque-là limitée à des sujets ou des catégories juridiques plus réduits et plus spécifiques.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !

M. Guénhaël Huet. Il n’est pas davantage interdit de s’interroger sur l’actuel désordre juridique qui règne en la matière dans les zones à vocation touristique. Rien, sauf une vision très abstraite et très décalée de la société et de l’économie, ne peut en effet justifier, monsieur le rapporteur, que, dans le même secteur, certains commerces puissent ouvrir le dimanche et d’autres non.

Il n’est enfin pas interdit de s’interroger sur la lourdeur et la complexité des régimes dérogatoires au repos dominical, que Bernard Depierre vient d’évoquer.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il y a donc bien une légitimité à s’interroger sur le travail dominical. Mais chacun doit bien reconnaître que notre débat n’est pas anodin, loin s’en faut ! Il n’est pas anodin, car il ne saurait être réduit au risque de réduire aussi l’individu lui-même à des aspects purement économiques et juridiques. En effet, poser le problème du travail dominical, c’est aborder un sujet de fond qui porte en germe une évolution importante de nos comportements, de notre mode de vie et, au final, d’un certain équilibre de notre société.

Chacun a bien conscience, notamment en situation de crise économique, qu’il est nécessaire de maintenir la consommation et de soutenir la croissance. Mais l’imperium des chiffres et des statistiques ne doit pas nous faire oublier que l’individu n’est pas seulement un producteur et un consommateur et que notre responsabilité politique consiste à construire une société équilibrée.

M. Frédéric Cuvillier. Très bien !

M. Guénhaël Huet. L’épanouissement individuel et la cohésion sociale repose certes sur des facteurs économiques, mais également sur des valeurs sociales et morales qu’il ne faut ni banaliser ni négliger.

Servir le court terme ne doit pas nécessairement conduire à sacrifier le long terme. Or je nourris – je l’ai indiqué à mon ami Richard Mallié – des inquiétudes sur une généralisation progressive du travail dominical. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

À cet égard, la reconnaissance des périmètres d’usage de consommation exceptionnelle pose un vrai problème. Comment peut-on en effet expliquer et soutenir que l’enseigne X située à Paris, Lyon ou Marseille pourra ouvrir le dimanche alors qu’elle ne pourra pas le faire sur le reste du territoire national ?

M. Marcel Rogemont. Exactement !

M. Guénhaël Huet. Il y a là une contradiction qui, je le crains, ne résistera pas longtemps à l’épreuve du temps. Il y a là une contradiction qui, un jour ou l’autre, sera levée.

Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Voilà un propos courageux !

M. Guénhaël Huet. Je souhaite le rappeler, les grandes agglomérations ne sont pas et ne font pas la France à elles seules. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je reconnais que des verrous ont été mis dans ce texte et je voudr
ais saluer l’esprit d’ouverture de Richard Mallié. Mais je crains qu’ils ne résistent pas longtemps à l’épreuve du temps, aux pressions de l’économie et que, dans quelques années, le travail dominical ne devienne effectivement la règle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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