Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : première séance

M. le président. La parole est à M. Philippe Armand Martin.

M. Philippe Armand Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous étudions vise à légaliser les dérogations au principe de l’interdiction du travail le dimanche.

Si et seulement si elle ne vise qu’à cela – donner un cadre législatif à une pratique établie depuis longtemps à coups de dérogations –, je n’ai rien à y redire et le compromis trouvé permettra de mettre un peu d’ordre dans des usages parfois un peu obscurs. Cela dit, il faut s’assurer que le volontariat sera bien la seule règle applicable pour les salariés et qu’en aucun cas il n’y aura de « désignés volontaires », de formes de chantage ou de pression. Nous serons sans doute nombreux, monsieur le ministre, à apprécier que vous réaffirmiez ce principe.

Mais si je prends parole aujourd’hui, c’est aussi pour mettre en garde contre un effet d’aubaine qui pourrait modifier les habitudes des consommateurs habitant dans les régions limitrophes des grandes agglomérations et des zones touristiques et thermales.

M. Alain Vidalies. Bien sûr !

M. Philippe Armand Martin. Je pense non seulement à ma région, la Marne, qui ne se trouve qu’à quarante-cinq minutes de Paris, mais aussi à toutes les régions de la grande couronne et à celles situées près des grandes agglomérations touristiques.

M. Alain Vidalies. C’est juste.

M. Philippe Armand Martin. Les Marnais ont tout loisir de faire l’aller-retour dans la journée du dimanche pour effectuer des achats et par là même déserter les commerces locaux le reste de la semaine. Or, ceux-ci sont souvent les derniers maillons d’un tissu social déjà fragilisé dans nos campagnes. On ne va pas tant acheter du pain et quelques conserves à l’épicerie du village que donner des nouvelles et en prendre. Faire ses courses est souvent un moyen de sortir de chez soi pour aller à la rencontre de ses voisins. Si les petits co
mmerces ferment dans nos villages, que restera-t-il ?

Je ne veux pas faire pleurer dans les chaumières, mais c’est un fait que la vie de certains villages de France sera considérablement modifiée si la seule boulangerie ferme – et elle fermera si, dorénavant, on va acheter son pain congelé pour la semaine dans une grande surface.

Mme Catherine Coutelle. Absolument !

M. Philippe Armand Martin. Si l’on ajoute à cette situation le développement exponentiel de l’e-commerce, ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, on en arrive à modifier totalement les habitudes des consommateurs. C’est contre cet effet potentiellement dangereux que je tiens aujourd’hui à vous alerter, car on ne peut pas donner à un commerçant ce qu’on enlève à un autre.

La proposition de loi vise à relancer la consommation, à permettre à ceux qui travaillent d’avoir un jour de plus pour consommer et faire les achats pour lesquels le temps leur manque en semaine. Cela est plus que louable. Elle vise également à arrondir les fins de mois, à défaut des fins de semaines, des salariés qui en feraient la demande. Mais avoir un emploi du temps décalé avec celui de sa famille, n’est-ce pas trop cher payé ? La question est posée.

Je crains, je l’avoue, le revers de la médaille. L’enfer est pavé de bonnes intentions et les plus fragiles, en l’occurrence les commerces de proximité, risquent de payer un lourd tribut s’ils sont désaffectés. C’est pourquoi j’attire votre attention sur la nécessité de préserver le commerce de proximité, véritable lien social dans des zones rurales souvent de plus en plus désaffectées au profit des grandes villes et de leur périphérie.

Il faut conserver au dimanche son statut à part de jour de la semaine. Pour les chrétiens, c’est le jour du Seigneur. Pour Jean Dézert, héros du court roman Les Dimanches de Jean Dézert, de Jean de La Ville de Mirmont, ami de Mauriac,…

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville. Et excellent poète !

M. Philippe Armand Martin. …c’est le jour pour essayer tout ce que vantent les prospectus publicitaires qu’il a accumulés durant la semaine. Pour les enfants, c’est déjà l’ennui de se retrouver en classe le lendemain. Pour les oisifs, c’est le jour de la semaine où on va s’ennuyer tranquille et perdre son temps à regarder le temps se perdre. Pour les familles, c’est le jour où, enfin, après une semaine de travail, on se retrouve ensemble. Pour les sportifs et l’ensemble du tissu associatif, c’est le jour consacré à la pratique que l’on affectionne.

Dimanche est un jour unique. Tous les dimanches se ressemblent, surtout s’il pleut, mais dimanche ne ressemble à aucun autre jour de la semaine. Il faut relancer la consommation, certes, mais sans sombrer dans l’excès. Ne réduisons pas l’homme à son pouvoir d’achat. Un dimanche réussi n’est pas celui durant lequel on aura acheté une montre de luxe.

M. Alain Vidalies. Très juste !

M. Marcel Rogemont. Excellent ! Pas de Rolex !

M. Philippe Armand Martin. Un dimanche réussi, c’est un jour où le temps s’arrête pour offrir à qui sait le voir son entière plénitude : on rit, on pleure, on aime, on s’ennuie, on se fâche… On prend le temps de se retrouver seul ou avec ses proches. Le dimanche, c’est une petite vie en condensé. C’est ce dimanche auquel je tiens, comme bon nombre de nos concitoyens. C’est ce dimanche qu’il faut conserver. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)


M. Christian Eckert
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 Je demande la parole pour un rappel au règlement.

Rappels au règlement

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