M. le président. La parole est à M. Jacques Valax.
M. Jacques Valax. J’ai écouté attentivement votre intervention, monsieur le ministre, mais permettez-moi de vous lire mon discours tel que je l’ai écrit il y a quelques jours, et n’y voyez aucune provocation de ma part.
M. Marcel Rogemont. Encore que ! (Sourires.)
M. Jacques Valax. Alors que les plans sociaux et les licenciements se multiplient, que les chiffres du chômage explosent, il devient urgent de répondre aux attentes des salariés autrement que par des déréglementations.
L’adoption de votre texte se traduirait par un véritable recul social et sociétal. Nous sommes loin du discours du président Sarkozy se posant en héritier de Jaurès. Contrairement à Nicolas Sarkozy et à votre Gouvernement, Jaurès était avant tout le défenseur des salariés, ce qu’il a prouvé en s’engageant aux côtés des verriers de Carmaux.
Depuis Jaurès, seuls la gauche et l’ensemble des forces de progrès ont fait avancer concrètement le droit des travailleurs. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
M. André Wojciechowski. C’est faux !
M. Jacques Valax. Seule la gauche a conquis de nouveaux droits sociaux que la droite n’a eu de cesse de combattre. Seule la gauche a mené des réformes pour rendre la société moins dure aux plus faibles, à ceux qui travaillent et gagnent peu.
Rappelons rapidement quelques réformes sociales dont nous sommes à l’origine : 1874 : la loi interdisant le travail des enfants de moins de douze ans ; 1884 : la loi Waldeck Rousseau autorisant les syndicats ; 1898 : la première loi sur les accidents du travail ; 1936 : le Front populaire avec les congés payés et la semaine de 40 heures ; 1956 : la loi sur les trois semaines de congés payés ; 1982 : les 39 heures et la cinquième semaine de congés payés ainsi que la retraite à soixante ans ; 1988 : création du RMI, et de 1997 à 2002, ne vous en déplaise, les 35 heures (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)…
M. Richard Mallié, rapporteur. Parlons-en ! Quelles conséquences pour l’économie !
M. Jacques Valax. …les emplois jeunes, la CMU, l’allocation personnalisée d’autonomie.
Nous n’avons pas la même interprétation, ni politique ni philosophique, de l’application des 35 heures, mais il demeure que c’est un progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Où en serions-nous aujourd’hui, où en serait le monde du travail, l’histoire sociale de notre pays si nous n’avions connu que des gouvernements de droite comme le vôtre ? Hier, Jaurès réclamait une société plus juste et nous devons continuer son combat au moment où votre gouvernement mène une politique ultra libérale et individualiste. Malgré vos incantations, notre combat est diamétralement opposé au vôtre.
Que proposez-vous avec ce texte ? Une offensive en règle contre les avancées sociales de notre pays.
Les salariés ne s’embauchent pas eux-mêmes, ne se licencient pas eux-mêmes, ne se distribuent pas de primes, ne s’accordent pas de RTT, ne choisissent pas leurs jours de travail : l’employeur est bien le seul à décider. Du fait du lien de subordination à l’employeur, de la précarité de l’emploi, de la faiblesse des salaires, très peu de salariés pourront refuser de travailler le dimanche. Là est le vrai problème.
Vous ne pouvez pas faire croire aux Français que la très grande majorité des salariés de la grande distribution, essentiellement des mères de famille à temps partiel, payées entre 650 et 700 euros net, pourront librement décider de ne pas travailler le dimanche alors qu’aujourd’hui elles ne peuvent même pas choisir leurs heures et leurs jours de travail.
En 1889, Jaurès disait : « Les beaux rêves se réveilleront d’eux-mêmes au cœur des citoyens libres. Ils se diront que, dans un intérêt économique aussi bien que dans un intérêt moral, il faut constituer tous les travailleurs dans notre pays à l’état d’hommes, que le vrai moyen d’exciter l’énergie de la production nationale comme de relever le niveau humain, c’est de développer en chaque travailleur toute la valeur d’homme qu’il contient ; qu’il faut pour cela l’arracher, par la solidarité professionnelle, au servage des faibles isolés devant les grands capitaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.), aux terribles hasards du chômage et à l’écrasement du labeur irrégulier et démesuré ; qu’il faut subordonner les lois brutales de la concurrence aux lois supérieures de la vie et non celles-ci à celles-là ; qu’il faut » – et c’est pour cela que je cite ce passage – « ménager dans l’existence de tout homme une petite place pour la vie de famille et pour la vie de l’esprit et que, dans ces quelques heures de loisir humain restituées à tout homme il faut, par une éducation incessante et multiple, concentrer tous les rayons de la pensée, comme on pratique dans la forêt enchevêtrée et sombre quelques éclaircies où rit la lumière du soleil. »(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je m’opposerai à ce texte car je me bats ici, dans la droite ligne de Jaurès, pour une vie meilleure, pour un homme plus spirituel, mieux éduqué, pour une pensée plus libre et plus féconde, pour que le soleil brille pour tous de la même façon, pou
r une société de vrai progrès social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)