Intervention très documentée de Christian Eckert, qui s’est pour partie appuyé sur les textes que nous avons publié sur ce site, en particulier la note TerraNova. Il y décortique l’évolution du texte, au fil de ses versions : peu de changements sur le fond. Il y relève la méthode contestable de l’exécutif, faire passer un projet de loi par un député porteur d’eau, la programmation de ce sujet au cours des vacances, et l’emploi de la procédure accélérée. Il note la complexité et l’enchevêtrement volontaire du texte, qui dispose entre autre que le travail du dimanche ne comporte aucune contrepartie dans les zones touristiques. Il y tente une analyse de la notion de « zone touristique », entre deux éructations du Docteur Mallié, possiblement fatigué. |
La parole est à M. Christian Eckert.
M. Christian Eckert. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, nous examinons cette quatrième version de la proposition de loi de notre collègue Richard Mallié alors que la troisième a failli être examinée au mois de décembre dernier, juste avant Noël. « Mallié IV » nous est soumise en juillet, au cœur de l’été : c’est plus facile et plus discret ! En o
utre, il s’agit d’une proposition de loi.
M. le président. Chers collègues, je prie ceux qui ont choisi de quitter l’hémicycle de le faire dans le plus grand silence, par respect pour l’orateur.
M. Christian Eckert. Je vous remercie, monsieur le président. Peut-être ont-ils un rendez-vous à midi ?
Contrairement à ce qui a déjà été dit plusieurs fois, y compris par M. le ministre et par son éphémère prédécesseur, il s’agit bien d’une proposition de loi, disais-je, et non d’un projet de loi. Tout est là et j’ai la faiblesse de penser que ce choix n’est pas dû au hasard. En effet, la loi sur la représentativité et la démocratie sociale vous contraindrait, s’il s’agissait d’un projet de loi, à organiser la concertation avec les partenaires sociaux.
M. Marcel Rogemont. Où est Larcher ?
M. Christian Eckert. Les propositions de loi sont désormais à la mode : après celle de M. Poisson, voici celle de M. Mallié.
Revenons sur la genèse de ces « textes Mallié ». La première version du texte date du 7 septembre 2007. Permettez-moi de vous en donner quelques extraits ; aujourd’hui, en effet, vous prétendez que le dernier texte est a minima, ou en retrait. Or, l’évolution constatée au fil des quatre versions prouve tout le contraire ! La première proposition de loi du 7 septembre 2007 prévoyait que, « dans les zones agglomérées regroupant plus de 200 000 habitants, le repos hebdomadaire peut également être donné un autre jour sur la base du volontariat des salariés, par roulement pour tout ou partie du personnel, soit toute l’année, soit à certaines époques de l’année » – j’en passe et des meilleures.
M. Marcel Rogemont. S’il y a roulement, il ne peut y avoir de volontariat !
M. Christian Eckert. Cette première version demandait qu’un accord prévoie obligatoirement des contreparties salariales et fasse mention du nouveau jour de fermeture hebdomadaire fixé pour l’établissement. Ce texte était simple ; il n’évoquait en aucun cas les communes touristiques, obligeait à un accord social, permettait des dérogations pour cinq ans et imposait une période d’évaluation prise en compte dans la décision éventuelle de renouvellement de l’autorisation.
Le deuxième texte, présenté le 22 mai 2008, évoquait quant à lui les communes et les zones touristiques ou thermales. S’il conservait le principe de l’autorisation pour cinq ans, il disposait – pour la première fois – qu’en l’absence d’accord salarial, un référendum serait nécessaire.
Ce deuxième texte faisait également mention des ZACE, les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle, et prévoyait que des autorisations d’ouverture puissent y être accordées à titre expérimental, pour cinq ans et seulement en Île-de-France et dans les Bouches-du-Rhône.
Le troisième texte, allant de mal en pis, évoquait encore le cas des communes touristiques et thermales, mais imposait toujours une autorisation administrative – les préfets étant obligés d’intégrer les contreparties convenues entre les organisations syndicales. Dans ces zones touristiques, la notion de volontariat était maintenue.
Il était encore question des ZACE en novembre 2008, dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants, mais toujours pour une durée limitée et soumises à des autorisations administratives.
Nous en venons à ce texte prétendu a minima, qui aurait été vidé de sa substance…
M. Jean Mallot. Bien sûr que non !
M. Christian Eckert.…selon vos propos. Or mes chers collègues, qu’est-ce qui a changé ? Dans les communes touristiques, les autorisations sont accordées de plein droit : cela veut dire qu’il n’y a plus de notion de volontariat ni de contreparties pour tous les types de commerces dans toutes les communes touristiques. La messe est dite. Ce prétendu texte a minima est pire que le précédent !
Il y a une autre évolution majeure : cette fois, les ZACE ont disparu, avant même d’exister. Elles sont devenues des PUCE, soit des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, et non le petit animal sympathique qui fait tant s’agiter nos animaux de compagnie ! (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Venons-en au titre. Je vais, là encore, montrer l’évolution de ce que vous dites aujourd’hui être une loi différente de celle présentée au mois de décembre, et que vous avez vous-mêmes rejetée.
Dans le premier texte, il s’agissait de « garantir aux salariés concernés par le travail du dimanche une majoration salariale et un repos compensateur, dans le cadre d’accords entre partenaires sociaux sur des périmètres déterminés ». On peut faire plus simple, mais tel était le titre de cette première proposition.
Avec le deuxième texte, cela se gâtait, puisqu’il visait à « rénover les dérogations au repos dominical ». M. Mallié ne manque pas d’imagination ! Beaucoup de salariés commencent toutefois à savoir ce que signifie le mot « rénover » !
Mme Michèle Delaunay. Il y a aussi « moderniser » !
M. Christian Eckert. Le troisième texte visait, lui, à « définir les dérogations au repos dominical dans les grandes agglomérations, les zones touristiques et les commerces alimentaires ». On ne rénovait plus les dérogations, on les définissait !
J’en arrive au summum : le titre du texte qui vous est soumis aujourd’hui est simple, comme vous pouvez le constater. Il s’agit d’une proposition de loi visant à « réaffirmer le principe du repos dominical et adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ». Tout est dans le titre ! Vous comprendrez, mes chers collègues, le rideau de fumée qui occulte le contenu de ce texte si vous analysez cet intitulé avec moi.
M. Régis Juanico. Ce texte entretient la confusion !
M. Christian Eckert. J’évoquerai d’abord sa première partie : « Réaffirmer le principe du repos dominical ». Or, que dit actuellement le code du travail dans son article L. 3132-3 ? « Le repos hebdomadaire est donné le dimanche. » Point, fermez le ban !
M. Jean Mallot. C’est clair et net !
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p;Christian Eckert. Est-il nécessaire de changer la moindre virgule à cette phrase qui existe déjà dans notre code du travail ? Le seul fait de vouloir réaffirmer ce droit dans la loi – car nous faisons la loi, non de la communication – montre que le doute existe.
J’en viens à la dernière partie du titre : « ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ». Une lecture rapide pourrait faire croire que le mot « volontaires » se rapporte à l’ensemble de ce qui précède. Et pourtant, nous verrons plus loin, en analysant le texte, que ce mot ne porte que sur les PUCE, c’est-à-dire certaines grandes agglomérations.
S’agissant de cette expression « certaines grandes agglomérations », la difficulté pour Richard Mallié était de résoudre le problème de Plan-de-Campagne et de quelques autres zones en Île-de-France. (« C’est exact ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
M. Jean Mallot. Plan de campagne électoral !
M. Christian Eckert. Aussi fallait-il trouver un critère. Chacun sait que la loi s’applique à tous et que nous légiférons ici pour l’ensemble du territoire national. Le Conseil constitutionnel, d’ailleurs, aura à se poser des questions sur les affirmations contenues dans le texte. Mais l’expression « certaines grandes agglomérations » vous a posé quelques problèmes ! Nous le savons, ce texte a provoqué des remous dans la majorité et les députés UMP de Lyon étaient contre. Toute l’astuce a été de trouver une formule qui vise Plan-de-Campagne, mais pas Lyon et, au passage, d’enquiquiner un peu les gens de l’agglomération lilloise !
M. Jean Mallot. On se demande pourquoi !
M. Christian Eckert. L’artifice a consisté à parler des unités urbaines de plus d’un million d’habitants – nous reviendrons sur la situation de Lyon qui, en aucun cas, je l’affirme, n’est exclue du champ de ce texte.
M. Jean Mallot. Évidemment !
M. Christian Eckert. S’agissant de la présentation, s’il y a eu un article additionnel, sur lequel nous reviendrons, la proposition initiale se limitait à un seul, pour deux raisons. D’abord, parce que nous avons affaire pour la première fois au temps programmé et chacun sait qu’il est possible de s’inscrire dans la discussion de chaque article. Par conséquent, se borner à un seul article ne permettait qu’une seule discussion sur les articles !
M. Marcel Rogemont. Traficotage du règlement !
M. Christian Eckert. La deuxième raison est beaucoup plus perverse : en mélangeant dans un seul et même article deux situations extrêmement différentes, on entretenait la confusion. C’est ainsi que des ministres parlaient de volontariat partout, que le président de la commission des affaires économiques lui-même affirmait que tout résidait dans le volontariat. En mettant le volontariat un peu en haut, un peu au milieu et un peu en bas, mais en arrangeant bien les articles, en jouant sur une lecture un peu rapide – nos collègues n’ayant pas forcément le temps de décortiquer chacun des textes de cette véritable diarrhée législative qui nous saisit en ce moment –, tout a été fait d’évidence pour entretenir la confusion.
J’en cite deux exemples. Les articles nouveaux L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4 parlent de volontariat. Mais si vous lisez attentivement, vous constatez que cela ne s’applique qu’à l’article L. 3132-20, qui existe déjà, et au nouvel article L. 3132-25-1, c’est-à-dire les PUCE.
Autrement dit, mes chers collègues qui êtes attachés au repos dominical, il faut comprendre, et nous aurons l’occasion de le répéter, que la notion de volontariat ne s’applique que dans les nouvelles zones que vous avez inventées, c’est-à-dire les PUCE.
Paradoxalement, l’article L. 3132-25-5, qui exclut les grandes surfaces alimentaires – je vous en donne acte – porte sur l’ensemble des deux articles L. 3132-25 et L. 3132-25-1.
Il y a donc confusion dans la présentation, en relation avec l’application du temps programmé pour la première fois dans cette législature. Votre perversité a probablement nécessité un certain temps de préparation. Elle nécessitera de notre part du temps pour les explications et les commentaires.
À ceux de nos collègues de droite qui disent que le texte a bien évolué, et que, dans « Mallié IV », il n’y aurait plus rien de « Mallié III », je pose une seule question, la seule qui devrait valoir au moment de voter : qu’est-ce qui a changé entre la proposition de loi que nous avons majoritairement rejetée au mois de décembre et celle que nous examinons aujourd’hui ? Rien ! Opposez-nous des faits, pas des mots ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Quel article a changé ?
M. Richard Mallié, rapporteur. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !
M. Christian Eckert. Le seul changement, c’est que vous étiez passés par amendement, après une réunion à l’Élysée – comme aujourd’hui ! – de cinq dimanches autorisés par le maire à huit. Mais cela ne figurait pas dans la proposition de loi. Et c’est cela qui a disparu. L’évolution par amendement introduit, apparemment, sur les conseils appuyés du Président de la République, a sauté.
M. Marcel Rogemont. Il n’y a plus de Parlement, il n’y a que le Président de la République ! Pourquoi s’agit-il d’une proposition de loi ? L’exécutif n’est-t-il pas capable de déposer un projet ?
M. Christian Eckert. Une deuxième chose a changé, sur laquelle j’appelle votre attention. Les dérogations dans les communes touristiques étaient jusqu’à présent accordées sur la base d’autorisations administratives et obligeaient à des contreparties.(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Aujourd’hui, vous introduisez subrepticement, dans l’article qui concerne les zones touristiques et thermales, une notion d’autorisation de plein droit. De plein droit, cela veut dire sans volontariat, sans contrepartie, sans doublement du salaire, contrairement à ce que vous racontez partout sur les ondes !
M. Éric Raoult. Vous êtes conservateur ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
M. Jean-Pierre Brard. Oui, des acquis sociaux !
M. Christian Eckert. Sur ce point, monsieur Raoult, je m’honore d’être conservateur !
Pour cette proposition de loi, vous utilisez la procédure accélérée. Pourquoi ? Y a-t-il urgence, tout à coup, au cœur de l’été, à relancer un débat qui dure depuis six ans et sur lequel, à l’évidence, certains se sont cassé les dents ?
Vous observerez, mes chers collègues, que l’examen au Sénat de cette proposition de loi – si, par malheur, vous la votiez – est prévu pour le 22 juillet et que notre session s’achève peu après. Aurez-vous l’audace de convoquer une CMP le 25 juillet à dix-huit heures…
M. Marcel Rogemont. Oui !
M. Christian Eckert. …pour faire passer ce texte une nouvelle fois en catimini ?
Mme Delphine Batho. C’est un coup de force !
M. Christian Eckert. Je le crains. Et j’en veux pour preuve les propos du Président de la République, qui a déclaré, le 30 juin 2009, à la Défense, que ce problème serait réglé avant l’été.
M. Marcel Rogemont. Ce sera durant l’été !
M. Éric Raoult. C’est de l’efficacité !
M. Christian Eckert. C’est peut-être un peu optimiste à l’heure qu’il est, mais quoi qu’il en soit, vous chercherez à le régler avant l’automne.
Je voudrais souligner la faiblesse du rapport. J’ai beaucoup de sympathie pour Richard Mallié (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC), qui est un homme de conviction, chacun le sait. Mais, je suis désolé de le dire, il a rendu un rapport faible. Après trois précédentes propositions de loi et six ans de travail, il se contente de quinze pages…
M. Richard Mallié, rapporteur. Il n’y a qu’un seul article !
M. Christian Eckert. …si je retire le compte rendu de la discussion qui a eu lieu en commission, et encore deux sont-elles quasiment vides puisqu’elles ne contiennent que deux lignes, alors que le sujet suscite à l’évidence, ce qui est sain, débat dans notre pays, pour ne pas parler du débat dans cet hémicycle.
Le rapport est faible parce qu’il ne dit rien, qu’il n’écrit rien sur ce qui se passe à l’étranger. Il ne dit rien, il n’écrit rien sur les salaires, notamment dans les métiers concernés. Il ne dit rien, il n’écrit rien sur les contreparties existantes, là où des dérogations sont déjà accordées. Les gens sont-ils payés double, plus que le double – cela arrive –, moins que le double ? Combien sont-ils ? Aucune information ne figure dans le rapport.
Le rapport ne dit rien, n’écrit rien sur la situation des femmes.
M. Jean Mallot. Cela ne les intéresse pas !
M. Christian Eckert. Les femmes sont, on le sait, les plus nombreuses à travailler dans un commerce et les plus touchées par les conséquences du travail dominical sur la vie familiale.
M. Marcel Rogemont. Exactement ! 62 % des femmes travaillent le dimanche !
M. Christian Eckert. Certes, on nous sert la complainte sur Plan-de-Campagne, sur Éragny, sur le Val-d’Oise. J’aurais préféré, monsieur le rapporteur, que vous nous disiez que la France est le pays d’Europe où l’on travaille le plus le samedi, d’après une étude d’Eurostat de 2004 sur les douze pays qui composaient alors la Communauté. Et pour le travail le dimanche, la France se situe dans le haut de la fourchette, parmi les trois pays qui travaillent le plus le dimanche. Seuls le Royaume-Uni et les Pays-Bas promeuvent massivement le travail le dimanche, qui représente autour de 15 % du travail habituel. Dans les autres pays, la part des salariés travaillant le dimanche se situe à 10 %, voire en dessous.
En Allemagne par exemple persiste un fort consensus contre le travail le dimanche.
M. Jean Mallot. Bien sûr !
M. Christian Eckert. Même la fédération des entreprises du commerce l’exclut de ses revendications actuelles, tandis que le syndicat des services VERDI y est défavorable.
M. Marcel Rogemont. C’est pour cela que Mme Obama ne s’est pas rendue en Allemagne pendant le week-end !
M. Christian Eckert. D’ailleurs, en Allemagne, une grande majorité des magasins de centre-ville n’appliquent pas la loi de 1997 qui faisait passer les heures obligatoires de fermeture de dix-huit heures trente à vingt heures en semaine.
En Norvège, depuis le 1er avril 2003, les magasins ont une totale liberté d’horaires d’ouverture, ceux-ci pouvant aller jusqu’à vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais le travail dominical reste encore très strictement encadré.
La Suède est dans une zone grise, avec des autorisations qui sont accordées au niveau local sur la base d’accord de branche – pourquoi pas ? – alors que l’Espagne, plutôt libérale depuis la loi de juin 2000, affiche de fortes disparités régionales : Madrid autorise vingt-six dimanches par an pour les établissements de plus de 300 mètres carrés alors que la Catalogne et le Pays Basque appliquent la loi a minima.
Avec plus de 25 % de travail dominical global, en additionnant les habituels et les occasionnels, la France se situe en haut de la fourchette dominicale et c’est, je le répète, le pays européen où l’on travaille le plus le samedi. Au total, la France apparaît comme un pays où les salariés travaillent déjà beaucoup le week-end. Rien dans ces comparaisons européennes ne justifie d’accroître la charge de travail dominical des salariés en France.
J’aurais aimé, monsieur le rapporteur, trouver des éléments de cette nature pour profiter de ce que certains appellent le benchmarking des autres pays, notamment européens – c’est d’ailleurs une pratique habituelle et appréciée du président Méhaignerie. Je n’ai pas trouvé ce genre d’éléments dans le rapport. Heureusement, on peut trouver beaucoup d’informations notamment sur Internet.
M. Régis Juanico. Attention à HADOPI !
M. Christian Eckert. J’ajoute que le différentiel de salaire accordé au salarié travaillant le dimanche, que vous dites justifié par le coût d’opportunité élevé auquel le salarié fait face en allant travailler le dimanche – renonciation à des activités avec les personnes qui ne travaillent pas, garde d’enfants, etc. – ne sera plus de mise si la banalisation du travail le dimanche se produit, ce que nous craignons. À terme, les majorations de salaires disparaîtront. À ce propos, toujours pour les amateurs de benchmarking, le cas de la Grande-Bretagne est très révélateur : aucune prime n’est versée à un ouvrier qui travaille le dimanche dans un site de production industriel fonctionnant en continu.
D’ailleurs, ce mécanisme est déjà en vigueur en France puisque l’amendement Debré, la sénatrice, qui a été adopté par votre majorité le 20 décembre 2007, donne aux magasins d’ameublement la liberté d’ouvrir le dimanche.
M. Marcel Rogemont. Exactement ! Il faut le rappeler.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Amendement que j’ai fait modifier personnellement !
M. Christian Eckert. Auparavant, une majoration salariale et un repos compensateur étaient prévus par la convention collective dans ce secteur. L’arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2009 rend inapplicable cette convention dès lors que le salarié travaille habituellement le dimanche. CQFD !
M. Marcel Rogemont. Voilà pourquoi ce sera la généralisation !
M. Christian Eckert. L’un des objectifs de votre proposition de loi est de légaliser les enseignes hors la loi. Curieux pour le législateur que de dire : il y a un usage, certains ne respectent pas les règles, sont condamnés par les tribunaux, eh bien, on va faire une loi, comme ça ces personnes vont revenir dans le droit commun.
M. Jean Mallot. Rendez-moi mes points !
M. Christian Eckert. Imaginez le même raisonnement en ce qui concerne les radars.
M. Marcel Rogemont. Exactement !
M. Christian Eckert. Beaucoup de conducteurs prennent des PV devant les radars – on en parle beaucoup en ce moment. Eh bien, faisons une loi et changeons les choses, puisque c’est un usage constaté. Je vous épargnerai les exemples sur l’utilisation de l’alcool, du cannabis, de la cigarette ou de bien d’autres choses.
M. Marcel Rogemont. Exactement !
M. Christian Eckert. Il y a là une première contradiction. Martine Billard l’a dit, c’est une forme de loi d’amnistie que vous nous proposez, il faut l’assumer.
D’ailleurs, l’inspection du travail a décidé d’utiliser la voie judiciaire pour que Leroy Merlin cesse d’employer illégalement les salariés le dimanche dans le Val-d’Oise, L’entreprise risque une astreinte de 100 000 euros par dimanche en infraction. Pour ses trois magasins, cela fait 300 000 euros d’amende. Eh bien, que dit Leroy Merlin en gros – je vous épargne la lecture complète de l’article : « Ce n’est pas grave, j’attends la loi ; on nous a promis qu’elle serait bientôt votée. »
M. Jean-Pierre Brard. Au Fouquet’s !
M. Marcel Rogemont. C’est « Le roi malin » !
M. Christian Eckert. Voilà, mes chers collègues, ce qui arrive quand on veut faire des lois d’amnistie. D’ailleurs, alors que Leroy Merlin avait été récemment condamnée à verser 3,6 millions d’euros, les organisations syndicales ont proposé d’abandonner les 3,6 millions d’euros à condition que soit accordée une majoration de salaires dans les enseignes concernées.
Le Conseil constitutionnel appréciera ces lois faites sur mesure, ces lois faites pour des intérêts particuliers, au détriment, beaucoup le craignent et le disent, de l’intérêt général.
Certes, certains d’entre vous sont probablement de bonne foi, et je ne suis pas sûr que même le rapporteur ait souhaité que ce texte aborde la dérogation de plein droit dans les communes touristiques.
M. Jean-Pierre Brard. Là, vous le sous-estimez !
M. Christian Eckert. Je pense, et il le craint lui-même, qu’à force d’empiler des choses différentes sur un texte qui, au départ, pouvait paraître anodin, l’inconstitutionnalité vous guette, mes chers collègues. En tout cas, nous saisirons le Conseil constitutionnel sur cette question, entre autres.
M. Jean-Pierre Brard. Heureusement que Jean-Louis Debré est là !
M. Christian Eckert. Je voudrais maintenant approfondir un peu l’état des lieux pour que chacun comprenne la situation d’aujourd’hui.
M. Marcel Rogemont. C’est souhaitable !
M. Christian Eckert. Tout d’abord, on nous dit que les dérogations existantes, c’est compliqué, qu’il y a en a beaucoup, que personne ne s’y retrouve. En réalité, c’est relativement simple, en tout cas au moins aussi simple que le texte qui nous est proposé.
Des dérogations sont actuellement prévues pour les entreprises qui, pour des raisons techniques ou d’intérêt majeur, doivent travailler en continu ; elles font l’objet d’accords généralement collectifs et cela ne pose pas de problèmes majeurs.
Par ailleurs, cinq dimanches par an peuvent être accordés par les maires, dans toute la France, sauf à Paris, où c’est le préfet qui accorde ces autorisations.
M. Jean Mallot. Eh oui !
M. Christian Eckert. Dans ce cas, je vous signale, mes chers collègues, qu’aujourd’hui ri
en n’oblige au doublement du salaire.
Dans les zones touristiques, et c’est là toute la nuance, sont autorisées les activités liées au tourisme durant la saison dans les communes touristiques. Ces autorisations sont accordées pour des durées temporaires et donnent lieu à des contreparties.
Quelles sont les communes concernées, du moins actuellement ? Aujourd’hui, on nous dit que les communes touristiques visées sont les communes à prendre au sens du code du travail.
M. Jean Mallot. C’est cela…
M. Christian Eckert. Mais il y a aussi les communes touristiques liées au code du tourisme. C’est un peu compliqué, je le reconnais, et cela méritait clarification. Être une commune touristique au sens du tourisme, on comprend un peu ce que cela veut dire, mais être une commune touristique au sens du code du travail, on comprend moins.
M. Régis Juanico. Et au sens du code de l’éducation ?
M. Christian Eckert. Alors, on a cherché les différences, on a regardé ce que disent les textes actuels.
Une loi, datée du 14 avril 2006, c’est pas vieux, constatant que la notion de communes touristiques était vague, a cherché à préciser ce qu’est une commune touristique. Aux termes de cette loi, les communes touristiques au sens du code du tourisme sont les communes qui mettent en œuvre une politique locale du tourisme – bon…
M. Jean Mallot. C’est précis !
M. Christian Eckert. …très précis en effet – qui offrent des capacités d’hébergement pour l’accueil d’une population non résidente, qui bénéficient au titre du tourisme dans les conditions du code des collectivités territoriales de la dotation supplémentaire touristique, etc. Ces communes peuvent être dénommées touristiques et la loi renvoie à un décret. Or ce décret est paru, figurez-vous.
M. Jean Mallot. Non ? Quelle efficacité !
M. Christian Eckert. Oui, cela arrive, il y a des décrets qui paraissent. Le décret est paru le 2 septembre 2008, et il est entré en application en mars 2009. Il précise que les critères notamment pris en compte sont…
Mme Delphine Batho. Notamment !
M. Christian Eckert. …premièrement, le rapport entre la population permanente et la population saisonnière.
M. Jean Mallot. C’est-à-dire ? 2, 0,5, 0,25 ? Quel doit être le rapport ?
M. le président. Laissez l’orateur s’exprimer, monsieur Mallot.
M. Jean Mallot. Je demande simplement des précisions.
M. Christian Eckert. …le nombre de gîtes, le nombre de campings, le nombre de lits et le nombre de places offertes dans les parcs de stationnement automobile.
M. Jean Mallot. Le nombre de lits ou de lits à deux places ?
M. Christian Eckert. Et le décret donne un tableau : il faut multiplier les chambres d’hôtels par deux, les résidences secondaires par quatre, prendre la racine carrée de la taille du maire… et on arrive, après avoir divisé par la population…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est ridicule !
M. Christian Eckert. Permettez-moi un trait d’humour, monsieur Ollier, pour une fois.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Vous pouvez faire de l’humour mais il y a des textes !
M. Christian Eckert. Voilà ce que dit le code du tourisme. C’est à peu près la même chose dans le code du travail, mais dit dans l’autre sens, c’est-à-dire que les préfets saisis par les maires vont se prononcer peut-être, en tout cas d’après vous, de deux façons différentes : une première fois sur la base du code du tourisme, ils vont donner leur accord à l’appellation commune touristique, et puis, une seconde fois, le même préfet saisi par le même maire ou par une enseigne pourrait, d’après vous, dire que la commune n’est plus commune touristique au sens du code du travail. J’avoue que pour une loi qui voulait simplifier la notion de commune touristique, c’est pas mal ! D’autant qu’un amendement adopté ce matin en commission a inventé une troisième catégorie pour faire simple.
M. Jean Mallot. En plus, les préfets changent !
M. Christian Eckert. Toujours dans l’état des lieux, j’en viens aux contreparties du travail du dimanche. S’il est vrai qu’il est payé double dans certains établissements, les volontaires doivent parfois se contenter d’une majoration de 50 %.
Vous prétendez avoir trouvé la recette miracle en prévoyant l’ouverture de négociations, selon un procédé auquel vous avez déjà eu recours pour la loi sur l’intéressement et la participation. Mais reconnaissez que, en rendant leur ouverture et non leur conclusion obligatoire, vous n’allez pas bien loin.
M. Jean Mallot. Chacun ses limites !
M. Christian Eckert. Quant au volontariat, un problème vous aura peut-être échappé. Si l’obligation pour le salarié de travailler le dimanche figure dans le contrat de travail, le dispositif sera évidemment sécurisé, mais à quel prix ? Dans un célèbre établissement des Champs-Élysées dont le nom commence par un V et finit par un n, les syndicats luttent contre cette disposition, qui revient à établir une discrimination à l’embauche. De même, le renoncement à la réversibilité constitue un changement évident des modalités du contrat de travail, susceptible d’entraîner sa nullité.
Toujours dans l’état des lieux, je relèverai une bêtise, parmi d’autres. Qui n’a entendu dire que le cô
té droit et le côté gauche des Champs-Élysées n’étaient pas soumis au même régime ? Le Président de la République lui-même, ainsi que Brice Hortefeux, l’ont répété à leur tour. Or rien n’est plus faux. Cette avenue serait-elle hémiplégique le dimanche, les magasins étant ouverts sur un trottoir et fermés sur l’autre ? Rien n’est plus faux. Comme d’autres lieux de la capitale classés par la préfecture en « zone touristique d’affluence exceptionnelle » – la rue des Francs-Bourgeois, par exemple, ou une partie du boulevard Saint-Germain –, les Champs-Élysées bénéficient d’un régime spécifique autorisant le dimanche l’activité des établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés aux activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel – et ce des deux côtés de l’avenue. Ceux qui ont prétendu le contraire l’ont inventé de toutes pièces.
Certains regrettent de pouvoir acheter le dimanche des lunettes de soleil, mais non des lunettes de vue.
M. Jean Glavany. Les députés de la majorité sont aveugles !
M. Christian Eckert. À mon sens, cela n’a rien d’une catastrophe. Une personne qui a commandé des lunettes peut passer les retirer en semaine à l’heure du déjeuner, en fin de journée ou le samedi. L’impossibilité d’effectuer cette démarche le dimanche ne pénalise en rien notre économie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Caricature ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas une caricature : vous avez cité cet exemple à dix reprises ; permettez-nous de répondre au moins une fois devant la représentation nationale !
M. Richard Mallié, rapporteur.Cela fait des semaines que vous nous caricaturez !
M. Christian Eckert. Restez calme, monsieur Mallié, le débat ne fait que commencer !
M. Jean-Pierre Dufau. Il faudrait prévoir un accord de branche ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Eckert. Les notaires et tous ceux qui exercent une profession libérale travaillent-ils ce jour-là ? Au lieu d’ouvrir les commerces le dimanche, chers collègues de la majorité, cessez donc de fermer les services publics toute la semaine !(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La dernière anecdote que l’on a racontée sur l’ouverture des magasins le dimanche met en scène Mme Obama.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales. Encore une caricature !
M. Christian Eckert. La visite que celle-ci a effectuée un dimanche, sur les Champs-Élysées, largement couverte par la presse, a été commentée en chœur par les ténors de la majorité. Évidemment, ont objecté certains, Mme Obama aurait pu se rendre dans un musée, ou parcourir les Champs-Élysées la veille ou le lendemain. Quoi qu’il en soit, était-il nécessaire que l’Élysée fasse ouvrir des commerces le dimanche ?
M. Marcel Rogemont. Pourquoi n’était-elle pas à l’Élysée ?
M. Christian Eckert. Imaginez la situation des salariés qui avaient prévu une sortie en famille ce jour-là, et qui ont été envoyés au travail sur un simple coup de fil,…
M. Marcel Rogemont. Par le fait du prince !
M. Christian Eckert. …au motif que Mme Obama voulait faire des courses. Quelle indécence ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marcel Rogemont. Elle pouvait aller à Berlin !
M. Christian Eckert. Mais, si elle avait été à Berlin, comme d’ailleurs à Barcelone, les magasins auraient également été fermés. Autant dire que l’argument de la visite de Mme Obama, qui peut faire sourire, est spécieux. D’ailleurs, joue-t-on au tennis à Wimbledon le dimanche ? (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.) M. Hortefeux a cité l’exemple du Luxembourg, dont mon département est frontalier. Les magasins n’y sont pas ouverts le dimanche, pas plus qu’en Allemagne. Ce jour-là, les Français sont plus nombreux à travailler que les Portugais, les Espagnols, les Italiens, les Allemands ou les Luxembourgeois. Sur ce chapitre, la France arrive au neuvième rang sur douze pays classés.
À présent, regardons de plus près la population concernée.
M. Marcel Rogemont. Les femmes !
M. Christian Eckert. Selon l’INSEE, 3,6 millions de personnes travaillent régulièrement le dimanche, et leur nombre double si l’on compte ceux qui le font de manière occasionnelle. Ne pensez-vous pas que cela suffit, quand on sait que ceux qui pratiquent le travail dominical sont les moins nombreux à souhaiter qu’il se généralise ?
J’entends un autre argument : dans les usines sidérurgiques ou les mines, dans les services de santé, comme les urgences,…
Mme Catherine Lemorton. Et tous les services où l’on assure la permanence des soins !
M. Christian Eckert. …dans des services de sécurité, dans les restaurants, les cafés et les hôtels, dans les transports publics et privés, bien des gens travaillent déjà le dimanche. Si l’on ne peut remettre en cause leur activité, il n’est pas question de l’étendre.
Quant aux femmes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), qui sont les plus touchées par ces questions,…
M. Marcel Rogemont. Elles représentent 62 % des salariés concernés!
M. Christian Eckert. …elles sont particulièrement nombreuses dans le commerce.
Mme Marie-Louise Fort. Le travail du dimanche arrange certaines d’entre elles
!
M. Christian Eckert. S’il en arrange peut-être 2 %, il en dérange 98 %, et nous ne légiférons pas pour la minorité.
Au fait que les femmes sont les plus touchées par le travail dominical, s’ajoute le fait qu’elles perçoivent de faibles salaires et, dans le cas des caissières de supermarché, qu’elles pratiquent des horaires discontinus. En outre, l’amplitude des horaires d’ouverture est de plus en plus grande. Quand un magasin ferme à vingt heures, et qu’elles doivent encore nettoyer, faire la caisse et prendre les transports en commun, il est parfois vingt et une heures trente quand elles rentrent chez elles. Imaginez la vie des femmes qui travaillent dans des magasins fermant à vingt-deux heures : elles rentrent chez elles à partir de vingt-trois heures trente, au moment où les transports collectifs sont plus rares, et doivent se lever tôt le matin pour préparer leurs enfants avant de les conduire à l’école. Croyez-vous réellement que le travail dominical les arrangera ?
Encore un mot sur les salaires. Aujourd’hui, Patricia, quarante-six ans, qui touche 543 euros nets par mois, voit sa rémunération passer à 1 400 euros nets si elle travaille le dimanche. Formidable, direz-vous ? Mais, si son salaire était correct, elle ne serait pas obligée de travailler le dimanche pour vivre décemment. Au moment même où vous refusez d’augmenter le SMIC, vous savez que, si le travail dominical se généralise, les salaires ne seront plus majorés. C’est le cas en Grande-Bretagne, où les contreparties au travail dominical ont été supprimées.
M. Marcel Rogemont. C’est déjà le cas en France dans les magasins d’ameublement !
M. Christian Eckert. D’ailleurs, les majorations que vous prévoyez ne concernent pas tout le monde : dans les zones touristiques qui vont se développer, la loi ne majore pas certains salaires et la situation dans les PUCE ne sera pas la même avant et après l’adoption de la loi. D’où le problème des conventions collectives, dont on se sait si elles resteront en vigueur.
J’ajoute que le coût induit par le travail du dimanche est plus important pour les salariés. La garde des enfants, quand elle existe, est plus onéreuse ce jour-là, les transports sont moins nombreux et le restaurant d’entreprise fonctionnera moins, s’il fonctionne !
J’en viens à mon vingtième point, qui concerne les étudiants. Eux, me direz-vous, le travail du dimanche les arrange.
M. Marcel Rogemont. Il vaudrait mieux augmenter les bourses !
M. Christian Eckert. Dans une autre vie, quand j’enseignais les mathématiques,…
Mme Marie-Louise Fort. Moi, j’étais pionne !
M. Christian Eckert. …il m’est arrivé de voir des étudiants dormir le lundi matin. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Quand je leur demandais s’ils avaient fait la fête la veille, ils me répondaient qu’ils avaient travaillé : le salaire de leurs parents était trop élevé pour qu’ils puissent obtenir une bourse, mais insuffisant pour leur permettre de suivre des études sans une activité salariée. Connaissez-vous les chances de succès de ceux qui étudient dans ces conditions ?
Mme Marie-Louise Fort. Être pionne n’empêche pas de devenir députée ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
M. Christian Eckert. Une forte proportion des étudiants qui ont une activité professionnelle réussissent moins bien leurs études, quand ils ne les abandonnent pas.
M. Richard Mallié, rapporteur. Vous êtes à court d’arguments !
M. Christian Eckert. Je proposerai tout à l’heure, indépendamment de l’augmentation des bourses, un certain nombre de moyens pour ne pas envoyer les étudiants vers des métiers de la vente pour lesquels ils ne sont d’ailleurs ni formés ni qualifiés. Un certain nombre d’organisations syndicales, y compris patronales, nous l’on dit : employer des étudiants, c’est bien gentil, mais ils ne connaissent pas le travail. Evidemment, vendre des savonnettes, cela va toujours, mais du matériel de bricolage ou de l’ameublement, ce n’est pas évident.
Mme Marie-Louise Fort. Il n’y a pas de sots métiers, il n’y a que de sottes gens.
M. Christian Eckert. Mais, me direz-vous, cela arrange les familles recomposées. Mais refusez-vous à ces familles, qui ont été décomposées, le droit de se recomposer autrement ? Des femmes seules peuvent très bien retrouver un compagnon. De toute façon, cette proposition de loi fera bien plus de dégâts dans les familles ordinaires qu’elle ne résoudra des problèmes de garde alternée dans quelques cas. Sachez que chez les infirmières, une des professions qui travaille le plus le dimanche, l’on trouve l’un des plus fort taux de divorce et de séparation.
Votre grand argument, c’est que le travail du dimanche se fera sur la base du volontariat. C’est faire peu de cas du lien de subordination entre l’employeur et le salarié. Quelle liberté aura vraiment ce dernier, pour lequel son emploi est vital, sur le plan matériel mais aussi pour se sentir utile socialement ? Il sera mis devant « le choix de Sophie » : travailler le dimanche ou risquer de perdre son emploi, même mal payé. Quant à ses problèmes familiaux, à lui de les résoudre. Il y a en réalité une certaine perversité à parler de volontariat, et même de demander aux salariés de se déclarer volontaires pour travailler le dimanche.
Voici d’ailleurs un cas qui va vous intéresser, monsieur Mallié : selon un article du 27 janvier dernier, l’hypermarché Géant Casino de Salon-de-Provence a licencié un salarié qui avait refusé de travailler le dimanche 14 décembre. Il avait pourtant fait savoir un mois auparavant qu’il n’était pas volontaire. Après avoir fait tous les dimanche pendant sept ans, il avait désormais quelqu’un dans sa vie et voulait lui consacrer plus de temps. Le directeur du magasin lui a fait part de son point de vue par un courrier indiquant : « Je vous avais rappelé qu’afin de satisfaire notre clientèle en cette période, nous devions mettre en place les structures nécessaires ; que dans la mesure du possible, votre demande serait respectée, mais que, dans un souci d’équité, il était possible que vous soyez amené à travailler. » La bourde de la direction est patente. Cette mise à pied motivée par écrit est une grande première. Cela confirme ce que nous avons toujours dit : le travail du dimanche fondé sur le volontariat e
st une vaste fumisterie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Marcel Rogemont. C’est le volontariat du chef d’entreprise !
M. Christian Eckert. Quand bien même nous accepterions l’idée que le volontariat est possible en temps normal, l’est-il en période de crise, quand le salarié est fragilisé ? Aujourd’hui, celui qui cherche un emploi a moins que jamais le choix de refuser les conditions et les contraintes que ne lui impose peut-être pas, mais que lui « suggère » son employeur potentiel. Quant à un éventuel referendum, c’est une solution bidon, du moins dans les petites entreprises. On voit mal comment on pourrait l’organiser sans une « amicale pression » de l’employeur.
Certes, la notion de travail bénévole se généralise. Frédéric Lefebvre proposait de travailler pendant les congés de maternité et de maladie. British Airways vient de demander à ses salariés de travailler un mois sans rémunération. On peut donc toujours imaginer des travailleurs bénévoles. Mais qu’on se rassure, le fait de refuser de travailler le dimanche ne sera pas un critère de licenciement, d’après vous. Allez donc le dire aux salariés de Continental, qui avaient accepté d’abandonner leurs RTT pour que l’entreprise continue : aujourd’hui ils sont tous au chômage.
Il est évident qu’il y aura discrimination à l’embauche. Imaginez l’entretien de recrutement : bien sûr, on ne demandera pas « acceptez-vous de travailler le dimanche ? », mais « au fait, au cas où cela se présenterait, que pensez-vous du travail dominical ? » Le chômeur, qui sait que d’autres attendent à la porte, et auquel le banquier vient de rappeler son découvert, peut-il répondre sans contrainte ? Il sera volontaire, même s’il ne le veut pas.
M. Richard Mallié, rapporteur. Vous vivez dans un monde où l’on rase gratis !
M. Christian Eckert. Je ne vois pas le rapport.
Le refus de travailler le dimanche peut donc entraîner une mise à pied, un licenciement.
M. Marcel Rogemont. Exact !
M. Christian Eckert. Mais on parle de réversibilité. Selon un amendement, en cas de besoin ponctuel, pour un événement familial, le salarié devrait pouvoir demander à ne pas travailler le dimanche pendant un certain temps. Cette question a grandement agité la majorité – à cette heure, je ne sais pas où nous en sommes – et, je lui en donne acte, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Que proposait M. Mallié ? Que si un salarié souhaite ne pas travailler le dimanche – ou souhaitait, je ne sais pas où on en est des amendements. La commission s’est réunie de neuf heures dix à neuf heures vingt-sept pour en examiner un bon paquet…
M. Jean Mallot. Et ce n’est pas fini !
M. Christian Eckert. En effet.
M. Mallié propose donc que ce salarié ait un droit de priorité. Mais priorité pour quoi ? Pour retrouver un emploi sur lequel on ne travaille pas le dimanche s’il en existe dans le même établissement ou la même entreprise. Autrement dit, « allez vous faire voir chez Plumeau ! » Vous n’avez pas d’emploi, mais j’ai respecté la loi : vous avez un droit de priorité, faites-en ce que vous voulez ! Ce n’est pas sérieux, c’est tromper les gens. Mais on nous annonce que le problème de la réversibilité est réglé. Cet amendement, c’est du vent. Nous verrons dans le cours de la discussion s’il en vient d’autres, plus intelligents et en tout cas plus efficaces. J’observe en tout cas que cette question agite beaucoup, et à juste titre, la majorité.
M. Richard Mallié, rapporteur. C’est vous qui croyez cela.
M. Christian Eckert. C’est bien de l’amendement que vous avez déposé que je parle.
J’en viens au texte de façon un peu plus détaillée. Ce texte instaure la confusion en posant deux questions, auxquelles il apporte des réponses différentes en essayant de faire croire qu’elles sont satisfaisantes. En fait, on mélange tout. Les ZACE sont devenues des PUCE, les communes touristiques, on ne sait plus trop – pendant un temps, la droite prétendait qu’il s’agissait seulement des zones touristiques, mais il est bien écrit dans le texte qu’il s’agit des deux. Donc, quand on prétend, en espérant vendre ce texte, qu’il a été vidé de sa substance, c’est faux, c’est un mensonge. Je me permets d’utiliser ces termes puisque hier, monsieur le rapporteur, vous parliez en public d’escroquerie et de malhonnêteté intellectuelle de la part des socialistes.
M. Richard Mallié, rapporteur. Je persiste et signe !
M. Christian Eckert. Moi de même. Nous avons trouvé des failles dans votre dispositif.
M. Marcel Rogemont. Il n’y a pas eu à chercher longtemps.
M. Christian Eckert. Cela vous gêne, je le comprends. D’ailleurs, en commission un certain nombre de collègues de droite ont été ébranlés en vérifiant dans le texte même que nos arguments étaient justifiés. Vous pouvez toujours sauter sur votre chaise en criant « volontariat, volontariat », et « doublement du salaire, doublement du salaire », ce n’est pas, si on lit le texte, vrai partout, ni même partout dans les PUCE.
M. Richard Mallié, rapporteur. C’est faux !
M. Christian Eckert. Nous reviendrons sur cette question d’accord salarial, sauf si vous acceptez nos amendements qui prévoient le doublement du salaire au minimum.
Commençons par les communes touristiques. Vous avez entretenu la confusion,…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est vous qui créez la confusion !
M. Christian Eckert. …je vais essayer de remettre un peu d’ordre.
Dans les communes touristiques, votre texte ne prévoit aucune contrepartie.
M. Richard Mallié, < I>rapporteur. C’est vrai.
M. Christian Eckert. Il faut que vous l’assumiez.
M. Richard Mallié, rapporteur. Je l’assume.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Oui, c’est le cas !
M. Christian Eckert. Dans les communes touristiques, votre texte ne prévoit aucun volontariat.
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est déjà le cas !
M. Christian Eckert. Eh bien, assumez.
Monsieur Ollier, vous affirmiez en commission que tout se ferait sur la base du volontariat.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Dans les PUCE.
M. Christian Eckert. Non ! Je vous renvoie au rapport. Ce n’est pas des PUCE que vous parliez en disant cette phrase.
M. Reynès lui, au moins, assume, en écrivant noir sur blanc dans son rapport que dans les zones touristiques et thermales, le travail ne se fait pas sur la base du volontariat. Arrêtez de dire, comme l’a fait le ministre en réponse à une question d’actualité, que les communes touristiques seront définies et le volontariat assuré, ainsi que le doublement du salaire. C’est une escroquerie pour ce qui concerne les communes touristiques. Nous reviendrons ensuite sur le cas des PUCE.
D’ailleurs, Jean Leonetti, lui-même, pourtant vice-président du groupe UMP, est troublé, puisqu’il fait état de l’existence d’inégalités, non seulement sur le territoire, entre les zones, mais aussi dans le temps, entre la situation avant et après le vote de la loi. Quant au président de la commission des affaires culturelles, Pierre Méhaignerie, il a déclaré : « Faire croire à tous les salariés travaillant le dimanche que leur salaire sera doublé est une bourde monumentale. »
La majorité et le Gouvernement doivent accepter un certain nombre de nos amendements. Ils sont simples et clairs et visent, d’une part, à ce que, dans les zones et communes touristiques, le travail dominical se pratique sur la base du volontariat, et, d’autre part, à ce que ce dernier donne lieu à un doublement du salaire et à un repos compensateur. Si ces amendements ne sont pas adoptés, de fait, vous nous donnerez raison.
Vous entretenez dans l’opinion publique l’idée que le salaire du dimanche sera doublé et que le travail se fera sur la base du volontariat, alors que, en réalité, dans les communes touristiques, ce ne sera jamais le cas.
Précisément, quelles sont les communes touristiques ? Il y a une différence entre les communes touristiques au sens du droit du travail et celles qui le sont au sens du code du tourisme. En ce qui concerne cette dernière approche, le décret du 2 septembre 2008 est très précis : peuvent être qualifiées de communes touristiques, celles qui disposent d’un office du tourisme classé – comme cela doit être le cas à La Défense – ; celles qui organisent, en période touristique des animations compatibles avec le statut des sites et des espaces naturels, et celles qui disposent d’une capacité d’hébergement et d’une population non permanente dont le rapport à la population municipale est supérieur ou égal à un pourcentage prévu par un tableau publié dans le décret. Un calcul prend en compte le nombre de chambres en hôtellerie classée, multiplié par deux ; du nombre de lits en résidence de tourisme, multiplié par un ; du nombre de logements meublés multipliés par quatre… je pourrais poursuivre cette énumération.
M. Marcel Rogemont. C’est intéressant !
M. Christian Eckert. Ce calcul fait également intervenir le nombre de chambres d’hôtes, multiplié par deux, et le nombre d’anneaux de plaisance, multipliés par quatre. Je vous épargne les autres éléments.
M. Marcel Rogemont. C’est le seigneur des anneaux !
M. Christian Eckert. Par exemple, pour qu’une commune de 10 000 habitants soit considérée comme une commune touristique, il faut qu’elle dispose d’une capacité d’hébergement équivalant à 4,5 % de sa population, soit 450. Il suffit donc que cette commune dispose de cinquante chambres d’hôtels et de vingt logements meublés – ce qui n’est pas énorme pour une commune de 10 000 habitants –, de cinquante résidences secondaires – c’est le cas, par exemple, dans la commune dont je suis le maire – et de dix chambres d’hôtes. Ne comptons pas les anneaux de plaisance – toutes les communes ne sont pas en bord de mer – ou les terrains de camping…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Et vous nous parlez de caricature !
M. Marcel Rogemont. C’est seulement un cas concret !
M. Christian Eckert. Vous nous disiez tout à l’heure qu’il n’était pas facile de bénéficier du statut de commune touristique, qu’il fallait pour cela remplir certains critères : voilà les critères en question ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette commune a-t-elle un intérêt touristique ? A-t-elle un office du tourisme classé ?
M. Christian Eckert. Il suffit donc que cette commune de 10 000 habitants compte cinquante chambres d’hôtel, vingt logements meublés, cinquante résidences secondaires et dix chambres d’hôtes pour remplir les critères qui en font une commune touristique.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est n’importe quoi !
M. Christian Eckert. Combien y a-t-il de communes touristiques au sens du code du tourisme ? Le Conseil national du tourisme a fait une estimation sur la base du dernier décret…
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. On voit bien que vous n’avez jamais dirigé une commune touristique ! Vous en parlez savamment san
s les connaître.
M. Christian Eckert. Il suffit de considérer neuf des plus grandes communes touristiques : Paris, Lyon, Marseille, Lille, Montpellier, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Grenoble, Rennes, sans même prendre toutes les autres en compte, pour que 5,2 millions d’habitants, soit environ 10 % de la population française, soient concernés.
Imaginez ce qu’il adviendra avec le décret qui permet une augmentation du nombre de ces communes ! En effet, contrairement à ce qui a été dit, il n’y aura pas seulement trois ou quatre communes touristiques supplémentaires par an. Le Conseil national du tourisme nous a indiqué avoir actuellement 150 dossiers en instance, en précisant que, avec l’entrée en vigueur progressive du code du tourisme, le nombre des candidats ne cesse d’augmenter.
Sur la question des communes touristiques, j’ai découvert, ce matin, à neuf heures vingt et une, un amendement, approuvé par le rapporteur et la commission, présentant la nouvelle notion défendue par la majorité. J’espère que tous les députés seront là quand vous défendrez cette idée. Je ne pense pas tomber dans la caricature, même si mes propos peuvent être parfois ironiques, en la résumant ainsi : puisqu’il y a un débat…
M. Richard Mallié, rapporteur. Il n’y a pas de débat : les choses sont claires !
M. Christian Eckert. Il y a bien un débat puisque M. Mallié parle de cinq cents communes touristiques, et M. Ayrault de cinq à six mille.
S’agit-il de clore ce débat, ou de rassurer le Conseil constitutionnel ? Toujours est-il que la majorité nous propose d’écarter la notion de commune touristique au sens du code du tourisme – nous avons vu le résultat – et du code du travail, pour parler désormais des « communes d’affluence touristique ». (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je ne sais pas si cet amendement sera voté, mais les bras m’en tombent !
M. Jean Mallot. Nous y voyons vraiment plus clair ! C’est très précis ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Eckert. Jean Mallot a interrogé le rapporteur en commission : « Qu’est-ce qu’une commune d’affluence touristique ? Comment mesurez-vous l’affluence touristique ? » Flottement. Cela devrait manifestement se comprendre de soi-même.
Il existe donc une loi qui comprend de nombreux critères – telle donnée est multipliée par deux, telle autre par trois et telle autre par quatre pour parvenir à 4,5 % afin de définir une commune touristique – mais, finalement, elle ne sert à rien puisque vous décider d’inventer un truc, sans aucun critère, que vous appelez « communes d’affluence touristique ». On ne sait pas si un nombre minimum d’hôtels est requis dans la commune. Faut-il que la mer ou la montagne soit proche, faut-il une offre de tourisme industriel, de tourisme à la ferme ? Nous n’en savons rien. Nous savons seulement qu’il y aura de nouvelles communes d’affluence touristique.
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Ces communes ne sont pas nouvelles, monsieur Eckert !
M. Christian Eckert. C’est donc comme cela que vous répondez au trouble de votre majorité et à celui de l’opinion publique !
M. Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. C’est faux !
M. Christian Eckert. C’est comme cela que vous répondez au débat qui se déroule dans le pays ! En tout cas, il est clair, puisque je défends une motion en ce sens, que ce point, au moins, mérite d’être renvoyé en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Vous avez parlé de confusion et de malhonnêteté intellectuelle en évoquant nos arguments, mais expliquez-moi comment les mêmes préfets répondront aux mêmes maires, soit que leur commune est touristique, au sens du code du tourisme, soit qu’elle l’est au sens du code du travail – dans ce cas tous les commerces peuvent ouvrir tous les dimanches –, soit qu’elles seront labellisées « communes d’affluence touristique » !
M. Christophe Caresche et M. Marcel Rogemont. C’est du bricolage !
M. Christian Eckert. Je vois difficilement comment on pourrait faire moins simple et moins confus ! Un renvoi de la proposition de loi en commission permettrait, pour le moins, de clarifier une notion aussi obscure.
Finalement, les juridictions trancheront afin de discerner éventuellement entre les communes touristiques et communes d’affluence touristique, cependant, une question plus grave encore se pose, me semble-t-il. Quels sont les commerces qui pourront être ouverts ?
Jusqu’à aujourd’hui, je vous rappelle que seuls les commerces liés au tourisme pouvaient ouvrir le dimanche. Avec la proposition de loi que nous discutons, tous les commerces le pourront. On pourra acheter des lunettes de vue, des vêtements ou des chaussures, faire ses achats au « brico-marché » ou à la quincaillerie. Tous les magasins des zones touristiques pourront ouvrir toute l’année, sans que s’applique la règle du volontariat et sans contrepartie. Montrez-moi donc quel article de la proposition de loi ou quel amendement contredit ce que je viens de dire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Une telle réforme a un intérêt économique, rétorquerez-vous. J’ai rarement vu des cars de touristes japonais remplis d’outillage, d’électroménager ou de matelas ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) En tout cas, avec votre proposition, de loi, demain, cela pourrait être le cas !
Je remercie sincèrement les collègues de la majorité qui sont restés dans l’hémicycle. Je crois savoir que les autres sont partis pique-niquer à l’Élysée. Nous aurions d’ailleurs pu en profiter pour voter immédiatement, mais nous ne le ferons pas : nous voulons aller au bout du débat. Tous les députés ont-ils bien remarqué ce qui est inscrit, pour la première fois, dans la version de la proposition de loi que nous examinons : désormais, dans les communes touristiques, tous les commerces pourront de plein droit, ouvrir toute l’année ? Vous dites qu’il s’agit d’une loi a minima, que ce texte est, aujourd’hui, équilibré, et qu’il a bien évolué. Pourtant, jamais vous n’aviez osé aller jusque-là dans les versions précédentes.
Je le répète : il y a beaucoup de personnes de bonne foi dans cet hémicycle. Je ne suis pas sûr que toutes aient comp
ris ce qu’elles allaient être amenées à voter. Mes chers collègues, je vous invite à lire la proposition de loi. Le vote n’aura pas lieu aujourd’hui, mais, dans quelques jours, la semaine prochaine. Le dimanche peut porter conseil et servir à la réflexion.
Certes, parfois, nous forçons le trait, nous manions l’ironie, mais, en toute simplicité, mes chers collègues, je vous invite à lire cette proposition de loi et les rapports parlementaires ; vous constaterez que nos arguments ne relèvent nullement de l’escroquerie intellectuelle.
Ainsi, non seulement tous les commerces des communes touristiques sont concernés, mais encore la règle du volontariat ne s’y appliquera pas. Ce point est désormais clair, il a bien fallu que vous l’assumiez en répondant aux questions qui étaient posées. Dans les communes touristiques, il n’y aura pas de volontariat. Dans tous les commerces, l’employeur pourra demander à ses salariés de travailler le dimanche.
Il y a deux jours, un journal relatait ainsi que, selon un ponte de l’UMP : « Le texte sur le travail sur le dimanche est un gros paquet de m…erde. Avec son courrier, Ayrault a mis une bombe sous la ligne de flottaison de la majorité. »
Chers collègues de la majorité, nos arguments ne sont pas contestables et ne seront pas contestés. Si vous prenez le temps d’analyser et de décortiquer le texte, vous reconnaîtrez que cette quatrième version est pire que les précédentes. Je reviendrai, à ce propos, sur la tribune parue dans Le Monde en novembre 2008 et signée par cinquante-huit députés UMP.
En tout cas, chacun comprend que ces dispositions risquent de faire tache d’huile. En effet, dans une commune touristique, un commerçant dont l’activité n’est pas liée au tourisme pourra, non pas employer ses salariés de force,…
M. Pierre Cardo. Il aurait du mal !
M. Christian Eckert. …mais exiger d’eux qu’ils travaillent le dimanche, puisqu’il n’y aura pas de volontariat. Il améliorera ainsi son chiffre d’affaires au détriment de son concurrent, implanté dans la commune voisine qui n’aura pas reçu le label : « commune touristique ».
M. Marcel Rogemont. Il y aura une distorsion de concurrence !
M. Christian Eckert. Les effets de diffusion sont inévitables.
M. Pierre Cardo. Vous estimez donc que le texte est positif. C’est contradictoire !
M. Christian Eckert. Ce n’est pas du tout contradictoire ; je persiste et je signe.
J’en termine sur ce point, en rappelant les propos du Président de la République. Après nous avoir bassiné…
M. Éric Raoult. Oh ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Eckert. …ou, si vous préférez, inondé de propos sur le régime prétendument différent qui s’appliquerait au trottoir de gauche et au trottoir de droite des Champs-Élysées, il a indiqué que le quartier de La Défense était également un quartier touristique et que, du reste, « tout Paris devrait l’être ».
Or, que se passerait-il si, une fois le texte voté, le préfet décidait, comme le souhaite le Président de la République, de classer Paris parmi les communes touristiques ? Eh bien, tous les commerces parisiens pourraient être ouverts tous les dimanches, sans volontariat ni contrepartie pour les salariés. Mesurez bien les conséquences d’une telle mesure, mes chers collègues !
M. Richard Mallié, rapporteur. Le Président vous l’a dit !
M. Christian Eckert. Ce n’est pas notre conception de la vie, notamment de la vie économique. Peut-être est-ce la vôtre, mais, dans ce cas, faites comme M. Devedjian : assumez-le ! Ne vous dissimulez pas derrière un rideau de fumée, en prétendant, comme vous le faites depuis huit jours, que cette proposition de loi ne prévoit que des dérogations réservées à quelques communes et fondées sur le volontariat des salariés. Heureusement que nous avons un peu soufflé sur les braises.
M. Éric Raoult. Ah, vous reconnaissez la manipulation !
M. Christian Eckert. Assumez, mon cher collègue : annoncez clairement que vous êtes favorables à ce qu’à Paris, tous les commerces puissent ouvrir le dimanche, sans volontariat ni doublement du salaire !
M. Jean Gaubert. Ils ne le disent plus, cela !
M. Christian Eckert. Expliquez qu’il en va de l’intérêt majeur de l’économie de la ville, de la région, du pays ! Vous avez le droit de le penser, et je respecte cette conviction. Mais, encore une fois, ne faites pas croire aux Français que votre proposition de loi protège les salariés, dont le salaire sera doublé.
S’agissant des zones touristiques, je vous l’accorde : la demande doit venir du maire.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. C’est un point important !
M. Marcel Rogemont. Ce ne sera pas le cas pour Paris !
M. Christian Eckert. Toutefois, je remarque – je traiterai du cas de Paris ultérieurement – qu’il n’est pas fait référence au conseil municipal.
M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires culturelles. Les maires sont suffisamment intelligents pour consulter leur conseil municipal !
M. Christian Eckert. Afin de renforcer la transparence du dispositif, nous avons suggéré, dans un amendement de repli, que le conseil municipal se prononce, plutôt que le maire. Certes, le conseil municipal est très largement en accord avec son maire.
M. Pierre Cardo. Pas toujours !
M. Christian Eckert. Mais il est plus facile d’exercer des pressions sur un individu seul. Dès lors, même s’il a la capacité de résister, le maire ser
a plus sensible à celles-ci que le conseil municipal.
M. Pierre Cardo. N’oubliez pas que le maire doit rendre des comptes à son conseil municipal !
M. Christian Eckert. J’en viens maintenant au cas de Paris.
M. Richard Mallié, rapporteur. Ah !
M. Christian Eckert. Fidèle à votre stratégie du rideau de fumée, le texte est rédigé de telle manière qu’il n’est pas facilement compréhensible. En effet, l’article 2 dispose que la liste des communes touristiques est établie « par le préfet sur proposition de l’autorité administrative visée à l’article L. 3132-26 du code du travail ». Quelques députés zélés et leurs collaborateurs efficaces ont donc exhumé cet article, qui précise que ladite autorité administrative est le maire, sauf à Paris, où il s’agit du préfet.
Ainsi, s’agissant de Paris, c’est au préfet qu’il revient de faire la demande et d’accorder l’autorisation ! Celui-ci peut donc décider – en toute indépendance, cela va de soi – de s’adresser à lui-même une demande visant à classer Paris parmi les communes touristiques. Pour ce faire, il n’a pas besoin de consulter le maire, et encore moins le conseil municipal.
Mme Catherine Lemorton. C’est plus facile !
M. Christian Eckert. Une fois qu’il aura reçu sa propre proposition, le préfet va donc l’étudier…
M. Pierre Cardo. Il est vrai qu’il n’y a pas de touristes à Paris !
M. Christian Eckert. …et se demander si Paris est une commune touristique. Au sens du code du travail, du code du tourisme ou en fonction de l’affluence touristique ? On l’ignore, mais nul doute qu’il analysera le dossier en toute objectivité…
M. Éric Raoult. C’est un sketch !
M. Christian Eckert. …et qu’il conclura que Paris est bien une commune touristique. Quant au maire de la capitale, première ville touristique mondiale,…
M. Éric Raoult. Paris sera toujours Paris !
M. Christian Eckert. …il a déclaré : « J’ai toujours considéré que certains quartiers de Paris devaient suivre d’autres règles que des quartiers plus résidentiels. Mais je m’oppose fermement au classement en ville touristique de l’ensemble du territoire parisien. Le texte est un subterfuge pour imposer une déréglementation du droit du travail à l’échelle de toute une ville. »
Monsieur le président Méhaignerie, vous qui, ce matin, avez vanté les pouvoirs du maire et reproché à certains de nos collègues de ne pas respecter son autorité et sa bonne foi ou de mettre en doute sa capacité à administrer sa commune en toute harmonie et dans la concertation, reconnaissez qu’il s’agit là d’une disposition ubuesque. Certes, ma démonstration était un peu teintée d’ironie, mais admettez que cela pourrait faire la une du Canard enchaîné. Nous serions en effet les seuls à mettre en œuvre une telle législation. Aussi seriez-vous bien inspirés, mes chers collègues de la majorité, de corriger cette disposition. Il en va du sérieux de notre assemblée.
Autre question – car vous n’avez pas encore tout vu –,…
M. Marcel Rogemont. Ce n’est que le début !
M. Christian Eckert. …il est fait référence, dans le texte, aux « commerces de biens et de services ». Or, si je sais à peu près ce qu’est un commerce de biens, j’ai moins de certitudes en ce qui concerne les commerces de services. Toutefois, après avoir un peu réfléchi, je me suis dit que pouvaient être concernés les banques, la sécurité, les transports, l’entretien, les crèches – M. Bertrand a d’ailleurs annoncé, lorsqu’il s’est promené à Éragny, que, bientôt, les crèches seraient ouvertes le dimanche. Les salariés de ces secteurs d’activité auront-ils droit au doublement de leur salaire ?
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est déjà le cas !
M. Christian Eckert. Ce doublement est en effet prévu pour les salariés du commerce, mais qu’en est-il des femmes de ménage, des agents de sécurité ou des convoyeurs de fonds ? Ce point méritera d’être éclairci lors de la discussion des articles. En tout état de cause, l’utilisation de l’expression : « commerces de biens et de services »…
M. Richard Mallié, rapporteur. C’est celle du code du travail. L’avez-vous lu ?
M. Christian Eckert. …me semble comporter des risques de dérives.
Par ailleurs, le risque d’assécher le petit commerce de centre-ville est grand – et je rappellerai tout à l’heure les déclarations des représentants des associations de commerçants et des fédérations de commerçants de centre-ville.
M. Jean Mallot. Ils vont souffrir !
M. Christian Eckert. Tous craignent que cette généralisation du travail dominical, notamment dans les communes touristiques, ne crée une concurrence à laquelle ils ne pourront pas faire face. Mais, sur ce point, vous avez une réponse ! Vous nous dites, en effet, que vous avez exclu du champ d’application de la proposition de loi les commerces alimentaires. Soit, mais un hypermarché est-il un commerce alimentaire ?
M. Jean Mallot. Pas toujours !
M. Christian Eckert. Pour le déterminer, faut-il calculer la part du chiffre d’affaires, celle de la surface commerciale ou encore celle des bénéfices liée au rayon alimentaire ? Peut-être faut-il plutôt retenir le nombre des salariés affectés à ce rayon ? Admettez, en tout cas, que la notion de commerce alimentaire mériterait d’être précisée, à moins que vous n’attendiez des hypermarchés qu’ils ouvrent le dimanche, tout en fermant certains rayons…
Autre facteur d’inégali
té source de contentieux : le fameux amendement dit « Ikea », ou « Debré », à la loi LME de 2007, qui autorise l’ouverture des commerces d’ameublement le dimanche. Outre qu’elle est entrée en conflit avec la convention collective, qui prévoyait des compensations salariales, cette mesure a posé d’autres problèmes. En effet, certaines enseignes – Leroy Merlin, par exemple – ont fait valoir qu’elles vendaient aussi de l’ameublement, en plus d’autres produits, et qu’à ce titre, elles pouvaient également ouvrir le dimanche, ce qui a donné lieu à un contentieux. Si, comme vous le prétendez, vous voulez clarifier les choses, ne laissez pas cohabiter dans différents textes des dispositions aussi imprécises.
Nous avons vu que cette proposition de loi pourrait faire tache d’huile, puisque les commerçants des villes voisines des communes touristiques demanderont certainement de pouvoir également ouvrir le dimanche. Vous arguez d’ailleurs d’une situation similaire pour justifier l’ouverture des commerces dans les régions frontalières. Vous déplorez ainsi que les habitants du Nord se rendent en Belgique le dimanche pour faire leurs achats, mais vous ne semblez pas envisager que le phénomène puisse se produire à l’intérieur de notre territoire, si deux communes voisines ne bénéficient pas du même statut.
J’en ai terminé avec la partie de mon intervention relative aux communes touristiques et thermales – celle qui, vous en conviendrez, pose le plus de problèmes – et j’en viens à la deuxième partie, relative aux PUCE.
M. Jean-Pierre Soisson. Ce sera pour cet après-midi !
M. Christian Eckert. Pour l’instant, j’ai la parole, mon cher collègue.
Le PUCE, périmètre urbain de consommation exceptionnel, semble constituer à vos yeux une énorme révolution par rapport à la ZACE, dont vous n’avez pas voulu dans la proposition Mallié III. Il s’agirait selon vous d’un dispositif plus équilibré. Mais c’est la même chose, mes chers collègues ! Les cinquante-huit députés de droite qui ont signé la tribune « Le travail le dimanche, une mauvaise idée » en novembre dernier peuvent relire le nouveau texte pour vérifier que très peu de choses ont été modifiées. On a renoncé à faire passer de cinq à huit le nombre de dimanches pour lesquels un maire peut demander une dérogation et on a rajouté la possibilité d’ouvrir de plein droit dans les communes touristiques. S’il y a un changement, il va plutôt dans le mauvais sens !
Les PUCE…
M. Richard Mallié, rapporteur. Ah, je savais bien que ça vous démangeait !
M. Christian Eckert. …sont réservés aux unités urbaines de plus d’un million d’habitants. Il fallait faire entrer dans ce dispositif la zone commerciale de Plan de Campagne, dont la situation est effectivement préoccupante, mais aussi l’Île-de-France – bref, il fallait régulariser les enseignes hors la loi !
M. Marcel Rogemont. Il faut appeler un chat un chat : les délinquants sont amnistiés !
M. Christian Eckert. Le problème est qu’il fallait nécessairement que la loi fixe un seuil et s’applique à tous au-dessus de ce seuil : dire que seront concernées les communes entre 1,1 et 1,125 million d’habitant risquait d’aboutir à ce que le Conseil constitutionnel juge cette loi un peu trop ciblée.
L’application de ce critère aurait dû se traduire par l’instauration de PUCE à Paris, Lyon, Marseille et Lille. Mais puisque retenir Lyon gênait un certain nombre de parlementaires – il en était de même à Lille, mais on n’en a pas tenu compte –, vous avez décrété qu’à Lyon, il n’y avait pas d’usage de consommation exceptionnel de fin de semaine ! Et tous vos discours au sujet de cette proposition de loi ne font état que de Paris, Lille et Marseille ! Est-ce à dire que les commerçants lyonnais ferment le samedi ? Nous avons demandé à plusieurs reprises au rapporteur, en commission, ce qu’il entendait par usage de consommation exceptionnel de fin de semaine. Systématiquement, il a répondu qu’il s’agissait du samedi et du dimanche.
M. Marcel Rogemont. Eh oui !
M. Christian Eckert. Il me semble qu’à Lyon, on achète sans doute autant le samedi qu’en Île-de-France, à Lille ou à Marseille.
M. Marcel Rogemont. Bien sûr !
M. Christian Eckert. Or, vous affirmez de façon péremptoire que Lyon ne faisait pas partie du dispositif.
M. Marcel Rogemont. Est-ce que cela a été écrit dans le texte, au moins ?
M. Christian Eckert. Il pourrait fort bien arriver, mes chers collègues, qu’un préfet saisi par une commune de l’unité urbaine constate l’existence d’un usage de consommation exceptionnel de fin de semaine. Il n’est pas exclu non plus que s’instaure un usage de consommation exceptionnel le dimanche.
Est-il impossible que certaines enseignes lyonnaises s’emploient à instaurer, progressivement et subrepticement, un usage de consommation exceptionnel le dimanche, comme cela s’est passé précédemment à Plan de Campagne ou à Éragny, dans le Val-d’Oise ?
M. Marcel Rogemont. Parfaitement ! Rien n’empêche que les pratiques illégales deviennent légales !
M. Christian Eckert. Nous avons proposé un certain nombre d’amendements pour sécuriser le dispositif. Le premier, que vous avez repoussé, consistait à dire qu’en cas de nouveaux manquements à la loi sur le repos dominical, le juge peut être saisi en référé, de façon à obtenir la fermeture administrative de l’établissement. Notre deuxième amendement visait à ce que l’appréciation de l’usage de consommation exceptionnel se fasse au moment du vote de la loi, afin que l’on ne se retrouve pas à nouveau dans une situation comparable dans cinq ou dix ans.
Si vous êtes attachés à ce que ce texte épargne la ville de Lyon, pour notre part, nous sommes attachés à construire un texte qui résiste au temps et ne favorise pas les situations d’illégalité, ce qui nous obligerait à refaire une loi d’amnistie dans quelques années.
Au sujet des effets frontières, vous dites que l’agglomération lilloise est proche de la Belgique, mais vous refusez de considérer la situation des zones du territoire proches d’un PUCE. Or les effets « frontières » risquent d’être sources de contentieux.
Que dire encore de l’inégalité des situations entre les zones touristiques et les PUCE
? Lorsqu’un PUCE sera situé dans une commune labellisée commune touristique, il me semble que l’employeur aura tout intérêt à se placer dans le cas le plus favorable pour lui, c’est-à-dire celui de la commune touristique – qui n’entraîne pas de doublement de salaire, pas de contrepartie, et n’exige pas le volontariat.
Jean Gaubert nous a donné la semaine dernière un exemple flagrant. Je pense que le Conseil constitutionnel appréciera à sa juste mesure l’inégalité entre les salariés. Cette inégalité pourra d’ailleurs se produire entre les salariés d’une même entreprise. Ainsi, une grande enseigne ayant un établissement à Plan-de-Campagne et un autre à Marseille – à condition que la ville ait reçu le label touristique – comprendra des salariés travaillant sous des statuts différents. Je sais d’ailleurs que vous craignez que votre texte n’encoure l’inconstitutionnalité pour cette raison.
C’est le préfet de région qui délimitera les PUCE, et, sur ce point, monsieur le rapporteur, je vous concède un progrès entre Mallié III et Mallié IV.
M. Richard Mallié, rapporteur. Ah, tout de même !
M. Christian Eckert. Vous avez beau m’accuser de malhonnêteté intellectuelle…
M. Richard Mallié, rapporteur. Je persiste et signe !
M. Christian Eckert. …je ne m’en efforce pas moins d’être objectif. Alors que dans la proposition Mallié III, l’avis seulement du conseil municipal était sollicité, dans le texte actuel, c’est la demande qui conseil municipal ou du maire qui l’est. Reconnaissez tout de même que cette avancée mineure n’est franchement pas à la hauteur du recul que l’on constate dans le même temps, à savoir l’autorisation de plein droit mise en place dans les zones touristiques.
Nous aurions souhaité que l’instauration d’un PUCE nécessite non seulement la demande du conseil municipal, mais aussi l’avis des autres acteurs de la vie économique du territoire, notamment la chambre des métiers, la communauté de communes, le district ou la communauté d’agglomération. Nous avons également déposé des amendements visant à ce que ces avis soient des avis conformes, et nous verrons bien, lors de leur examen, si vous partagez notre préoccupation de sécuriser le dispositif.
Si j’ai reconnu l’existence d’une avancée, je dois également souligner les points négatifs du texte. Vous vous appuyez sur une obligation de dialogue social.
M. Marcel Rogemont. Et voilà !
M. Christian Eckert. Ce serait là une intention louable si vous n’ajoutiez pas que lorsque le dialogue social n’aura pas fonctionné – a priori, vous allez défendre un amendement visant à imposer le démarrage du dialogue social –, alors il pourra y avoir une décision unilatérale de l’employeur. Bel exemple de démocratie sociale !
M. Marcel Rogemont. Enfin la raison !
Mme Catherine Lemorton. Enfin l’ordre !
M. Marcel Rogemont. C’est le patron qui décide ! Il était temps !
M. Jean Mallot. Sarkozy, je te vois !
M. Christian Eckert. Négociez, dialoguez, mais aboutissez, sinon l’employeur prendra une décision unilatérale ! C’est, à mon sens, aussi provocateur que l’ironie que j’emploie pour décrire ce dispositif.
M. Pierre Cardo. C’est le droit ! L’organisation du travail relève de la compétence de l’employeur !
M. Christian Eckert. Écrire dans un texte de loi qu’à défaut d’accord collectif, c’est la décision unilatérale de l’employeur qui s’applique, me paraît pour le moins provocateur.
Vous allez me dire que vous avez tout prévu et qu’en cas de décision unilatérale de l’employeur, celle-ci doit être approuvée par référendum. Imaginez-vous un commerce de moyenne importance, employant cinq ou six salariés, organiser un référendum ? On ne sait même pas qui sera appelé à voter,…
M. Marcel Rogemont. Les intérimaires ?
M. Christian Eckert. …mais dormez tranquilles, braves gens, il y a aura un référendum, et peu importe dans quelles conditions ! Nous avons proposé un certain nombre d’amendements afin de préciser et d’améliorer les choses sur ce point.
Je vais accélérer un peu, car le temps passe vite…
M. Marcel Rogemont. Non, non, cher collègue, c’est très bien ainsi !
M. Christian Eckert. Puisque vous avez voulu imposer le temps programmé, nous allons mener le débat dans ce cadre. Nous parlerons, libre à vous de nous répondre ou non.
M. Éric Raoult. Vous parlez surtout pour ne rien dire ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Christian Eckert. Je laisse juges ceux qui m’auront écouté de savoir si j’ai parlé pour rien.
Mme Catherine Lemorton. Cela vous embête les cas concrets !
M. Christian Eckert. Mes chers collègues, cette décision unilatérale de l’employeur est suivie d’un référendum. Mais il peut y avoir aussi un accord social, un accord collectif entre les salariés et l’employeur. Sans accord, il y aura, nous dites-vous, doublement du salaire et attribution d’un repos compensateur.
M. Jean Mallot. Le rapporteur l’a dit en commission !
M. Christian Eckert. Vous n’excluez pas cependant qu’un accord puisse prévoir que les contreparties seront inférieures au doublement du salaire et à l’attribution du repos compensateur. Là encore, sous la pression amicale de l’employeur, qui expliquerait que les temps sont durs mais qu’il pourrait ne pas licencier si chacun faisa
it un effort, les salariés pourraient être amenés à accepter une proposition moins intéressante.
M. Jean Mallot. C’est le libre choix selon l’UMP !
M. Christian Eckert. Bon nombre d’entre vous font sûrement preuve de bonne foi. Pourquoi alors ne pas accepter notre amendement tendant à inscrire dans la loi que, s’il y a un accord, celui-ci ne pourra prévoir moins que le doublement du salaire et l’attribution d’un repos compensateur ? C’est simple et de bon sens ! Cette disposition garantirait l’intérêt des salariés.
M. Jean Mallot. Mais nos collègues ont voté contre en commission !
M. Christian Eckert. Si vos intentions sont bien celles que vous affichez, vous devriez accepter cet amendement. Voyez, même si nous ne souhaitons pas l’adoption de ce texte, nous avons quelques idées pour en atténuer le caractère néfaste.
J’en viens à la question de la réversibilité, que beaucoup d’entre vous réclament fort justement. Les choses évoluant au cours de la vie, on peut être amené à souhaiter revenir sur une décision. J’ai dit tout à l’heure le mal que je pensais de l’amendement du rapporteur Mallié. J’ai cru comprendre que des discussions étaient en cours pour faire évoluer sa rédaction. En tout cas, il serait inacceptable que ce texte ne prévoie pas une disposition simple aux termes de laquelle l’engagement d’un salarié, à un moment donné, pourrait être revu ultérieurement. Nous avons également demandé que cet accord soit écrit.
M. Francis Vercamer. C’est dans le texte !
M. Christian Eckert. Comme nous ne sommes pas les seuls à l’avoir fait, cette proposition va sans doute aboutir.
Nous vous suggérerons également, et cette mesure est loin d’être anodine, de veiller à ce que l’acceptation du travail dominical ne se fasse pas pendant la négociation du contrat de travail. Cette acceptation ne pourra intervenir qu’à la fin de la période d’essai du salarié. Puisque vous nous dites – et je crois à votre bonne foi – que le refus du travail dominical ne peut pas être une cause de licenciement, le report à la fin de la période d’essai, c’est-à-dire au moment où le contrat devient valable, de l’acceptation du travail dominical vous permettra de sécuriser le dispositif. Nous ferons alors preuve d’un peu moins de défiance à l’égard de ce texte.
M. Pierre Cardo. C’est n’importe quoi !
M. Christian Eckert. Renvoyez le texte en commission, et nous aurons l’occasion d’en débattre !
J’en viens rapidement à quelques arguments économiques. Vous prétendez que les chiffres d’affaires seront augmentés, que l’économie sera ainsi boostée et que l’emploi s’en trouvera amélioré. Je vous suggère de réfléchir avec moi au fait que ce qu’un salarié n’aura pas pu dépenser la semaine, il ne pourra pas le dépenser le dimanche. C’est un argument de bon sens.
M. Pierre Cardo. Heureusement que vous n’êtes pas dirigeant d’entreprise ! C’est vraiment n’importe quoi !
M. Marcel Rogemont. Nous sommes d’accord, ce texte, c’est n’importe quoi !
M. Pierre Cardo. Allez donc faire du commerce avec votre organisation !
M. Christian Eckert. En France, comme dans de nombreux autres pays, la consommation est fonction de la demande. Y a-t-il un goulet d’étranglement de l’offre commerciale qui provoquerait un ralentissement de la consommation ? Je ne le crois pas. Certes, vous pouvez le penser, quant à vous. Mais je crois surtout que nous devrions engager une réflexion sur la consommation maîtrisée au lieu de mettre en œuvre des dispositifs qui conduisent à des achats d’impulsion, lesquels engendrent souvent des situations de surendettement.
M. Marcel Rogemont. Pour consommer plus, il faut travailler moins !
M. Christian Eckert. Un jour, vous faites une loi pour favoriser les achats, et le lendemain vous proposez un texte contre le surendettement. Vous n’êtes pas à une contradiction près.
Il est clair que l’ouverture dominicale augmente les prix. Toutes les études le montrent : aux États-Unis, l’ouverture généralisée des commerces a entraîné une augmentation des prix de l’ordre de 5 %. Vous m’expliquerez comment en payant double les salariés et en ayant des frais de fonctionnement qui augmentent – éclairage, chauffage, climatisation –, les prix pourraient baisser.
M. Pierre Cardo. On amortit davantage !
M. Christian Eckert. En plus, ce sont ceux qui achèteront la semaine qui paieront les surcoûts engendrés par le travail dominical.
M. Jean Mallot. Exactement !
M. Pierre Cardo. Vous raisonnez à court terme !
M. Christian Eckert. La question des commerces de centre-ville a déjà été évoquée. Je passerai donc sur ce point. Le commerce est un champ de concurrence qui, immanquablement, entraînera un effet d’entraînement : le voisin voudra faire la même chose. Vous le savez, l’ouverture dominicale augmente le chiffre d’affaires de ceux qui ouvrent au détriment de ceux qui n’ouvrent pas.
M. Pierre Cardo. C’est sûr !
M. Christian Eckert. C’est principalement cet argument qui nous fait craindre la généralisation du travail dominical. L’aveu sur l’argument économique, vous le faites vous-même dans le rapport et dans vos déclarations. Combien de fois n’ai-je entendu le rapporteur dire : avec ce projet de loi, nous ne créerons peut-être pas d’emplois ; au mieux, nous en préserverons quelques-uns.
M. Guy Geoffroy. C’est déjà pas mal !
M. Chr
istian Eckert. C’est un aveu pour reconnaître que, sur le plan économique, votre proposition de loi ne va pas créer d’emplois.
M. Marcel Rogemont. Et que dire de ceux qui seront supprimés dans les commerces qui n’ouvriront pas le dimanche ?
M. Christian Eckert. D’autres arguments que je balayerai plus rapidement et qui seront certainement développés dans le cadre de la discussion générale, mettent en avant les questions sociétales.
Il n’y a pas que le commerce dans la vie. L’être humain existe autrement que par la possession de biens matériels. Votre conception de la vie n’est pas la nôtre. D’abord, la famille doit pouvoir se retrouver, selon nous, ailleurs que derrière un caddie ; autour d’un repas, d’une activité commune, sportive, culturelle, une fête. Pour les enfants, le rendez-vous du dimanche en famille est un facteur de stabilité, d’équilibre. Pour les couples, il est important d’avoir une relation plus calme, en dehors des contraintes matérielles. Il est bon de pouvoir rendre visite aux grands-parents, aux parents. Vous connaissez tous ces arguments que je ne reprendrai pas en détail.
Avec votre proposition de loi, vous allez aussi déstabiliser la vie associative, que vous matraquez par ailleurs, du reste.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est vrai !
M. Christian Eckert. C’est souvent le dimanche qu’on se réunit, qu’on fait la fête du quartier, de l’école. Autant de moments pour créer ce lien social, si nécessaire. Le bénévolat se perd, entend-on très souvent. Ceux qui travailleront le dimanche s’engageront de moins en moins.
Un mot seulement de la religion. Ce n’est pas notre propos central. Reconnaissons quand même que les offices, les mariages, les baptêmes, les communions, même pour les non-pratiquants sont des moments forts. Des centaines de milliers de salariés seront privés, en totalité ou en partie, de ces moments forts. Si c’est ce que vous souhaitez, votez cette loi.
La vie culturelle est également fortement active les dimanches : musées, expositions, visites de sites, promenades culturelles, autant de renoncements au profit des marchands.
Le sport se pratique souvent en groupe, même pour les sports individuels lorsqu’on fait des compétitions, le jogging du dimanche matin, la sortie en groupe en VTT, la piscine ensemble, le week-end de ski. Poussez le caddie, voilà l’activité sportive que vous proposez ! Le gamin ira tout seul jouer son match de foot, votre fille fera seule son gala de danse, devant des gradins vides. Pendant ce temps-là, les parents seront à Auchan.
Les élections ont souvent lieu le dimanche, mes chers collègues. On a déjà beaucoup de mal à trouver des assesseurs.
M. Jean Mallot. Quelles seront les conséquences sur les bureaux de vote ?
M. Christian Eckert. N’y aurait-il pas lieu d’amender votre texte ? On demandera que les dimanches d’élections le travail soit interdit dans les commerces.
Le vivre-ensemble semble ne pas compter pour vous. Pourtant, les études montrent que, le dimanche, on regarde moins la télévision, on reste plus longtemps à table, on fait plus de câlins. Banaliser, niveler par le bas, voilà ce que vous souhaitez. Mais ce n’est pas notre conception des choses. Nous recherchons, quant à nous, la stabilité dans les couples et dans les familles. Les enfants vivront ainsi dans un milieu plus apaisé, moins dans l’urgence.
La consommation raisonnée, maîtrisée, est une valeur qu’il faut développer. Tout ce qui se passe aujourd’hui le montre. L’offre est suffisante. Notre monde vit de plus en plus vite. Or devant l’accélération des déplacements, et des biens, la circulation plus rapide de l’information, il faut préserver plus encore les temps de pause.
M. Marcel Rogemont. Bien sûr !
M. Christian Eckert. Il y a le confort des uns : il m’est parfois arrivé de regretter que tel ou tel commerce ne soit pas ouvert le dimanche parce que j’avais oublié de faire une course, mais j’y ai survécu. Derrière ce confort pour quelques-uns, il y a aussi le statut et la vie des salariés. Notre société doit parfois se protéger contre ses propres envies. Nous avons ainsi été amenés à prendre des décisions sur le tabac, l’alcool, la vitesse, alors qu’à titre individuel on pouvait peut-être le regretter. Nous fixons des règles parce que nous estimons que l’intérêt général le commande. Il est de notre rôle d’hommes politiques de résister à la tentation de la facilité.
Cette proposition de loi va encore à l’encontre du Grenelle de l’environnement. Ouvrir plus longtemps, c’est en effet chauffer plus, éclairer plus, climatiser plus. À cet égard, nous aurions aimé disposer d’informations sur le bilan carbone de ce texte. Certes, c’est peut-être un peu compliqué. En tout cas, les évolutions climatiques nous invitent à réfléchir davantage sur les décisions que nous prenons.
À propos de carbonisation,…
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. C’est le PS qui est carbonisé !
M. Christian Eckert. …un sondage de ce matin montre quelle est la position des Français : 55 % de nos compatriotes sont opposés à ce texte, 31 % y sont très opposés, seuls 12 % y sont très favorables.
M. Richard Mallié, rapporteur. La question était posée de façon malhonnête !
M. Christian Eckert. Nous commenterons ensemble ces résultats.
Pour 86 % des sondés, le dimanche est un jour fondamental pour la vie de famille, sportive, culturelle ou spirituelle, et pour 85 %, le dimanche doit rester un jour de repos pour le plus grand nombre. Nous voilà éclairés !
J’hésite, sauf si vous insistez, à vous livrer un certain nombre d’avis divers et variés. La CGPME, par exemple, se montre hostile au dispositif. Elle fait de la résistance. Les fédérations nationales des centres-villes, la fédération française des associations de commerçants, le club des managers de centre-ville nous envoie des lettres de plusieurs pages pour nous dire les problèmes que ce texte pose.
La Confédération des commerçants de France nous dit que cela va désertifier les centres-villes. D’après un sondage, 92 % de ses adhérents sont contre ce texte et ne souhaitent pas généraliser l’ouverture de leur commerce le dimanche.
Certains, à droite, sont troublés – j’ai fait allusion aux propos de Pierre Méhaignerie.
M. Marcel Rogemont. À gauche, personne n’est troublé !
M. Christian Eckert. Bien que les députés alsaciens,
ne soient pas concernés par le texte, comme doit le confirmer un amendement, notre collègue Éric Straumann déclare : « Nous sommes philosophiquement contre ce texte, qui ne s’inscrit pas dans la tradition sociale démocrate de notre région, même si le droit local nous épargnera ses effets. »
Mme Geneviève Levy. C’est pitoyable !
M. Christian Eckert. J’avais également l’intention, mais le temps passe, de revenir sur la tribune que cinquante-huit d’entre vous ont signé dans Le Monde : relisez-la en regard de Mallié IV, et vous verrez qu’il n’y a pas une virgule à y changer.
M. Mallié nous parle régulièrement de l’avis du CES, lequel, en février 2007, émettait pourtant l’avis suivant : « Après avoir pesé l’ensemble des arguments et procédé à un large tour d’horizon, le Conseil économique et social considère qu’il est nécessaire de conserver un point d’ancrage stable pour la vie familiale, le lien social et les activités associatives. Une extension généralisée de l’ouverture dominicale des commerce entraînerait des modifications structurelles substantielles de l’organisation et du fonctionnement de la société. De même l’équilibre entre les diverses formes de commerce pourrait se voir remis en cause de façon accélérée. »
M. Richard Mallié, rapporteur. On ne vous a jamais dit le contraire !
M. Christian Eckert. Nicolas Dupont-Aignan a dit ce qu’il pensait du sujet ; quant à Frédéric Lefebvre, je vous épargnerai ses déclarations.
Des organisations syndicales, qui ne sont pas forcément les plus à gauche, comme la CFDT,…
M. Éric Raoult. La CFDT n’est pas à gauche ?
M. Christian Eckert. …la CFTC, la CGT, FO, nous envoient des lettres circonstanciées. Voici quelques extraits de celle envoyée par FO : « Ce texte soi-disant en retrait par rapport aux propositions antérieures impacterait fortement le repos hebdomadaire. » « Cette proposition de loi maintiendrait l’essentiel des voies d’extension permettant ainsi une généralisation du travail le dimanche. » « À cela s’ajoutent les incohérences entre les objectifs affichés et les effets induits par cette proposition de loi. » « Sous prétexte de défense du pouvoir d’achat, on développerait des contreparties à la carte, une inégalité de traitement des salariés travaillant le dimanche et la modération salariale pour tous. »
Mais, sachant que vous avez grandi dans une boulangerie, monsieur Mallié, je ne résiste pas à vous donner lecture de la lettre de la Fédération des entreprises de boulangerie et pâtisserie françaises. Les boulangers nous disent la chose suivante : « Nous sommes opposés à ces demandes de dérogation, car elles contraindraient nos entreprises à ouvrir également sept jours sur sept sous l’effet de la concurrence. »
Plusieurs députés du groupe de l’Union pour un mouvement populaire. Les boulangeries sont déjà ouvertes le dimanche !
M. Christian Eckert. « Or nos entreprises étant à faibles effectifs, elles ne peuvent s’organiser pour mettre en place un roulement de leur personnel assurant une ouverture sept jours sur sept. Par ailleurs, on peut légitimement s’interroger sur l’intérêt économique d’une libéralisation dans ce domaine, car actuellement la multiplicité des points de vente de pain permet au consommateur de s’approvisionner au quotidien. Aussi, l’ouverture sept jours sur sept n’aura pour conséquence ni une augmentation des volumes de pain consommé ni un accroissement de l’économie du secteur. »
M. Richard Mallié, rapporteur. On n’a jamais dit le contraire !
M. Christian Eckert. La CFTC vous a suggéré de procéder à une évaluation et à une expérimentation, comme vous l’avez déjà fait sur certains de vos projets de loi antérieurs.
Je salue M. Devedjian, qui a au moins le mérite d’assumer ses positions et défend le travail le dimanche pour tout le monde.
M. Éric Raoult. Il est pour la relance !
M. Christian Eckert. M. Lefebvre nous parle de modernité – on à l’habitude ; M. Leonetti, quant à lui, est troublé.
J’en termine par un argument de poids : le nombre de mails que nous avons reçus.
Mme Catherine Lemorton. Des mails opposés à la proposition de loi !
M. Christian Eckert. Depuis deux ans que je suis député, j’ai connu à trois reprises un afflux de courrier de la part de mes électeurs et, plus largement, des Français.
M. le président. Monsieur Eckert, je vais suspendre la séance pendant quelques minutes, pour des raisons techniques.
Suspension et reprise de la séance
M. le président. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures trente-cinq, est reprise à treize heures quarante.)
M. le président. La séance est reprise.
Monsieur Eckert, vous avez la parole.
M. Christian Eckert. À trois reprises donc, depuis le début de cette législature, j’ai été assailli de mails. La première fois, c’était à l’occasion de la loi sur les OGM, loi passée de justesse après un petit accident de procédure, qui témoignait bien d’un problème dont l’opinion se préoccupait. La deuxième fois, ce fut pour la loi HADOPI : inutile de vous rappeler qu’elle a, elle aussi, subi un petit accident parlementaire. La troisième fois enfin, c’est à propos du travail du dimanche, texte sur lequel nous recevons chaque jour de plus en plus de courrier.
J’ai dit tout à l’heure notre ferme opposition à ce texte, d’abord pour des questions de principes et de conception de la vie. Il s’agit de nos ambitions individuelles et collectives et de la place que l’on choisit d’assigner aux biens matériels.
Mais comme je crains que vous ne soyez tentés de ne pas voter cette motion de renvoi en commission…
M. Richard Mallié, rapporteur. Ah, vous l’avez compris !
M. Christian Eckert< /A>. J’ai effectivement une petite inquiétude – mais si nous votions maintenant, je pense qu’elle serait acceptée. (Sourires)
M. Jean Mallot. Nous sommes majoritaires !
M. Marcel Rogemont. Et largement !
M. Christian Eckert. Comme je crains que cette motion ne soit malgré tout repoussée, je voudrais insister sur un certain nombre de nos amendements, de nos propositions. Encore une fois, cela ne nous conduira certainement pas à voter votre texte – mais je pense que nous aurons fait œuvre utile si ces amendements le rendent un petit peu moins mauvais.
Je vous rappelle d’abord que nous demandons que la garantie du doublement du salaire soit effective dans tous les cas – ce qui n’est pas vrai dans le texte tel qu’il est aujourd’hui, contrairement à ce que vous dites.
M. Marcel Rogemont. Exactement !
M. Christian Eckert. Nous demanderons également, par amendement, que la notion de volontariat – même si nous n’y croyons pas beaucoup – soit au moins inscrite dans la loi pour les communes touristiques, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Nous demanderons également à limiter les dérogations dans les zones touristiques aux commerces en lien avec le tourisme.
M. Marcel Rogemont. Seulement les vendeurs de lunettes de soleil !
M. Christian Eckert. Nous demanderons à limiter les dérogations d’ouvertures dans les zones touristiques aux saisons touristiques – même si je reconnais qu’à Paris, dans les zones concernées, il n’est pas facile de parler de saisons touristiques.
Quant aux étudiants, dont vous dites que le travail du dimanche représente pour eux une occasion importante de gagner un peu d’argent,…
M. Guy Geoffroy. C’est incontestable !
Mme Catherine Lemorton. Et que devient le plan pour la réussite en licence ?
M. Christian Eckert. …nous vous suggérerons plutôt de créer des emplois spécifiques, en lien avec les collectivités, pour encadrer la vie associative, culturelle ou sportive.
M. Richard Mallié, rapporteur. Et on dira encore qu’on charge les collectivités territoriales !
M. Éric Raoult. Encore des emplois Aubry ?
M. Christian Eckert. Concernant les PUCE, nous proposons d’envisager des mesures de retrait progressif.
Mes chers collègues, je remercie toutes celles et tous ceux qui m’ont un peu aidé à préparer cette courte intervention (Sourires), mais aussi les collègues de la majorité qui ont eu la courtoisie de m’entendre jusqu’au bout, M. le ministre et le rapporteur – que j’ai pu parfois irriter, mais c’est la règle du débat démocratique.
Je pense que, quelle que soit l’issue des votes, notre bataille est en voie d’être gagnée : nous avons porté le débat devant l’opinion publique. Vous avez été contraints, ce matin même, d’accepter en catastrophe quelques amendements, tardivement déposés, et à mon avis sans peu de valeur, mais qui prétendent résoudre les problèmes que nous avons soulevés.
M. Richard Mallié, rapporteur. C’est faux !
M. Marcel Rogemont. Cela prouve bien que vous n’avez pas assez étudié le texte !
M. Richard Mallié, rapporteur. Pas du tout.
M. Christian Eckert. Chacun prendra ses responsabilités lors du vote, tout à l’heure. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC.)