présentée le 28 février 2006
RG : 0603294/3-2
REQUÊTE EN ANNULATION
DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF
DE PARIS
POUR :
1°)- La FÉdÉration Nationale de l’Habillement, NouveautÉ et Accessoires, Syndicat National, dont les statuts ont été déposés à la Préfecture de la Seine, le 11 janvier 1938 et inscrits sous le numéro 7840, modifiés les 24 janvier 1945 et 19 mai 1992, dont le siège social est situé à (75010) PARIS, 9, rue des Petits Hôtels, représentée par son Président.
2°)- LA CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L’HABILLEMENT, NOUVEAUTÉ ET ACCESSOIRES DE LA RÉGION PARISIENNE, Syndicat Régional constitué conformément à la Loi du 21 mars 1884 complétée par la Loi du 12 mars 1920 dont les statuts ont été déposés à la Préfecture de la Seine, le 11 janvier 1938 inscrits sous le numéro 10925 et modifiés le 25 mai 1992, dont le siège Social est situé à (75010) (75010) PARIS, 9, rue des Petits Hôtels, représentée par son Président.
3°)- LE SYNDICAT FÉDÉRATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE (CFTC – CSFV), Syndicat National, dont le siège social est situé à (75010) PARIS, 197, rue du Faubourg Saint-Martin, représenté par son Secrétaire Général, dûment habilité à cet effet.
4°)- L’UNION DÉPARTEMENTALE C.F.T.C. PARIS, Syndicat Régional, représentée par son Président.
Représentés par Maître Thierry DOUEB, Avocat au Barreau de PARIS, domicilié à (75017) PARIS, 90, Avenue Niel
Tél. : 01.56.21.13.13 / 11 Fax. : 01.56.21.13.14 Vestiaire : C. 1272
CONTRE :
LA PRÉFECTURE DE PARIS
OBJET : RECOURS EN ANNULATION EXERCÉ À L’ENCONTRE DE :
Ø Arrêté Préfectoral du 12 octobre 2005 accordant aux Sociétés SNC Société des Magasins Louis Vuitton France et SA Louis Vuitton Malletier une autorisation pour déroger aux dispositions de l’article L. 221-5 du Code du Travail en vertu des dispositions de l’article L. 221-8-1 du même Code (PIÈCE N° 1)
Ø Arrêté Préfectoral n° 2005-362-2 du 28 décembre 2005 accordant aux Sociétés « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » et « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » une autorisation pour déroger aux dispositions de l’article L. 221-5 du Code du Travail en vertu des dispositions de l’article L. 221-8-1 du même Code (PIÈCE N° 2)
PLAISE AU TRIBUNAL
I- FAITS ET PROCÉDURE :
1.1. Après 44 années d’exploitation au 78 bis de l’Avenue Marceau, l’enseigne « LOUIS VUITTON » décide de transférer son magasin principal.
À cette fin, la Société « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » a conclu avec la Société « HÔTEL D’ALBE » PLUSIEURS BAUX portant sur des locaux situés en rez-de-chaussée et sous-sol de DEUX IMMEUBLES DISTINCTS (PIÈCE N° 3) sis sur la totalité d’un espace délimités par l’Avenue Georges V, l’Avenue des Champs Élysées, la rue Bassano et la rue Vernet.
L’historique des inscription modificatives du registre du commerce des Sociétés « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » et « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » attestent de l’existence d’au moins TROIS FONDS DE COMMERCES DISTINCTS EXPLOITÉS AUX ADRESSES SUIVANTES :
Ø 53 avenue Georges V
Ø 101 avenue des Champs Élysées
Ø 5 rue Vernet (PIÈCE N° 4)
1.2. Ce « magasin » comporte :
Ø DEUX ENTRÉES DISTINCTES POUR LE PUBLIC : AVENUE GEORGES V ET AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES
« Pour accéder au magasin, la clientèle était donc obligée d’emprunter deux entrées distinctes ou de passer par le niveau inférieur », (PIÈCE N° 5)
Ø et UNE TROISIÈME ENTRÉE, Avenue Georges V, pour ses employés.
1.3. L’ouverture de ce « magasin » a accompagné le lancement de la marque dans le domaine du prêt-à-porter qui constitue aujourd’hui une large part de son activité ainsi qu’en atteste la collection 2006 prêt à porter homme, femme. (PIÈCE N° 6)
1.4. Le 10 février 1998, la Société « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » adresse à la Préfecture de Paris une demande de dérogation aux dispositions de l’article L. 221-5 du Code du Travail relatif au repos dominical.
1.5. Après consultation des Organisations d’employeurs et de salariés intéressés, dont, la Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires, Monsieur le Préfet de Paris a, suivant arrêté du 29 juillet 1998, refusé d’accorder ladite dérogation au motif que :
« LA VENTE DE MAROQUINERIE, PRÊT-À-PORTER ET CHAUSSURES N’EST PAS SUSCEPTIBLE DE FACILITER L’ACCUEIL DU PUBLIC OU LES ACTIVITÉS DE DÉTENTE OU DE LOISIRS D’ORDRE CULTUREL, RÉCRÉATIF OU SPORTIF DU PUBLIC FRÉQUENTANT LA ZONE CONCERNÉE » (PIÈCE N° 7).
1.6. Le 22 mai 2003, la Société « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » présente, en sa qualité d’exploitant, une demande d’autorisation d’extension des surfaces commerciales.
Cette demande est intitulée :
« EXTENSION D’UN MAGASIN DE VENTE AU DÉTAIL D’ARTICLES DE LUXE (PRÊT-À-PORTER, MAROQUINERIE ET ACCESSOIRES) à l’enseigne LOUIS VUITTON, pour une surface de vente de 1.213 m², portant la surface de vente totale à 2.058 m², sis 101, Avenue des Champs-Élysées et 53-55, AVENUE GEORGES V À PARIS 8ÈME ».
Elle a pour objet d’augmenter les surfaces de vente du magasin de 845 mètres carrés à 2.058 mètres carrés et d’aménager un « circuit de vente » pour l’acheteur potentiel. Ce dernier, après avoir été directement déposé au niveau R+ 2 par un escalator, regagne la sortie du magasin par une succession de cinq demi-niveaux – organisés autour d’un noyau central – présentant successivement l’ensemble des produits LOUIS VUITTON (PIÈCE N° 8).
Conformément aux dispositions relatives à l’urbanisme commercial, le pétitionnaire a annexé à sa demande d’autorisation la liste des commerces de plus de 300 mètres carrés parmi lesquels figure son MAGASIN « LOUIS VUITTON » À L’ADRESSE SUIVANTE :
55 AVENUE GEORGES V
RECONNAISSANT AINSI QUE L’ADRESSE PRINCIPALE DE SON MAGASIN EST SITUÉE AVENUE GEORGES V ET NON AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES (PIÈCE N° 9).
1.7. Suivant décision du 17 septembre 2003, la Commission Départementale d’Urbanisme Commercial de Paris accorde une :
« Autorisation d’extension d’un magasin de VENTE AU DÉTAIL D’ARTICLES DE LUXE (PRÊT-À-PORTER, MAROQUINERIE ET ACCESSOIRES) à l’enseigne Louis Vuitton, pour une surface de vente de 1.213 m² portant la surface de vente totale à 2058 m², SIS 101, AVENUE DES CHAMPS-ÉLYSÉES ET 53-55, AVENUE GEORGE V à Paris 8ème arrondissement à la Société « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VU
ITTON FRANCE », administrée par la Société « LOUIS VUITTON MALLETIER ». » (PIÈCE N° 10)
1.8. Le 15 janvier 2004 la Mairie de Paris accorde à la Société « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » le Permis de construire n° 075 008 03 V 0034.
Il concerne les SEPT ADRESSES suivantes :
Ø « 101 AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES
Ø 53, AVENUE GEORGE V
Ø 55, AVENUE GEORGE V
Ø 58, RUE DE BASSANO
Ø 6, RUE VERNET
Ø 8 (RUE VERNET)
Ø AU 10, RUE VERNET 75008 – PARIS » (PIÈCE N° 11)
Il autorise la restructuration complète des niveaux R-1 à R+ 3 des deux immeubles composant l’îlot délimité par l’Avenue Georges V, l’Avenue des Champs Élysées, la rue Bassano et la rue Vernet
Aux termes de ce permis de construire, les niveaux R + 4 à R + 7 ont une destination de bureau et ne sont, donc, pas destinés à recevoir du public (PIÈCE N° 12)
1.9. Le nouveau magasin, comme le précédent, comporte :
Ø deux accès distincts pour le public : la notice descriptive du permis de construire – volet paysager C3 – précise que :
« L’ENTRÉE DE L’IMMEUBLE AU NUMÉRO 55 DE L’AVENUE GEORGES V EST CONSERVÉE POUR PERMETTRE UN DEUXIÈME ACCÈS AU MAGASIN » ( (PIÈCE N° 13)
Ø UNE TROISIÈME ENTRÉE POUR SES EMPLOYÉS, celle-ci a été déplacée de l’Avenue GEORGE V à la RUE DE BASSANO
1.10. Le 1er septembre 2005, les Sociétés « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » et « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » déposent à la Préfecture de PARIS une nouvelle demande de dérogation au repos dominical de ses salariés.
1.11. Après consultation :
Du Conseil de PARIS,
De la Chambre de commerce et d’Industrie de Paris,
De la Fédération Nationale des détaillants en Maroquinerie et Voyage,
De la Fédération Française de la Couture du prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode – et non de la Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires,
De la Confédération des Commerçants de France,
De l’Union Syndicale C.G.T. Commerce inter-départementale Île de France SCID-CFDT,
Du Syndicat C.F.T.C. des Employés Commerce et Interprofessionnel,
De la Fédération Nationale de l’Encadrement du Commerce et Services C.F.E.-C.G.C.
Monsieur le Préfet de PARIS a, le 12 octobre 2005, accordé aux Sociétés « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » et « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » une dérogation à la règle du repos dominical pour une durée de trois années sur le fondement des dispositions de l’article L. 221-8-1 dudit Code aux motifs pour le moins succincts :
« Considérant que l’établissement demandeur se situe dans une zone touristique d’affluence exceptionnelle fréquenté le dimanche par un public en grande partie composé de touristes et de promeneurs, telle que définie par l’article L. 221-8-1 du code du travail ;
Considérant que les articles vendus par l’établissement demandeur sont susceptibles de faciliter l’accueil ou les activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréative ou culturelle du public fréquentant la zone considérée ;
Considérant dans ces conditions que le repos dominical simultané de tout le personnel de cet établissement serait préjudiciable à ce public. » (PIÈCE N° 1)
1.12. Ce n’est qu’après la réitération par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 novembre 2005 de deux demandes de communication de l’arrêté du 12 octobre 2005 accompagné de sa demande d’autorisation que Monsieur le Préfet de Paris accepte de communiquer ces documents (PIÈCE N° 14).
1.13. Suivant lettre recommandée avec accusée de réception du 8 décembre 2005, les requérants en charge de l’intérêt collectif des commerçants indépendants de l’habillement et des salariés (PIÈCE N° 15), ont exercé un Recours Gracieux à l’encontre de cet arrêté (PIÈCE N° 16)
1.14. SANS PROCÉDER À DE NOUVELLES CONSULTATIONS DONT NOTAMMENT LES ORGANISATIONS D’EMPLOYEURS ET DE SALARIÉS DES GALERIES D’EXPOSITION ET DE LIBRAIRIE, Monsieur le Préfet de Paris a, suivant arrêté n° 2005-362-2 du 28 décembre 2005 :
Ø Retiré l’arrêté du 12 octobre 2005, « Considérant que les moyens soulevés par le recours gracieux sus mentionné sont de nature à faire peser une incertitude sur la (sa) légalité » ;
Ø Accordé aux Sociétés SNC Société des Magasins LOUIS VUITTON France et SA LOUIS VUITTON MALLETIER une autorisation pour déroger aux dispositions de l’article L. 221-5 du Code du Travail en vertu des dispositions de l’article L. 221-8-1 du même Code aux motifs suivants :
« Considérant que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème, se situe dans l’une des zones touristiques d’affluence exceptionnelle de Paris, au terme de l’arrêté préfectoral précité n° 94-717 du 14 octobre 1994, pris conformément aux dispositions des articles L. 221-8-1 et R. 221-2-1 du code du travail ;
Considérant que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème, met à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil et ses activités de détente et de loisirs d’ordre récréatif et culturel dans la mesure ou le magasin susvisé :
– comporte, en son sein, une librairie offrant une sélection d’ouvrages originaux sur les thèmes du voyage, du luxe et des arts ;
– organise diverses manifestations culturelles, tel le lancement d’ouvrages littéraires avec séance de dédicaces des auteurs desdits ouvrages ;
– offre un espace d’expression aux artistes contemporains sur des supports de grande modernité ;
– comporte un espace d’exposition de 300 m² accessibles au public, présentant des œuvres thématiques renouvelées, et accueillant diverses manifestations culturelles relatives notamment à l’art du voyage à la française ;
– propose aux visiteurs, au travers de la présence d’artisan graveur au sein de l’espace d’exposition, de découvrir les métiers artisanaux de la France traditionnelle liée au thème du luxe à la française et du monde du voyage ;
– offre au public la possibilité de découvrir un bâtiment d’une architecture originale, qui permet aux visiteurs de disposer d’un point de vue unique de l’avenue des Champs-Élysées ;
Considérant que les activités culturelles précitées sont mises gratuitement à la disposition du public ;
Considérant, en outre que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème concourt rayonnement mondial de l’élégance parisienne
Considérant que les produits mis en vente par le magasin « Louis Vuitton Champs Élysées » sont assimilables, compte tenu de la renommée internationale de la marque concernée, à des cadeaux et souvenirs de la capitale française et, donc, partant, qu’ils concourent à la satisfaction des besoins de l’importante population parisienne et touristique qui
fréquente l’avenue des Champs-Élysées ;
Considérant que les produits de luxe mis en vente par le magasin « Louis Vuitton Champs-Élysées », étroitement complémentaire des produits de haute couture, se rattachent indéniablement au mouvement de mode lié à la culture contemporaine ;
Considérant, compte tenu de ce qui précède, que les activités susmentionnées de l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » facilitent l’accueil du public et ses activités de détente et de loisirs d’ordre récréatif et culturel » (PIÈCE N° 2).
1.15. Suivant constat d’Huissier réalisé par la S.C.P. Le MAREC – MAGET – ROUET le 18 Janvier 2006 il s’avère que :
Ø NEUF DES ONZE VITRINES DU MAGASIN LOUIS VIUTTON, SOIT PLUS DE 81,8 % DES ESPACES D’EXPOSITION AU PUBLIC NE SE SITUENT PAS SUR L’AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES,
Ø « L’ESPACE D’EXPOSITION » LOUIS VUITTON DISPOSE D’UNE ENTRÉE INDÉPENDANTE DU MAGASIN LOUIS VUITTON – située 60 rue de BASSANO – ET EN CONSÉQUENCE PEUT ÊTRE OUVERT INDÉPENDAMENT DU MAGASIN LOUIS VUITTON (PIÈCE N° 17)
1.16. Il convient de souligner dès à présent que :
Ø LA DÉROGATION À LA RÈGLE DU REPOS DOMINICAL A ÉTÉ ACCORDÉE À UN ÉTABLISSEMENT DONT LE PÉTITIONNAIRE RECONNAIT QU’IL EST SITUÉ AVENUE GEORGES ET NON AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES ;
Ø LES ORGANISATIONS REPRÉSENTATIVES D’EMPLOYEUR ET DE SALARIÉS DES COMMERCES DE LIBRAIRIE ET DES GALERIES D’EXPOSITION N’ONT PAS ÉTÉ CONSULTÉES EN DÉPIT DES MOTIFS « CULTURELS INVOQUÉ POUR ACCORDER LES DÉROGATIONS CONTESTÉES ;
Ø « L’ESPACE D’EXPOSITION LOUIS VUITTON » DISPOSE D’UNE ENTRÉE AUTONOME SITUÉE 60 RUE DE BASSANO ET PEUT DONC ÊTRE OUVERT INDÉPENDAMMENT DU MAGASIN LOUIS VUITTON.
Il est demandé au Tribunal de céans d’annuler ces arrêtés qui sont entachés d’irrégularités affectant leur légalité externe (II) et interne (III) ;
À TITRE PRÉLIMINAIRE : SUR L’ILLÉGALITÉ DU RETRAIT DE L’ARRÊTÉ PÉFECTORAL DU 12 OCTOBRE 2005
Aux termes de l’article 24 alinéa 1er de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations :
« Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.»
Monsieur le Préfet de Paris aurait dû, avant de retirer l’arrêté 12 octobre 2005, inviter les Sociétés « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » et « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » à présenter leurs observations.
À défaut d’avoir respecter cette règle la décision de retirer l’arrêté du 12 octobre 2005 est entachée de nullité.
II- LES ILÉGALITÉS EXTERNES :
L’arrêté du 12 octobre 2005 est entaché d’un défaut de motivation (2.1).
En outre, la légalité externe des deux arrêtés soumis à la censure du Tribunal de céans est entachée d’une même irrégularité ayant pour origine une procédure de consultation unique ne respectant pas les prescriptions de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail (2.2.).
2.1. Le défaut de motivation de l’arrêté du 12 octobre 2005
La Loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public, complétée par l’article 26 de la loi du 17 janvier 1986 soumet, les décisions individuelles dérogeant aux règles générales fixées par les lois et les règlements, à l’obligation de motivation (article 2).
Les dérogations accordées par Monsieur le Préfet de Paris doivent être motivées, c’est-à-dire « comporter l’énoncé des considérations de faits et de droit qui constituent le fondement de la décision » (article 3).
La motivation de ces dérogations doit être précise et ne peut se limiter au rappel des termes de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail (CE, Quincaillerie le Gruel, 16 mars 1988, req. n° 54-475, D. 1988, p. 491, note F. Moderne).
En l’espèce, ainsi que le reconnaît Monsieur le Préfet de PARIS, il est manifeste que l’arrêté du 12 octobre 2005 ne satisfait pas aux prescriptions légales :
« Vu le recours gracieux daté du 8 décembre 2005 de la Fédération Nationale de l’Habillement Nouveautés et Accessoires, de la Chambre Syndicale des Commerces de l’Habillement de Nouveautés et Accessoires de la Région Parisienne, de la Fédération des Syndicats CFTC Commerce Services et Forces de Vente et de l’Union Départementale CFTC de Paris, demandant le retrait de l’arrêté du 12 octobre 2005 (…) pour cause d’insuffisance de la motivation ayant fondé l’octroi de l’autorisation précitée ;
Considérant que les moyens soulevés par le recours gracieux susmentionné sont de nature à faire peser une incertitude sur la légalité de l’arrêté du 12 octobre 2005 susvisé » (PIÈCE N° 1)
Le Tribunal de céans ne manquera pas d’annuler l’arrêté du 12 octobre contesté pour défaut de motivation.
2.2. Le défaut de consultation des organisations d’employeurs et de salariés intéressés
Les Juridictions Administratives sanctionnent, de manière constante, le défaut de consultation des Syndicats de salariés ou d’employeurs « intéressés ». Elles estiment qu’il s’agit d’un motif d’annulation des arrêtés portant dérogation aux règles relatives au repos hebdomadaire (CE, 5 oct., 1979, SARL BDB Free Tax Boutique, Rec., p. 901 ; CE, 16 juin 1995, Société Mondial Décor, Jurisdata, n° 048155 ; CE, 16 oct. 1995, deux décisions du même jour : n° 156063, Société Métro et n° 156062, Société Mondial Moquette, R.J.S., 1995, n° 1249 ; T.A. Versailles, 21 mai 1999, Syndicat Sud Télécom 78, Jurisdata, n° 120619).
Aux termes de l’alinéa 3 de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail :
« Les autorisations nécessaires sont accordées par le préfet après avis des instances mentionnées au sixième alinéa de l’article L. 221-6. »
à savoir le :
« Conseil Municipal, de la Chambre de Commerce et d’Industrie et DES SYNDICATS D’EMPLOYEURS ET DE TRAVAILLEURS INTÉRESSÉS DE LA COMMUNE. »
Le Tribunal de céans ne pourra que constater la nullité des deux arrêtés attaqués pour défaut de consultation des Syndicats d’employeurs et de travailleurs territorialement (2.2.1) et matériellement (2.2.2.) intéressés.
2.2.1. Consultation d’organisations territorialement non intéressées
Monsieur le Préfet de
PARIS a consulté, AU MOINS TROIS SYNDICATS NATIONAUX DISPOSANT D’UNE REPRÉSENTATION LOCALE POUR LA VILLE DE PARIS.
Ainsi :
* La Fédération Française de la Couture du Prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode dispose d’une représentation locale : la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne sis, 45, rue Saint à Paris (75001),
* Le Syndicat C.F.T.C. des Employés Commerce et Interprofessionnel dispose d’une Union Départementale située 8, boulevard Berthier (75017),
* et la Fédération Nationale de l’Encadrement du Commerce et Services C.F.E.-C.G.C dispose à tout le moins d’une Union Régionale.
À défaut d’avoir consulté les syndicats d’employeurs et de salariés territorialement compétents les deux dérogations soumises à la censure du Tribunal de céans sont entachées de nullité
2.2.2. Défaut de Consultation des organisations d’employeurs et de salariés matériellement intéressées
Monsieur le Préfet a consulté trois organisations nationales représentatives d’employeurs :
* La Fédération Nationale des Détaillants en Maroquinerie et Voyage ;
* La Confédération des Commerçants de France ;
* Et la Fédération Française de la Couture du prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode ;
Seule la première – qui ne dispose pas de représentation locale – peut être considérée comme le syndicat d’employeurs intéressé pour les articles de maroquinerie proposés à la vente par la Boutique « LOUIS VUITTON ».
En revanche la seconde, la Confédération des Commerçants de France (2.2.2.1) et la troisième, la Fédération Française de la Couture du prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode (2.2.2.2) ne peuvent être considérés comme des organisations d’employeurs intéressés pour les autres produits commercialisés dans ce magasin.
Par ailleurs, le Tribunal de céans constatera qu’aucun syndicat d’employeurs et de salariés dans le domaine culturel – Librairie et Galerie d’exposition – n’a été consulté (2.2.2.3).
2.2.2.1. La Confédération des Commerçants de France n’est pas un Syndicat d’employeurs intéressé au sens des dispositions de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail
Ce Syndicat est une confédération « d’employeurs », il regroupe l’ensemble des secteurs du commerce et non spécifiquement, les employeurs spécialisés dans la vente au détail d’article d’équipement de la personne.
Il ne peut, en aucune manière, être considéré comme constituant un syndicat d’employeurs « intéressé » au sens de l’alinéa 3 de l’article 221-8-1 du Code du Travail.
En effet, si le législateur a exigé la consultation des syndicats salariés et employeurs, c’est notamment, afin qu’ils donnent au Préfet un avis éclairé sur la situation économique de la branche d’activité considérée et sur les incidences de cette dérogation.
Or, la Confédération des Commerçants de France, confédération syndicale « patronale », n’est pas, par sa nature et par son objet, habilité à porter une appréciation sur la situation concurrentielle des commerces de la branche de l’équipement de la personne : il a vocation à assurer la représentativité de l’ensemble des secteurs du commerce qui ont nécessairement des intérêts divergents.
Ainsi, la Cour Administrative d’Appel de NANTES a, suivant arrêt rendu le 9 juin 2005, décidé qu’une confédération patronale – le Mouvement des Entreprises de France (M.E.D.E.F.) – ne pouvait, dans le cadre des procédures de consultation prescrites en matière de dérogation à la règle du repos dominical, être considéré comme une organisation d’employeurs intéressée :
« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’avant de prendre l’arrêté du 10 juillet 2001 autorisant la société « La Halle aux Vêtements » à ouvrir son magasin les dimanches 2 et 9 septembre 2001, le Maire de la Chapelle Saint-Aubin, parmi les organisations d’employeurs, a consulté le seul mouvement des entreprises de France (MEDEF) ; qu’en se bornant à cette consultation alors que le MEDEF n’est pas une organisation d’employeurs intéressée au sens des dispositions précitées (art L; 221-19 du Code du Travail) le Maire de la Chapelle Saint-Aubin a entaché son arrêté contesté d’un vice de procédure ». (PIÈCE N° 18)
2.2.2.2. La Fédération Française de la Couture du prêt à Porter des Couturiers et des Créateurs de Mode n’est pas le syndicat d’employeurs matériellement intéressé au sens des dispositions de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail
LA FÉDÉRATION DES COUTURIERS ET CRÉATEURS DE MODE REGROUPE LES ACTIVITÉS INDUSTRIELLES CODE NAF 182 E ET NON LES COMMERCES DE DÉTAIL DE L’ÉQUIPEMENT DE LA PERSONNE exploitant sous la nomenclature NAF 52.4 C.
Or aux termes de leur demande d’autorisation d’extension de leurs surfaces commerciales, les Sociétés « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » et « SA LOUIS VUITTON MALLETIER » ont défini leur domaine d’activité :
§ « Secteur d’activité n° 3 : commerce de détail des autres produits et activités de prestation de services à caractère artisanal,
§ Commerce de détail d’habillement, 52.4 C,
§ Commerce de détail de chaussures, 52.4E,
§ Commerce de détail de maroquinerie et d’articles de voyage, 52.4.F. » (PIÈCE N° 19).
La Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires (ou plus précisément, sa Chambre régionale) est le seul syndicat d’employeurs signataire de la Convention Collective Nationale “ pour le Commerce de Détail de l’Habillement et des Articles Textiles ” ayant pour code NAF le numéro 52.4 C
Le Tribunal de céans constatera qu’en 1998 la Préfecture de Police avait, d’ailleurs, consulté la Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires (PIÈCE N° 20) matériellement compétente mais territorialement incompétente.
Le Syndicat d’employeur matériellement (et territorialement) intéressé au sens des dépositions de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail est la Chambre Syndicale des Commerces de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires de la Région Parisienne, adhérente de la Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires.
En effet, aux termes de l’articles 2 , elle a pour objet :
« 1°) De créer entre tous les Commerçants-Détaillants de l’Habillement Nouveauté et Accessoires établis dans les départements de la ville de PARIS (75)… ».
Et aux termes de l’articles 4 de ses statuts :
« Peut en faire partie tout commerçant-détaillant établi dans les départements cités à l’article 2 des statuts, exerçant dans le négoce de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires sous la forme d’une spécialité ou de plusieurs spécialités réunies ». (PIÈCE N° 15)
2.2.2.3. Défaut de consultation des organisations d’employeur dans les domaines culturel : Galerie d’Exposition et Librairie
En dépit d’une motivation précisant que l’autorisation est accordée en raison de l’existence d’un rayon librairie et d’une Galerie d’exposition, Monsieur le Préfet de Paris n’a consulté aucun Syndicat d’employeurs et de salariés dans les domaines de la vente de livre et des Galeries d’exposition, dont notamment le Syndicat de la Librairie Française et le Comité Professionnel des Galeries d’art.
III- LES ILLÉGALITÉS INTERNES :
Les deux dérogations contestées ne respectent pas la zone touristique d’affluence exceptionnelle (3.1). Elles sont entachées d’une erreur de fait (3.2) et contreviennent aux dispositions de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail (3.3).
3.1. Non respect de la Zone touristique d’affluence exceptionnelle définie par l’arrêté n° 94-717 du 14 octobre 1994
Aux termes de l’arrêté n° 94-717 du 14 octobre 1994 :
« Sont reconnues zones touristiques d’affluence exceptionnelle au sens des dispositions législatives et réglementaires visées ci-dessus : (…) l’Avenue des champs Élysées à Paris (8e) » (PIÈCE N° 21)
Les magasins situés en dehors de l’Avenue des Champs Élysées ne peuvent, donc, aux termes des dispositions de l’alinéa 1er de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail bénéficier d’une dérogation à la règle du repos dominical :
« Sans préjudice des dispositions de l’article L. 221-6, dans les Communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement pour tout ou partie du personnel, pendant la ou les périodes d’activités touristiques, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel. »
3.1.1. Or, il est manifeste que la quasi totalité de la boutique « LOUIS VUITTON » n’est pas située Avenue des Champs Élysées mais Avenue Georges V, ainsi que l’a d’ailleurs reconnu la Société « SNC SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » dans sa demande d’autorisation d’extension de ses surfaces commerciales.
En effet, dans la liste des commerces de plus de 300 mètres carrés qu’elle a annexée à sa demande d’autorisation d’urbanisme commercial, elle y fait figurer son magasin À L’ADRESSE SUIVANTE :
« 55 AVENUE GEORGES V«
RECONNAISSANT AINSI QUE L’ADRESSE PRINCIPALE DE SON MAGASIN EST AVENUE GEORGES V ET NON AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES (PIÈCE N° 22).
En outre, « L’ENTRÉE DE L’IMMEUBLE AU NUMÉRO 55 DE L’AVENUE GEORGES V EST CONSERVÉE POUR PERMETTRE UN DEUXIÈME ACCÈS AU MAGASIN » (PIÈCE N° 13)
3.1.2. Ce magasin est issu de la RESTRUCTURATION INTERNE DE DEUX IMMEUBLES DISTINCTS DONT, aux termes de l’attestation de propriété de Maître Maurice LETULLE, Chrisitiane LETULLE-JOLY et Guy DELOISON, Notaires Associés, UN SEUL POSSÈDE UNE FAÇADE SUR L’AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES REPRÉSENTANT MOINS DE 17,49 % (19,46 / 111, 27) DE L’ENSEMBLE DES FAÇADES DES DEUX CORPS DE BATIMENTS :
« Cet immeuble comprend deux corps de bâtiment :
le principal ayant une façade de 19 mètres environ sur l’avenue George V de 19 mètres 46 centimètres environ sur l’avenue des Champs-Élysées, de 41 mètres 45 centimètres sur la rue de Bassano et de 14 mètres 31 centimètres sur la rue Vernet (…)
Et un autre bâtiment faisant suite aux précédents (…) Tenant d’un côté à la rue Vernet sur une façade de 13 mètres 40 centimètres environ, (…) Et à l’avenue George V par une façade de trois mètres 65 cm environ ou se trouve la porte d’entée de l’Hotel d’Albe » (PIÈCE N° 3)
3.1.3. SEULES DEUX DES ONZE VITRINES de ce magasin SONT SITUÉES AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES, SOIT MOINS DE 18,20%…
ALORS QUE SIX DE SES VITRINES SONT SITUÉES AVENUE GEORGES V, REPRÉSENTANT PLUS DE 54, 4 % DE L’ENSEMBLE DES VITRINES DE CE MAGASIN, DÉSIGNANT AINSI CETTE AVENUE COMME LA FAÇADE PRINCIPALE DU MAGASIN.
3.1.4. En outre, l’examen de la coupe longitudinale du magasin démontre que C’EST LE LONG DE L’AVENUE GEORGES V QUE SONT DISPOSÉES LA MAJEURE PARTIE DE SES SURFACES DE VENTE (PIÈCE N° 23).
3.1.5. À toute fin, il est rappelé que :
Ø Ce magasin résulte de la juxtaposition de trois fonds de commerces distincts dont un seul est situé Avenue des Champs Élysées, les deux autres étant situés Avenue Georges V et rue Vernet (PIÈCE N° 4)
Ø Le PERMIS DE CONSTRUIRE permettant la création de ce magasin concerne SEPT ADRESSES ET NON UNE SEULE :
« 101 AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES
53, AVENUE GEORGE V
55, AVENUE GEORGE V
58, RUE DE BASSANO
6, RUE VERNET
8 (RUE VERNET)
AU 10, RUE VERNET 75008 – PARIS » (PIÈCE N° 11)
Ø L’AUTORISATION D’URBANISME COMMERCIAL a été accordée pour un magasin :
« Sis 101, Avenue des Champs-Élysées et 53-55, AVENUE GEORGE V » (PIÈCE N° 10)
Le magasin « LOUIS VUITTON » étant principalement implanté Avenue Georges V, il ne pouvait bénéficier d’une dérogation à la règle du repos dominical fondé sur l’existence d’une zone touristique d’affluence exceptionnelle – l’Avenue des Champs Élysées. Les deux dérogations contestées sont, donc, entachées de nullité.
3.2. L’erreur sur de fait
Le motif principal pour lequel ont été accordées les deux dérogations contestées a été l’existence d’une Galerie d’exposition (prise implicitement en compte pour la dérogation du 12 octobre 2005 et explicitement pour celle du 28 décembre 2005) :
« Considérant que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème, met à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil et ses activités de détente et de loisirs d’ordre récréatif et culturel dans la mesure ou le magasin susvisé (…) :
comporte un espace d’exposition de 300 m² accessibles au public, présentant des œuvres thématiques renouvelées, et accueillant diverses manifestations culturelles relatives notamment à l’art du voyage à la française » (PIÈCE N° 2)
Outre la circonstance que cette GALERIE D’EXPOSITION n’est qu’un outil d’autopromotion de la Marque LOUIS VUITTON (cf. 3.3), le Tribunal de céans constatera qu’elle CONSTITUE UNE ENTITÉ AUTONOME ET INDÉPENDANTE DU MAGASIN « LOUIS VUITTON » DONT L’ENTRÉE EST SITUÉE 60 RUE DE BASSANO.
En effet :
Ø Suivant procès-verbal de constat d’Huissier dressé le 18 Janvier 2006 par la S.C.P. Le MAREC – MAGET – ROUET, il s’avère que l’entré de la Galerie d’exposition est située 60 rue de Bassano et non 101 Avenue des Champs Élysées :
« Enfin au 60, RUE DE BASSANO IL Y A L’ENTRÉE DE « L’ESPAC
E LOUIS VUITTON » » (PIÈCE N° 17)
Ø LA GALERIE D’EXPOSITION SITUÉE AU 7ÈME ÉTAGE DE L’ÉDIFFICE N’EST, à l’évidence, PAS INTÉGRÉE AU « CIRCUIT DE VENTE » PROPOSÉ AUX CLIENTS du magasin car ceux-ci sont directement déposés au deuxième étage par un escalator et regagnent le rez-de-chaussée par une succession de cinq demi-niveaux descendant organisés autour d’un noyau central. (PIÈCE N° 24)
Ø LA GALERIE D’EXPOSITION N’EST OUVERTE QU’À CERTAINE PÉRIODE DETERMINEE DE L’ANNÉE : AU GRÉ DE L’ACTUALITÉ ÉVÉNEMENTIELLE DE LA MARQUE LOUIS VUITTON, à la différence du magasin qui lui a vocation à ouvrir 365 jours par an.
Les dérogations contestées étant fondées sur des circonstances de fait inexactes, sont à ce titre entaché de nullité.
3.3. Violation l’article L. 221-8-1 du Code du Travail
Le Tribunal de céans constatera que Monsieur le Préfet de Paris en accordant une dérogation à la règle du repos dominical aux motifs suivant :
« Considérant que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème, met à la disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil et ses activités de détente et de loisirs d’ordre récréatif et culturel dans la mesure ou le magasin susvisé :
– comporte, en son sein, une librairie offrant une sélection d’ouvrages originaux sur les thèmes du voyage, du luxe et des arts ;
– organise diverses manifestations culturelles, tel le lancement d’ouvrages littéraires avec séance de dédicaces des auteurs desdits ouvrages ;
– offre un espace d’expression aux artistes contemporains sur des supports de grande modernité ;
– comporte un espace d’exposition de 300 m² accessibles au public, présentant des œuvres thématiques renouvelées, et accueillant diverses manifestations culturelles relatives notamment à l’art du voyage à la française ;
– propose aux visiteurs, au travers de la présence d’artisan graveur au sein de l’espace d’exposition, de découvrir les métiers artisanaux de la France traditionnelle liée au thème du luxe à la française et du monde du voyage ;
– offre au public la possibilité de découvrir un bâtiment d’une architecture originale, qui permet aux visiteurs de disposer d’un point de vue unique de l’avenue des Champs Élysées;
Considérant que les activités culturelles précitées sont mises gratuitement à la disposition du public ;
Considérant, en outre que l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » sis 101, Avenue des Champs-Élysées à Paris 8ème concourt rayonnement mondial de l’élégance parisienne
Considérant que les produits mis en vente par le magasin « Louis Vuitton Champs Élysées sont assimilables, compte tenu de la renommée internationale de la marque concernée, à des cadeaux et souvenirs de la capitale française et, donc, partant, qu’ils concourent à la satisfaction des besoins de l’importante population parisienne et touristique qui fréquente l’avenue des Champs-Élysées ;
Considérant que les produits de luxe mis en vente par le magasin « Louis Vuitton Champs Élysées », étroitement complémentaire des produits de haute couture, se rattachent indéniablement au mouvement de mode lié à la culture contemporaine ;
Considérant, compte tenu de ce qui précède, que les activités susmentionnées de l’établissement à l’enseigne « Louis Vuitton Champs-Élysées » facilitent l’accueil du public et ses activités de détente et de loisirs d’ordre récréatif et culturel » (PIÈCE N° 2).
A pris en considération un motif indifférent au regard de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail (3.3.1) et a procédé à une interprétation extensive de la notion « d’activité culturelle » incompatible avec le caractère exceptionnel des dérogations à la règle du repos dominical (3.3.2).
3.3.1. Sur le motif indifférent
La Préfecture de PARIS a commis une erreur de droit en considérant que « la satisfaction du public » était un motif pouvant justifier l’octroi d’une dérogation à la règle du repos dominical sur le fondement de l’article L. 221-8-1 du Code du Travail :
« Considérant que les produits mis en vente par le magasin « LOUIS VUITTON Champs Élysées » (…) concourent à la satisfaction des besoins de l’importante population parisienne et touristique qui fréquente l’avenue des Champs Élysées. »
En effet, au terme dudit article, seules les :
« Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel. »
Peuvent obtenir une dérogation à la règle du repos dominical.
3.3.2. Sur l’absence d’activité culturelle
3.3.2.1. Le principe de l’interprétation stricte des motifs de dérogation à la règle du repos dominical a été rappelé, dès 1906, par le Commissaire du Gouvernement ROMIEU :
« On ne devra jamais perdre de vue que seul un préjudice certain, une atteinte profonde au fonctionnement de l’établissement, ou un trouble sérieux dans les habitudes du public, justifient la dérogation, dont ils sont la condition nécessaire et suffisante – la règle générale étant le repos collectif le dimanche, qui est, dans les circonstances ordinaires, le but poursuivi par le législateur » (conclusions, 30 novembre 1906, Jacquin, Rec., p. 863).
Dès lors, il est nécessaire de définir la notion d’activité culturelle sur laquelle sont fondées les deux dérogations contestées.
Le terme « Activité » est emprunté du latin médiéval « activitas« , dérivé de « activus », qui signifie : Occupation d’une personne
L’adjectif « CULTUREL » renvoie au nom commun « culture », qui provient du mot latin classique « cultura« , signifiant « agriculture ; culture de l’esprit, culte », au XVe siècle ce mot signifie l’« action d’honorer » et au XVIIe siècle, il prend son sens actuel, et désigne « formation de l’esprit par l’éducation ».
En conséquence, SEULS LES COMMERCES DE DÉTAILS QUI PROPOSENT AU PUBLIC DES OCCUPATIONS LIÉES À LA FORMATION DE L’ESPRIT PEUVENT, AUX TERMES DE L’ARTICLE L. 221-8-1 DU CODE DU TRAVAIL , BÉNÉFICIER D’UNE DÉROGATION À LA RÈGLE DU REPOS DOMINICAL.
3.3.2.2. Or, la seule activité répondant à la notion « d’activité culturelle », LA VENTE DE LIVRES, NE REPRÉSENTE QUE 20 MÈTRES CARRÉS SOIT MOINS DE 0, 98 % DES SURFACES DE VENTES DU MAGASIN (20 / 2.058), ce qui, à l’évidence, est nettement insuffisant pour considérer que l’ensemble du magasin « LOUIS VUITTON » propose au public une activité d’ordre culturel.
3.3.2.3. L’activité principale du Magasin « LOUIS VUITTON » est la VENTE AU DÉTAIL D’ARTICLES DE LUXE DE PRÊT-À-PORTER, DE MAROQUINERIE ET D’ACCESSOIRES DE MODE.
Et, de même que toutes les enseignes du luxe, le magasin « LOUIS VUITTON déploie une stratégie de communication fondée sur la valorisation de son savoir-faire et l’organisation « d’événements » destinés à promouvoir son image de marque.
Au chapitre II. 3. de sa demande d’autorisation d’urbanisme commercial intitulé :
« Particularité éventuelle des techniques de commercialisation utilisée, notamment en termes de surface et d’effectifs nécessaires »
elle précise que :
« POUR VALORISER SON IMAGE, LA MARQUE LOUIS VUITTON DÉVELOPPE UNE COMMUNICATION PERTINENTE ET VARIÉE DANS L’UNIVERS D’EXPRESSION LIÉE AU VOYAGE ET À LA MODE. PUBLICITÉ, RELATIONS AVEC LA PRESSE, MÉCÉNAT, ÉDITIONS EN SONT AUTANT DE FACETTES DE LEUR COMMUNICATION » (PIÈCE N° 25).
Ainsi, le fait de présenter le savoir-faire de ses artisans ou d’organiser des séances de dédicaces ne sont que des techniques de marketing destinées à accroître la vente des produits LOUIS VUITTON.
Ces activités n’ont, donc, pas pour vocation de proposer aux clients du magasin LOUIS VUITTON une occupation liée à la formation de leur esprit.
Le Tribunal de céans constatera, d’ailleurs, que la première exposition organisée à « l’ESPACE LOUIS VUITTON », situé 60 rue de Bassano, est une exposition de photographies ayant pour thème le logo de la marque LOUIS VUITTON « dessiné par des corps de femmes nues (PIÈCE N° 26)
De même, le fait d’avoir choisi « un bâtiment d’une architecture originale » participe à la valorisation de la notoriété de la marque en diffusant ses photos à l’ensemble des ses clients au travers de ses catalogues et de son site Internet (PIÈCE N° 27). Par ailleurs, force est de constater que les passants admirent l’architecture du bâtiment de la rue et qu’ils disposent d’un meilleur point du vue sur l’Avenue des Champs-Élysées et de ses alentours du haut de l’Arc de Triomphe qui lui est un monument historique…
3.3.2.4. De plus, la Préfecture de PARIS a, manifestement, dénaturé la notion « d’activité culturelle », à savoir l’action de former l’esprit d’une personne, en qualifiant la vente d’article d’équipement de la personne – fussent-ils à la mode – d’ activité cultuelle.
3.3.2.5. Enfin, LA PRÉFECTURE DE PARIS N’A CONSULTÉ AUCUNE ORGANISATION D’EMPLOYEURS ET DE SALARIÉS DANS LE DOMAINE CULTUREL (cf. 2.2.2.3) CE QUI CONSTITUE UN AVEU EXPLICITE DE L’ABSEBCE QUASI COMPLETE DES ACTIVITÉS CULTURELLES PROPOSÉES AU PUBLIC PAR LE MAGASIN « LOUIS VUITTON« .
C’EST, DONC, À TORT QUE LE PRÉFET DE PARIS A QUALIFIÉ LES EFFORTS PROMOTIONNELS DE LA MARQUE « LOUIS VUITTON » D’ACTIVITÉ CULTURELLE.
LE MAGASIN « LOUIS-VUITTON » N’A PAS POUR VOCATION DE PROPOSER AU PUBLIC DES OCCUPATIONS LIÉES À « LA FORMATION DE L’ESPRIT » MAIS DE GÉNÉRER UN CHIFFRE D’AFFAIRES MAXIMUM EN PROPOSANT À LA VENTE DES ARTICLES DE MAROQUINERIE ET DE PRÊT-À-PORTER.
C’EST POURQUOI, la Fédération Nationale de l’Habilement, Nouveautés et Accessoires, la Chambre Syndicale des Commerces de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires de la Région Parisienne, le Syndicat Fédération des Syndicats CFTC Commerce Services et Force de Vente (CFTC – CSFV) et l’Union Départementale C.F.T.C. PARIS vous demandent Monsieur le Président, de :
– annuler les arrêtés de Monsieur le Préfet de Paris en date des 12 octobre 2005 et 28 décembre 2005 accordant aux Sociétés SNC Société des Magasins Louis Vuitton France et SA Louis Vuitton Malletier une autorisation pour déroger aux dispositions de l’article L. 221-5 du Code du Travail en vertu des dispositions de l’article L. 221-8-1 du même Code ;
– Les déclarer nuls et de non-effet,
– Condamner respectivement l’État, la Commune de PARIS ainsi que les Sociétés bénéficiaires des arrêtés au versement à chacun des requérants la somme de 2.500 €uros (dont 411, 08 €uros de frais de Constat d’Huissier) sur le fondement de l’article L. 761-1 du Code de Justice Administrative.
– Les condamner aux entiers dépends
Fait à PARIS,
Le 28 février 2006
PIÈCES JOINTES
1. Arrêté Préfectoral du 12 octobre 2005 ;
2. Arrêté Préfectoral n° 2005-362-2 du 28 décembre 2005 ;
3. Attestation de propiété ;
4. Historique des inscriptions modificatives du registre du commerce ;
5. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 15 ;
6. Collection LOUIS VUITTON 2006 ;
7. Arrêté préfectoral du 29 juillet 1998 ;
8. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 1 ;
9. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 63 ;
10. Décision de la C.D.E.C. du 17 septembre 2003 ;
11. Permis de construire du 15 janvier 2004 ;
12. Extrait de la demande de Permis de construire du 17 septembre 2003 ;
13. Notice explicative du Permis de construire du 17 septembre 2003 ;
14. Demandes de communication de la décision du 12 octobre 2005 ;
15. Statuts de la Fédération Nationale de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires, et de la Chambre Syndicale des Commerces de l’Habillement, Nouveauté et Accessoires de la Région Parisienne, Syndicat Fédération des Syndicats CFTC Commerce Services et Force de Vente (CFTC – CSFV) et l’Union Départementale C.F.T.C. PARIS ;
16. Recours Gracieux du 8 décembre 2005 ;
17. Constat d’Huissier du 18 Janvier 2006 ;
18. C.A.A. Nantes, 9 juin 2005 ;
19. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 30
20. De mande d’avis adressée, le 5 mars 1998, à la F.N.H. et réponse circonstanciée de la F.N.H ;
21. Arrêté n° 94-171 du 14 octobre 1994 ;
22. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 63 ;
23. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 69 2ème dessin ;
24. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial : dessin montant l’enchainement des 5 palliers successifs ;
25. Extrait de la demande d’autorisation d’urbanisme commercial, p. 74 ;
26. CD Rom de capture du Site Internet LOUIS VUITTON, films 3 et 4 ;
27. CD Rom de capture du Site Internet LOUIS VUITTON, films 1 et 2.