Note en délibéré du 3 mai 2006

Audience du 3 mai 2006, N° 4 du rôle, Requête n° 0603294/3-2, TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS

Audience du 3 mai 2006
N° 4 du rôle
Requête n° 0603294/3-2

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
NOTE EN DÉLIBÉRÉ

 

POUR :

1°)- La Fédération Nationale de l’Habillement, NouveautÉ et Accessoires, Syndicat National, dont les statuts ont été déposés à la Préfecture de la Seine, le 11 janvier 1938 et inscrits sous le numéro 7840, modifiés les 24 janvier 1945 et 19 mai 1992, dont le siège social est situé à (75010) PARIS, 9, rue des Petits Hôtels, représentée par son Président.

 

2°)- LA CHAMBRE SYNDICALE DES COMMERCES DE L’HABILLEMENT, NOUVEAUTÉ ET ACCESSOIRES DE LA RÉGION PARISIENNE, Syndicat Régional constitué conformément à la Loi du 21 mars 1884 complétée par la Loi du 12 mars 1920 dont les statuts ont été déposés à la Préfecture de la Seine, le 11 janvier 1938 inscrits sous le numéro 10925 et modifiés le 25 mai 1992, dont le siège Social est situé à (75010) (75010) PARIS, 9, rue des Petits Hôtels, représentée par son Président.

 

3°)- LE SYNDICAT FÉDÉRATION DES SYNDICATS CFTC COMMERCE SERVICES ET FORCE DE VENTE (CFTC – CSFV), Syndicat National, dont le siège social est situé à (75010) PARIS, 197, rue du Faubourg Saint-Martin, représenté par son Secrétaire Général, dûment habilité à cet effet.

 

4°)- L’UNION DÉPARTEMENTALE C.F.T.C. PARIS, Syndicat Régional, représentée par son Président.

 

Représentés par Maître Thierry DOUEB, Avocat au Barreau de PARIS, domicilié à (75017) PARIS, 90, Avenue Niel

Tél. : 01.56.21.13.13 / 11      Fax. : 01.56.21.13.14        Vestiaire : C. 1272

 

CONTRE :

 

Monsieur le PRÉFET DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE, PRÉFET DE PARIS, Officier de la Légion d’Honneur

 

EN PRÉSENCE DE :

 

1°)- La S.N.C. « SOCIÉTÉ DES MAGASINS LOUIS VUITTON FRANCE » dont le siège social est situé 2, rue du Pont-Neuf à PARIS (1er) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

 

2°)- La S.A. « LOUIS VUITTON MALLETIER » dont le siège social est situé 2, rue du Pont-Neuf à PARIS (1er) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

 

Ayant pour avocat la SCP Alain MONOD-Bertrand COLIN, Avocat aux Conseils

 

  • La note en délibéré présentée par les Intervenantes volontaires appellent les cinq observations suivantes :

     

    1. SUR LE PRINCIPE D’INTERPRÉTATION STRICTE

     

    1.1. Les Intervenants volontaires dénaturent les observations de Monsieur le Commissaire du Gouvernement.

     

    Elles omettent de préciser que le principe est la règle du repos dominical édicté par l’article L. 221-5 du Code du Travail et qu’en conséquence, ses exceptions doivent être interprétées de manière restrictive afin que les exceptions ne deviennent, dans les faits, le principe.

     

    1.2. Le Tribunal de céans constatera que le principe de l’interprétation stricte de la notion « d’activité culturelle » résulte de l’intention même du Législateur.

     

    Durant les débats parlementaires, Monsieur le Ministre du Travail et de l’Emploi, initiateur du projet de loi, interrogé par Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale sur les risques d’interprétation extensive de la notion de « culture » a précisé que :

     

    • « LA CULTURE C’EST CE QUI RESTE QUAND ON A TOUT OUBLIÉ » (PIÈCE N° 46).
  • Ce qui, à l’évidence, suppose que la culture est une activité intellectuelle de formation de l’esprit et non une activité de négoce fusse-elle d’articles de luxe.

     

    Ainsi, lorsque le Ministère de la Culture et de la Communication en recense les « pratiques culturelles » des Français, il ne vise pas l’achat d’articles de luxe … Mais des activités comme le cinéma, le théâtre, le cirque, l’opéra, la visite d’un musée, assister à un spectacle de danse, ou un concert, lire un livre ou un magasine… (PIÈCE N° 47)

     

     

    2. SUR LA NOTION D’ACTIVITÉ PRINCIPALE

     

     

    2.1. Contrairement à ce que les Intervenantes volontaires affirment, Monsieur le Commissaire du Gouvernement n’a pas ajouté une condition supplémentaire au texte en exigeant que ce soit l’activité principale qui soit prise en compte afin d’accorder une dérogation à la règle du repos dominical.

     

    Cette condition est implicite afin d’éditer une fraude à la loi.

     

    Ainsi, l’activité principale du commerce est explicitement prise en considération par :

     

    • Le Juge Administratif (V. not., C.A.A. MARSEILLES, 10 avril 2006, PIÈCE N° 48)
    • La Chambre Sociale de la Cour de Cassation (V. not., Cass., soc., 25 oct. 1994 ; Cass., soc., 18 déc. 2001, PIÈCE N° 49 & 49 Bis)
    • Et la Chambre criminelle de la Cour de Cassation (V. not., Cass., crim., 23 avril 1992, PIÈCE N° 50)
  • afin de déterminer les commerces pouvant bénéficier de dérogations à la règle du repos dominical.

     

     

     

    2.2. À ce titre, Le Tribunal de céans constatera que L’INSPECTION DU TRAVAIL AVAIT ÉMIS UN AVIS NÉGATIF EN CONSIDÉRANT L’ACTIVITÉ PRINCIPALE DU MAGASIN « LOUIS-VUITTON » :

     

    « L’ACTIVITÉ PRINCIPALE DE LOUIS VUITTON, EN TERMES DE CHIFFRE D’AFFAIRES, DE SURFACE OCCUPÉE OU D’EMPLOYÉS SE CARACTÉRISE SELON LES INFORMATIONS EN MA POSSESSION, PAR LA MAROQUINERIE ET DES ACCESSOIRES DE PRÊT-À-PORTER.

     

     

    DÈS LORS, LA SOCIÉTÉ VUITTON N’ENTRE PAS DANS LE CHAMP DE LA DÉROGATION ET J’ÉMETTE UN AVIS DÉFAVORABLE POUR SA DEMANDE ». (PIÈCE N° 51)

     

    Ce qui a été confirmé à l’audience par les Intervenantes volontaires en précisant que 80 à 90 % de leur chiffres d’affaires relevait de leur activité de vente d’article de maroquinerie et de voyage.

     

     

    3. SUR L’ABSENCE DE PARCOURS CULTUREL

     

    Selon les Intervenantes volontaires, la façade de l’immeuble, la décoration intérieure de leur boutique et l’existence d’un « Espace d’Exposition » non permanent, dont l’entrée est situé 60 rue de BASSANO caractériserait l’existence d’un « parcours culturel » qui justifierait l’octroi d’une dérogation à la règle du repos dominical pour leur magasin situé 101 Avenue des CHAMPS-ÉLYSÉES.

     

    Or, à l’évidence la façade de l’immeuble est visible de l’extérie
    ur…

     

    Par ailleurs, concernant le panneau de fibres optiques longeant l’escalator, la valorisation de l’atrium, l’éventuel ascenseur allant du deuxième au septième étage (dont aucun document, à ce jour, n’atteste de son existence…), les trois malles vidéo (qui si elles existent, doivent être recouvertes du logo « LV » de la marque et, comme les écrans vidéo du magasin, doivent diffuser les images des défilés des collections de prêt-à-porter « LOUIS VUITTON »), ce ne sont que des ÉLÉMENTS DE DÉCORATION EN ADÉQUATION AVEC LA GAMME DE PRODUIT PROPOSÉ À LA VENTE PAR CET ÉTABLISSEMENT ET DESTINÉ À ATTIRER UNE CLIENTÈLE AISÉE

     

    De plus, concernant « L’ESPACE D’EXPOSITION« , son entrée est située au 60 rue de Bassano et non 101 Avenue des Champs-Élysées, ainsi qu’en attestent les photos versées aux débats : LES VISITEURS SONT DIRIGÉS VERS CETTE ENTRÉE PAR DES PANNEAUX VISIBLES DE L’AVENUE DES CHAMPS-ÉLYSÉES ET Y SONT ACCUEILLIS PAR UNE PERSONNE SITUÉE DERRIÈRE UN COMPTOIR (PIÈCE N° 52).

     

    Outre le fait que cet « Espace » n’est pas situé dans la zone touristique d’affluence exceptionnelle et à ce titre n’avait pas à être pris en considération par la Préfecture de Paris afin d’accorder une dérogation à la règle du repos dominical contestée ; le Tribunal de céans constatera que cet « ESPACE D’EXPOSITION » N’EST PAS PERMANENT ET QUE LE MAGASIN EST OUVERT INDÉPENDAMMENT DE L’EXISTENCE D’UNE EXPOSITION. Ainsi, le dimanche 23 avril 2006 le magasin « LOUIS VUITTON » était ouvert alors que son espace d’exposition était fermé.

     

    Seul, reste, à peine 15 M² D’UN ESPACE LIBRAIRIE SUR LES 2.058 M² DE SURFACE DE VENTE QUE COMPTE LE MAGASIN « LOUIS VUITTON » – SOIT 0,7 % DE SA SURFACE TOTALE DE VENTE – COMME ALIBI À FIN DE JUSTIFIER UNE DÉROGATION À LA RÈGLE DU REPOS DOMINICAL

     

     

    En outre, le Tribunal de céans constatera que les Intervenantes volontaires n’ont pas produit la ventilation de leur chiffre d’affaires par activité, car il aurait démontré que LA VENTE DE LIVRES, SEULES ACTIVITÉS POUVANT ÊTRE QUALIFIÉES DE « CULTURELLE » REPRÉSENTENT MOINS DE 0,1 % DE SON CHIFFRE D’AFFAIRES… Et ne peut, à l’évidence, être qualifié d’activité principale.

     

     

    4. SUR L’ABSENCE D’ACTIVITÉ CULTURELLE

     

    4.1. À titre préliminaire, il faut relever la valeur relative de la « culture » pour les intervenantes volontaires.

     

    À l’audience, les collections de prêt-à-porter « LOUIS VUITTON » ne présentaient que le caractère d’une activité mineure, sans importance, alors que dans leur note en délibéré, elles sont promues au rang de « chef-d’oeuvre » par le simple fait que ce terme favorise une confusion entre les activités culturelles et le négoce d’articles de luxe.

     

    4.2. Ensuite, le Tribunal de céans constatera que ce n’est pas la marque « LOUIS VUITTON », ou l’un de ses dirigeants qui a été décorés par le Ministre de la Culture et de la Communication mais l’UN DE SES EMPLOYÉS MONSIEUR FREDDY DESCLOUDS EN RAISON DE SON « SAVOIR-FAIRE » PERSONNEL À QUI TOUT AU LONG DE SA CARRIÈRE AUPRÈS DE GRANDES ENSEIGNES DU CUIR COMME LA MAISON KUC ET HERMÈS.

     

    Ainsi que le précise la partie du discours, non citées par les intervenantes volontaires, c’est à la demande du « COMITÉ COLBERT », regroupant 69 enseignes françaises de luxe, qu’ont été décorés quatre artisans en raison de leur savoir-faire personnel… Et non la marque « LOUIS VUITTON » pour son activité de négoce d’articles de luxe, abusivement qualifiée par les intervenantes volontaires d’activité culturelle.

     

    4.3. En effet, les Intervenantes volontaires établissent une équivalence erronée entre une activité culturelle et le négoce d’articles de luxe. Selon le dictionnaire LITTRÉ – ce terme provient du mot latin « Luxux » qui a d’abord désigné un « excès de débauche » puis le « Faste » – désigne « un plaisir relativement coûteux que l’on se donne par exception« .

     

    En conséquence, « proposer à la vente au public un bien relativement coûteux qu’il s’offre par exception » ne peut, en aucune façon, être assimilé à une activité culturelle liée à la formation de l’esprit.

     

     

    5. SUR LA LISTE DES COMMERCES DE L’AVENUE DES CHAMPS ÉLYSÉES BÉNÉFICIANT D’UNE DÉROGATION À LA RÈGLE DU REPOS DOMINICAL

     

    Concernant la liste des enseignes des Champs-Élysées bénéficiant d’une dérogation à la règle du repos dominical, à les supposer légales, aucune ne concurrence « LOUIS VUITTON ».

     

    Les commerces de luxe dans le domaine de l’équipement de la personne les plus proches sont situés Avenue MONTAIGNE et sont fermés le dimanche.

     

    Seule l’enseigne « PAUL & SHARK » ressort du domaine d’intervention des requérants qui ont introduit un recours en annulation à l’encontre de cette dérogation devant le Tribunal de céans, enrôlé sous le numéro de rôle 0605218/3.

     

     

     

    PIÈCES JOINTES

     

    46. EXTRAIT DÉBATS PARLEMENTAIRES, J.O. A.N., SÉANCE DU 2 OCTOBRE 1993, p. 3720 ;
    47. ÉTUDE DU MINISTÈRE DE LA CULTURE SUR LES PRATIQUES CULTURELLES DES FRANÇAIS ;
    48. C.A.A. MARSEILLES, 10 avril 2006 ;
    49. CASS., SOC., 25 OCT. 1994
    49 Bis. CASS., SOC., 18 DÉC. 2001 ;
    50. CASS., CRIM., 23 AVRIL 1992 ;
    51. AVIS NÉGATIF DE L’INSPECTION DU TRAVAIL ;
    52. PHOTOGRAPHIES.

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