Le 28 décembre, les fédérations du commerce ont poussé un cri d’alarme pour réclamer l’ouverture des magasins en janvier. Une mesure exceptionnelle ou un pas de plus vers une ouverture dominicale plus généralisée? C’est la question que se posent les syndicats.
Le Covid-19 pourrait-elle ébranler un peu plus le repos dominical? Alors que cet acquis social s’apprête à souffler sa 115e bougie, voilà une question qui agite certains observateurs. Le 28 décembre, les différentes fédérations du commerce ont poussé un cri d’alarme commun: elles réclament d’urgence l’ouverture dominicale en janvier. « Nous demandons le même schéma dérogatoire qu’en décembre », explique William Koeberlé, Président du Conseil de Commerce de France. Ses arguments? « Les magasins d’équipement de la personne, comme l’habillement ou la bijouterie, en ont besoin, car leur activité est saisonnière. Même si le mois de décembre a été bon, il n’a pas du tout compensé la fermeture en novembre. Ces commerçants ont des problèmes de trésorerie et vont devoir payer les stocks. Plus de 20% risquent de cesser leur activité. » Sans oublier le couvre-feu avancé à 18 heures dans certains départements qui risque d’entraîner une diminution du chiffre d’affaires. Son discours a fait mouche. Dans la foulée, plusieurs préfets ont donné leur accord. Surtout, selon Le Figaro, le gouvernement verrait cette idée d’un bon œil. « Nous sommes favorables », nous confirme Bercy.
Les syndicats craignent une généralisation
Il y a un an, à la même période, pour compenser l’impact des grèves des transports, le gouvernement avait déjà exceptionnellement autorisé une telle dérogation. Même scénario fin 2018, en réponse au blocage des ronds-points le samedi par les gilets jaunes. Alors chez les syndicats, une inquiétude monte: que l’exception devienne la norme. « Nous pensons qu’ils sont en train de généraliser l’ouverture dominicale », assure Amar Lagha, secrétaire général de CGT Commerce, qui a vu, d’année en année, les défenseurs du travail dominical gagner du terrain.
Tout a commencé en 1993, quand les magasins culturels ont obtenu un passe-droit. « Puis en 2009 la loi Maillé a permis certaines dérogations », se souvient le syndicaliste. « Ensuite, il y a eu des référendums d’entreprise. » Mais c’est en 2015 que le coup d’accélérateur est donné: la loi Macron crée les Zones Touristiques Internationales (ZTI), où l’ouverture dominicale est autorisée toute l’année, et passe de 5 à 12 le nombre de dimanches à la discrétion du maire. A l’époque, les syndicats s’étranglent: les ZTI et gares sélectionnées pour ce dispositif englobent tous les magasins Fnac de Paris. Coïncidence, ou signe de l’influence exercée en coulisses par leur PDG Alexandre Bompard, aujourd’hui à la tête de Carrefour? Une chose est sûre: le combat pour ou contre l’ouverture du dimanche est une guerre d’usure, idéologique, où le lobbying est roi.
Deux arguments phares
Dans ce contexte, et même si les fédérations assurent que l’ouverture en janvier n’est qu’une demande de court terme, la pandémie leur permet d’avancer leurs pions. « Il faudrait créer un vrai dispositif d’urgence », martèle ainsi Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce, qui réclame aussi une réforme plus large. « Notre objectif n’est pas d’ouvrir partout tous les dimanches toute l’année, mais à certains moments, selon les secteurs », assure de son côté William Koeberlé. En face, les syndicats s’agacent. « La grande distribution réclame aussi l’ouverture en janvier alors qu’elle est restée ouverte tout le temps », s’insurge Dejan Terglav, secrétaire général de FGTA-FO. En pleine crise sanitaire et économique, le gouvernement pourrait être sensible à deux arguments phares des lobbyistes: l’ouverture dominicale permet d’étaler les flux en magasin sur sept jours, et dope la consommation.
Source : Challenges, 04/01/21