Travail le dimanche : la cinglante réponse d’élus de gauche à des députés En Marche qui veulent « aller plus loin »

S’il est permis de suspecter que la virulence de la réponse de la gauche à LREM cache quelques arrières-pensées politiques, nous notons avec plaisir que cette tribune en réponse à LREM reprend les arguments que nous ne cessons de rappeler : l’impact économique du travail dominical ne fait pas l’objet de donnée fiables, et un hypothétique gain serait à mesurer à l’aune des destructions de commerces traditionnels, de l’impact négatif sur la vie familiale et le lien social, du coût écologique, mais également du tournant culturel et sociétal que le mercantilisme à outrance tente d’imposer.

TRIBUNE – Treize élus de Paris et de la Métropole du Grand Paris répondent à la vingtaine de députés de La République en marche qui souhaitaient, dimanche dernier dans le JDD, « aller plus loin » dans l’ouverture dominicale des commerces.

Des élus « obsédés par l’attractivité commerciale », qui « n’engagent aucune réflexion sur le pouvoir d’achat des clients comme des salariés ». Voilà comment des élus parisiens de gauche, autour du président du groupe communiste Nicolas Bonnet Oulaldj, qualifient des députés de La République en marche qui militent pour l’extension du travail dominicale. A leur tour, ces responsables du PCF, écologistes ou issus du mouvement de Benoît Hamon prennent la parole dans la JDD pour répondre à cette vingtaine d’élus macronistes qui souhaitaient, la semaine dernière dans nos colonnes, « aller plus loin » dans l’ouverture des commerces le dimanche.

Une société qui « verra définitivement le consommateur remplacer le citoyen »

« Une poignée de députés LREM, dont Buon Tan, élu de Paris, appelait dimanche dernier dans ces ­colonnes à « aller plus loin » dans les possibilités d’ouverture dominicale des commerces. Le plus intéressant dans leur texte n’est pas ce qui y figure mais bien ce qui est omis. Les chiffres avancés (recettes des magasins, nombre ­d’emplois créés) ne reposent sur ­aucune donnée fiable. À aucun moment les signataires ne posent les questions ­essentielles. Ils ne précisent pas combien d’emplois ont été supprimés dans les commerces situés en dehors des zones touristiques internationales (ZTI) depuis le vote de la loi Macron de 2015; ni quelle a été la progression globale du chiffre d’affaires dans les ZTI.

Bien entendu, ils n’engagent aucune réflexion sur le pouvoir d’achat des clients comme des salariés. Si ces derniers sont autant « friands » du travail du dimanche, les auteurs ne peuvent-ils décemment admettre que c’est bien parce que les salaires dans le commerce sont ridiculement bas ? Et ils osent parler de choix et d’enthousiasme!

Si de nombreux commerces de proximité ferment ou se transforment à Paris, il faut en voir les causes dans la concurrence effrénée entre les grands groupes qui dictent leur rythme à l’ensemble du secteur commercial mais aussi dans le prix du foncier et l’atonie du pouvoir d’achat.

Il faut également lire entre les lignes quand les auteurs comparent Paris à d’autres capitales européennes. Sans vouloir préserver la diversité commerciale de nos villes, ces porte-serviettes des grandes enseignes défendent les intérêts de ces marques mondialisées qui asphyxient nos villes par leur uniformité.

Ceux qui travaillent le dimanche seront privés de ce moment de respiration qui permet d’avoir du temps

Si la loi Pacte exauce le vœu de ces 22 parlementaires, les petits commerçants qui font la vie de nos quartiers y perdront. Et ils ne seront pas les seuls. Ceux qui travaillent le ­dimanche seront privés de ce moment de respiration qui permet d’avoir du temps. Promouvoir la généralisation du travail du dimanche, c’est favoriser la destruction du lien social dans les milieux modestes. Les femmes (plus de la moitié des salariés travaillant le dimanche), qui ne pourront pas refuser une telle proposition en raison de la précarité de leurs contrats, seront les premières touchées.

La société voulue par les signataires est celle qui verra définitivement le consommateur remplacer le citoyen. Si l’on augmente le temps de la consommation, la ville va aller vers le plus : plus de livraisons, plus de déplacements, plus de déchets produits aux abords des commerces. Qui va pâtir de cela? Le riverain privé de calme, le personnel de ménage, de nettoyage ou encore de livraison. Mais ces derniers sont le cadet des soucis des députés de la majorité.

Les touristes sont attirés par la culture, le patrimoine et un certain art de vivre

Ces élus obsédés par l’attractivité commerciale oublient que les touristes, particulièrement à Paris, sont attirés par la culture, le patrimoine et un certain art de vivre, absolument pas par la frénésie des achats !

Nous, élus parisiens, demandons aux parlementaires qui vont examiner la loi Pacte de ne pas élargir mais bien de restreindre la loi sur le travail dominical. Avant tout débat, il est nécessaire de fournir une étude d’impact de cette loi ­(emploi, conséquences ­sociales, environnementales et financières). Avant même de légiférer, il faudra écouter les salariés, leurs organisations syndicales, les riverains, les organisateurs de transport.

M. Buon Tan et vos collègues législateurs, n’oubliez jamais la maxime de Lacordaire : ‘Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit.’ Entre la liberté des grands groupes et la protection des salariés comme des habitants de Paris et de banlieue, notre choix est fait. »

Les signataires :

Nicolas Bonnet Oulaldj, président du groupe communiste au Conseil de Paris
Carine Petit, maire du 14e arrondissement de Paris
David Belliard, président du groupe écologiste de Paris
Jean-Noël Aqua, conseiller de Paris du 13e
Marinette Bache, conseillère de Paris du 20e
Jacques Boutault, maire du 2e
Pascal Cherki, conseiller de Paris du 14e
Yves Contassot, président du groupe écologiste à la Métropole du Grand Paris
Virginie Daspet, conseillère de Paris du 20e
Jérôme Gleizes, conseiller de Paris du 20e
Didier Le Reste, conseiller de Paris du 10e
Nathalie Maquoi, conseillère de Paris du 20e
Danièle Premel, conseillère de Paris du 18e

Europe1

Voir aussi : Travail du dimanche : LREM veut aller plus loin « dans la précarisation », dénoncent les syndicats

Et aussi, une ancienne tribune de Nicolas Bonnet Oulaldj : Macron: fossoyeur du temps libre et des pratiques sportives

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