Travail le dimanche : Macron sous les tirs croisés des opposants au Sénat

Public Sénat 04.05.2015 à 17:24

Les opposants à l’extension du travail dominical ont donné de la voix au Sénat, pour la reprise de l’examen du projet de loi Macron à la Haute assemblée. Le ministre a souligné l’utilité du travail le dimanche pour les étudiants, suscitant l’indignation de certains sénateurs de gauche.

Après une pause parlementaire de quinze jours, les sénateurs ont repris lundi l’examen du projet de loi Macron avec un gros morceau : l’extension du travail le dimanche. L’occasion pour les opposants de faire entendre leur voix. Les débats avaient été intenses à l’Assemblée nationale, où Manuel Valls avait été contraint de passer en force avec le 49.3, faute de majorité.

Rapport de force

Au Sénat, présidé par la droite, les communistes mènent la bataille à coups d’amendements. En 2011, ils avaient fait adopter par la Haute assemblée, alors présidée par le socialiste Jean-Pierre Bel, une proposition de loi garantissant le droit au repos dominical. Le PS avait voté pour. Déjà à l’époque, les débats étaient vifs (voir notre vidéo sur le sujet), mais entre la gauche et la droite. Aujourd’hui, le rapport de force a évolué. La droite sénatoriale soutient certains points du texte et souhaite aller plus loin sur d’autres, notamment le travail le dimanche. Le projet de l’exécutif prévoit que le nombre possible d’ouvertures dominicales des commerces passe de cinq à douze par an.

« Nous considérons que le travail le dimanche doit demeurer une exception » a rappelé lundi matin Dominique Watrin, sénateur PCF du Pas-de-Calais, pour qui « le repos dominical est un acquis social essentiel » (voir la vidéo ci-dessus). Sa collègue communiste Annie David souligne que le dimanche doit rester un temps « pour soi, ses proches, la vie sociale, culturelle et sportive ». « Où sera la vie en commun ? Ou seront les temps d’échange et de partage ? » demande le sénateur Europe Ecologie-Les Verts, Jean Desessard. Il pointe aussi les conséquences pour la santé des travailleurs du travail de nuit, repoussé par le projet de loi de 21h à minuit dans les zones internationales.

Le quiz de la CFTC pour les sénateurs

La CFTC a adressé lundi un quiz humoristique aux sénateurs sur le travail du dimanche. Exemple de question donné par le syndicat chrétien, ardent défenseur du repos dominical : « Quand j’ai 100 euros de pouvoir d’achat, affirmer que je dépenserai plus si les magasins ouvrent le dimanche ou la nuit, est-ce ? »  « de l’économie », « de la magie » ou « de la bêtise ? »

« Vous dérégulez à la base pour les petits salariés »

Mais sur le travail le dimanche, la plus véhémente est peut-être… une socialiste. La sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, représentante de l’aile gauche du PS, « en appelle aux engagements pris devant les Français » et rappelle l’opposition du PS quand Nicolas Sarkozy voulait déjà élargir le travail le dimanche. A l’approche du congrès socialiste, la sénatrice se fait un malin plaisir à citer la motion « Renouveau socialiste », celle signée par « Madame Aubry, Monsieur Jean-Christophe Cambadélis, Monsieur Manuel Valls ». Le texte dit : « Nous sommes opposés à une extension du travail le dimanche. (…) Il doit d’abord être un moment de vivre ensemble »… Marie Noëlle Lienemann poursuit, soulignant que les salariés n’auront pas vraiment le choix : « Quand vous avez des millions de chômeurs, quand vous avez le choix entre ça (travailler le dimanche, ndlr) et ne rien avoir à la fin du mois, c’est quoi votre liberté ? (…) C’est en permanence la même thèse : il faut déréguler le travail pour créer de la croissance. Et pendant ce temps-là vous redonnez en haut de l’échelle beaucoup de privilèges et
d’avantages au nom de la compétitivité. Vous dérégulez à la base pour les petits salariés ».

Une critique portée aussi par le sénateur PS de la Nièvre, Gaëtan Gorce : « Quand j’entends une partie de la gauche dire que c’est la liberté qui doit primer sur le droit du travail, je ne m’y reconnais plus. (…) Cette liberté n’est pas juste et par conséquent elle ne peut pas incarner la gauche ». Le socialiste s’abstiendra sur le texte.

Macron : « Il ne s’agit pas d’une ouverture déraisonnée du travail dominicale »

Dans un hémicycle clairsemé, il n’y a au PS guère que l’ancienne ministre Nicole Bricq pour prendre la défense du texte. La majorité du groupe est pourtant favorable au projet de loi. « Il faut raison garder. L’objectif de ce texte n’est pas d’obliger tous les commerces à ouvrir le dimanche. Il n’est pas non plus d’obliger les Français à faire leurs courses le dimanche » souligne la sénatrice PS.

Face aux tirs croisés des opposants, le ministre de l’Economie Emmanuel Macron répond « point par point » et dans le détail, comme devant les députés. Il évite de répondre de manière générale, mais cherche à convaincre que les garanties sont dans la loi. « Il ne s’agit pas d’une ouverture déraisonnée du travail dominicale. Il s’agit de clarifier les règles de l’exception au repos dominical et d’apporter plus d’homogénéité dans les compensations », précise-t-il. Il insiste sur « la nécessité d’un accord collectif préalable » de branche, d’entreprise ou du territoire avant toute ouverture le dimanche. « On peut se retrouver dans la situation où l’absence d’accord empêche d’ouvrir ».

« Je ne sais pas si c’est un débat de dinosaures mais c’est un débat de réactionnaire ! »

Malgré les efforts du ministre sur l’Economie, des propos sur les étudiants vont remettent le feu. Emmanuel Macron affirme qu’il est préférable pour ceux qui ont besoin de travailler pour financer leur étude de travailler le dimanche « avec des majorations » que de le faire en semaine pendant les cours « sans majoration » ou le soir (voir la seconde vidéo). Ça ne passe pas pour le sénateur PS Pierre-Yves Collombat, membre du groupe RDSE. « Je ne peux pas laisser dire que la solution au problème économique des étudiants c’est le travail le dimanche » s’énerve-t-il, « je ne peux pas le laisser dire de la part d’un ministre d’un gouvernement de gauche. D’où j’en déduis que vous êtes ministre, mais pas d’un gouvernement de gauche ».

Puis c’est au tour de la sénatrice PCF du Val-de-Marne, Laurence Cohen, de s’indigner : « Quand on entend des élus dire qu’il faudrait mieux travailler le dimanche pour les étudiants que pendant leur heures de cours… Je ne sais pas si c’est un débat de dinosaures, mais c’est un débat de réactionnaire ! » Face à la réaction de la socialiste Nicole Bricq, la communiste hausse le ton et le débat s’envenime : « Ecoute Nicole, tu me laisses parler, tu parleras après et si tu te sens viser, c’est ton problème ! »

Les sénateurs devaient encore examiner des amendements adoptés en commission par la droite : les sénateurs proposent de pouvoir contourner les syndicats dans les zones touristiques et les zones commerciales, en permettant l’ouverture le dimanche si elle est approuvée par référendum par les salariés. Ce sont les grands magasins des grands boulevards parisiens qui sont visés. Les sénateurs souhaitent aussi supprimer l’obligation d’un accord dans les entreprises et commerces de moins de 11 salariés situées dans les zones touristiques. De quoi donner encore du grain à moudre et à débattre pour les sénateurs. Les débats doivent durer jusqu’au 7 mai. Le vote solennel est prévu le 12.

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