Travail du dimanche à la Fnac : ‘Bosser 52 dimanches pour pas un rond’

Actualitté, Le mercredi 13 mai 2015 à 15:55:25

Le Sénat a récemment adopté un amendement obscur de la pourtant médiatique loi Macron : il permet « aux commerces de détails de biens culturels » de « déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos par roulement ». Les deux principaux arguments mis en avant pour justifier cette dérogation sont la concurrence Internet et la création d’emploi, deux prétextes à une dérégulation du travail, selon les syndicats de salariés.

Alexandre Bompard, en 2014 (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)

« Toutes les organisations syndicales de la Fnac diffusent un communiqué commun », signale Thierry Lizé (Force ouvrière), en reconnaissant que « c’est plutôt rare ». « Les assassins du dimanche, crime gratuit », proclame l’un des tracts. Le PDG de la Fnac, Alexandre Bompard, est l’une des personnalités associées à l’amendement adopté au Sénat, et pour cause : il milite depuis longtemps pour l’ouverture des magasins culturels le dimanche.

Avec cet argument consensuel, mais jamais vérifié : Amazon réaliserait 25 % de son chiffre d’affaires le dimanche. La firme elle-même l’avait démenti, par la voix de l’ex-PDG Romain Voog : « Je ne sais pas d’où vient ce chiffre, nous n’avons jamais communiqué une telle statistique. […] Il y a des pics en soirée, il y a des pics le midi, bien plus importants qu’un quelconque pic le dimanche. Ce n’est pas du tout le plus gros jour de la semaine. »

Quand bien même, il n’est pas difficile de saisir l’aspect bancal de l’argument : la Fnac dispose elle aussi d’un site Internet… Et, comme la Fnac, Amazon ne livre pas le dimanche, mais peut enregistrer des commandes. L’ouverture d’un magasin ne changerait pas grand-chose, d’ailleurs, aux habitudes d’un internaute qui commanderait sur Amazon le dimanche ou en semaine.

« On demande le plus, pour dérégulariser »

Dans la loi Macron, celle qui a bénéficié de la fameuse utilisation du 49:3, un article concerne les « dimanches du maire ». Ces derniers, originellement fixés à 5 dimanches dans l’année, permettent de déroger au repos dominical, mais restent à « caractère exceptionnel, et généralement réservés à la période de Noël ». La loi Macron fait passer le nombre de dimanche à 12. Dans le cas des dimanches du maire, les négociations avaient permis aux salariés d’obtenir une rémunération double, et une récupération du dimanche travaillé.

L’amendement à la loi Macron voté récemment au Sénat, sur proposition de l’UMP, permet donc aux commerces de biens culturels de déroger au repos dominical. « Nous ne sommes pas dupes, on sait très bien que toutes les Fnac de France ne seront pas ouvertes le dimanche. Mais Alexandre Bompard a demandé le plus pour dérégulariser », explique Thierry Lizé.

Outre l’argument peu valide de la concurrence Internet, les partisans de l’ouverture du dimanche mettent en avant l’embauche et la création d’emploi. Les syndicalistes se souviennent, eux, des négociations relatives à la loi Maillé, sous Sarkozy : « Nous avions demandé, si l’on ouvrait le dimanche, d’augmenter la masse salariale en conséquence, soit 1/7 supplémentaires. » Évidemment, le refus de la direction était de mise.

La compensation ne serait donc pas au programme, et les salariés craignent que les effectifs soient répartis sur cette nouvelle semaine de travail de 7 jours. Autrement dit, certaines tranches horaires seront totalement désertes en matière d’effectifs, dans les magasins. Il va falloir prévoir un peu d’attente au SAV…

« On pourrait en discuter sur la base de la compensation, ou du volontariat, mais aucun ne semble prévu par la direction… Au mieux, nous allons donc nous retrouver avec des étudiants et autant d’emplois précaires », déplore Thierry Lizé. « Aucun des syndicats présents à la Fnac n’est volontaire », souligne André Chapuis (CGT).

Des embauches, ou de vaines promesses ?

Les salariés mettent également en avant les Fnac qui peuvent déjà ouvrir le dimanche, celles qui sont situées dans des zones touristiques internationales, comme à Bordeaux, Nice ou La Défense. « À Bordeaux, le magasin a d’abord été ouvert tous les dimanches, puis 30 dimanches dans l’année, et encore moins aujourd’hui : des ajustements sont ensuite effectués », explique Thierry Lizé. Embauches et chiffre d’affaires n’ont pas explosé, assurément, signalent les organisations syndicales.

Mais, pour réaliser les ajustements, il fallait déjà ouvrir les possibles… Les salariés sont persuadés que les embauches ne sont que vaines promesses, surtout après 3 plans sociaux successifs.

D’après nos informations, la nouvelle Direction des Ressources Humaines de la Fnac, installée récemment, aurait rencontré individuellement les organisations syndicales, pour tâter le terrain de l’ouverture dominicale. « Au même moment, Alexandre Bompard passait beaucoup de temps aux ministères », assure-t-on.

Les organisations syndicales des différents commerces de biens culturels concernés (librairie Arthaud, Decitre, Cultura) se concertent actuellement pour des actions. À la Fnac, on signale en tout cas que les libraires indépendants des différentes villes ont apporté leur soutien aux salariés. D’autant plus que c’est leur activité qui est directement menacée par l’ouverture du dimanche, puisque nombre d’entre eux ne pourront pas assurer d’ouverture ce jour-là.

Pour le moment, une pétition a été mise en ligne, mais d’autres actions seront organisées.

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