Le projet de loi Macron pourrait permettre d’élargir le nombre annuel de dimanches pendant lesquels les commerces auraient l’autorisation d’ouvrir en France. Une mesure qui concerne certaines agences de voyages et qui fait débat dans le secteur du tourisme.
Dans son projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », Emmanuel Macron, ministre français de l’Économie, propose, entre autres, d’autoriser l’ouverture des commerces de leur commune jusqu’à 12 dimanches par an.
Il entend ainsi en finir avec le déséquilibre qu’aurait créée la loi de 2009.
En mettant en place « 41 zones d’exception » où les grandes surfaces peuvent ouvrir tous les dimanches, elle aurait "octroyé un avantage aux zones périphériques, au détriment des centres-villes", selon les mots utilisés par le ministre lors de sa présentation devant l’Assemblée nationale, lundi 26 janvier 2015.
Par ailleurs, en prévoyant des règles de compensations généreuses pour les salariés des grandes surfaces qui travaillent le dimanche, mais en n’en offrant aucune aux employés des 640 zones touristiques, elle a provoqué une certaine "injustice", poursuit M. Macron.
"Les Français consomment le dimanche sur Internet", explique-t-il pour justifier sa position. Par ailleurs, d’après lui, "une majorité de Français sont aujourd’hui favorables à l’ouverture des commerces de détail le dimanche – et à Paris, sont favorables eux-mêmes à travailler."
Les propositions du ministre de l’Économie remettent ainsi la question du travail dominical au centre des préoccupations. En particulier dans le secteur du tourisme, où le sujet fait débat.
"Réamorcer la pompe"
Si, dans un article publié début octobre 2013 sur TourMaG.com, plusieurs patrons d’agences de voyages en zones commerciales qui ouvrent parfois le dimanche expliquaient qu’ils ne font presque jamais de vente ce jour-là, d’autres aimeraient avoir la possibilité de pratiquer l’ouverture dominicale de leurs points de vente.
C’est le cas notamment de Didier Munin, Président-Directeur général (PDG) de Boiloris. Il aimerait pouvoir ouvrir les agence de son réseau plus souvent le dimanche et même certains jours fériés.
"Ce sont des jours où nos clients sont plus disponibles, explique-t-il.
Par ailleurs, les loyers augmentant, il est de plus en plus difficile de rentabiliser nos points de vente. C’est pourquoi il est important d’avoir la possibilité d’ouvrir le plus souvent possible avec les plages horaires les plus larges possibles."
Même son de cloche du côté de Jean Dionnet, PDG d’Univairmer. "Aujourd’hui, l’acte d’achat de voyages est un moment important pour le client. Il faut prendre le temps. Or, dans la semaine, les gens n’ont pas le temps, résume-t-il.
En revanche, ils l’ont le samedi et le dimanche. Par conséquent, ouvrir les agences le dimanche, c’est offrir la possibilité aux clients de bien préparer leur voyage."
Encore faut-il qu’il y ait assez de personnes intéressées pour assurer une fréquentation suffisante aux points de vente concernés. Voilà pourquoi, avant de décider d’ouvrir ou non le dimanche, le patron d’Univairmer consultera sa clientèle.
"J’effectuerai un sondage auprès d’un millier de nos clients pour savoir s’ils trouvent un intérêt à ce que leur agence ouvre le dimanche, assure-t-il. Et, si les résultats sont satisfaisants, il faudra ensuite voir si, dans nos équipes, des employés sont volontaires pour travailler certains dimanches."
Chez Univairmer, une telle mesure ne serait "pas une décision d’entreprise, mais une décision concertée avec les salariés sur la base du volontariat avec des conditions sociales et salariales satisfaisantes."
Le PDG de Boiloris ajoute, lui, que, s’il décidait d’ouvrir ces agences le dimanche, il faudrait "réamorcer la pompe en prévenant les gens pour récréer une habitude. Car si nous sommes ouverts et que personne ne le sait, ça ne sert à rien !"
"Il faut respecter la volonté du salarié"
Pour la CGT, la notion de « volontariat » n’est pas crédible en l’occurrence. "Qui peut y croire quand tout le commerce travaillera le dimanche ?" questionne le syndicat.
L’organisation estime qu’un salarié aura du mal à refuser de travailler le dimanche, notamment au moment de l’embauche, en raison du lien de subordination avec son employeur.
Le projet de loi Macron "constitue une nouvelle attaque contre le droit au repos dominical et s’inscrit dans la logique libérale de déréglementation du contrat de travail pour les salariés du commerce dans le but de banaliser le travail le dimanche. C’est la fin du repos dominical", craint la CGT.
"Il faut respecter la volonté du salarié", lui répond Valérie Boned, Secrétaire générale déléguée du Syndicat National des Agents de Voyages (SNAV).
L’organisation patronale a été consultée à plusieurs reprises sur la possibilité d’ouvrir les commerces le dimanche. A chaque fois, elle s’y est dite favorable. Mais "nous ne voulons pas que cela soit fait de manière sauvage", rassure Valérie Boned.
Surtout que, selon elle, ces mesures ne concerne pas vraiment tous les acteurs du tourisme. "Elles répondent plutôt aux besoins de nos adhérents qui travaillent en ligne, de ceux qui ont recours à des centres d’appel ou à des plateaux de réservation et des agences réceptives", précise la Secrétaire générale déléguée du SNAV.
Un point de vue partagé par les représentants des tour-opérateurs français. Notamment au Syndicat des Entreprises du Tour-Opérating (SETO).
"Nous ne sommes pas vraiment concernés par les mesures de la loi Macron sur le travail dominical. Les changements seront surtout intéressants pour l’incoming et les réceptifs", confirme René-Marc Chikli, Président du SETO.
Création d’emplois ?
Dans un communiqué, l’Alliance 46.2 estime que la hausse du nombre de dimanches ouvrables annuellement constitue "une réforme indispensable et créatrice d’emplois".
L’organisme qui regroupe des DMC comme Paris CityVision ou VIP Paris, des hôteliers comme Accor ou le groupe Lucien Barrière ou des transporteurs comme la SNCF, cite l’exemple de grandes villes où les commerces peuvent ouvrir tous les dimanches de l’année.
C’est le cas, par exemple, à Madrid, Londres, Rome, Barcelone, Amsterdam, New York, Milan, Pékin, Moscou, Rio de Janeiro ou São Paola, "sans que cela ne nuise ni au petit commerce, ni à la vie sociale de ces pays", considère l’Alliance.
Une position que la CGT a du mal à comprendre et à accepter : "Le gouvernement est prêt à sacrifier le repos dominical sur l’autel de la compétitivité alors que le travail du dimanche est inefficace sur le plan économique, dangereux socialement et néfaste pour la vie sociale."
L’ouverture des commerces à Paris le dimanche pourrait également avoir des conséquences négatives pour l’activité de certaines agences de voyages : celles qui proposent des offres permettant de partir le week-end à Londres, spécialement pour faire du shopping.
Pourquoi traverser la Manche
pour dépenser son salaire dans les boutiques s’il est possible de faire la même chose plus près de chez soi ?
pour dépenser son salaire dans les boutiques s’il est possible de faire la même chose plus près de chez soi ?
Aucun risque, nous répond-on du côté d’une agence en ligne spécialisée dans ce type de séjours : "Les deux destinations sont complètement différentes donc j’imagine que cela n’aura pas de conséquence sur notre clientèle. Elle veut partir à Londres avant tout."
Une chose est certaine : si la loi Macron est adoptée en l’état, la mise en application de certaines de ses mesures devrait provoquer pas mal de remous en France.
Dans son intervention devant l’Assemblée nationale pour présenter son projet de loi, Emmanuel Macron a expliqué qu’il "faudra un accord de branche ou d’entreprise ou de territoire" pour que les commerces ouvre le dimanche.
Il reviendra, par ailleurs, à ce même accord "de définir les règles de compensation" pour les salariés qui accepteront de travailler le dimanche.
Rédigé par Pierre CORONAS le Vendredi 30 Janvier 2015