Source: L’HUMANITE Date de parution: 09.12.2014
La libéralisation du travail dominical représente un enjeu sociétal important, la remise en question d’un acquis social pour le monde du travail, pour les salariés du commerce, les petites entreprises, une atteinte à des valeurs qui contribuent au "mieux-vivre-ensemble". » Ainsi, le président de la République, en 2012, écrivait aux organisations professionnelles, aux syndicats et à l’attention des Français, que le dimanche ne deviendrait jamais un jour comme les autres.
Ce sujet très sensible fait apparaître à la fois une affirmation doublée d’une contradiction: les consommateurs interrogés lors de sondages ne sont pas contre l’ouverture des magasins le dimanche, mais, en revanche, à plus de 80 %, ils ne voudraient pas travailler le dimanche! À noter un point important, l’évolution de notre société sur un plan familial fait apparaître de plus en plus de couples recomposés, ce qui rend plus impérieux encore l’idée de préserver la notion du repos dominical, moment essentiel en faveur de l’éducation des enfants.
À présent, je vais m’exprimer non plus en tant que citoyen mais au titre de président de la Confédération des commerçants de France, confédération d’indépendants, tous secteurs d’activités (alimentaires, non alimentaires), représentant 200 000 entreprises et 450 000 points de vente, principalement des TPE (toutes petites entreprises) situées en centre ville, c’est-à-dire le commerce de proximité.
La libéralisation délibérée des ouvertures du dimanche continuerait à affaiblir, à concurrencer encore davantage ces TPE du commerce, déjà fragilisées par l’évolution de la distribution, la prolifération en France des zones commerciales périphériques! Et pourtant! Nos politiques sont tous favorables à l’idée de revitaliser, de soutenir le commerce en centre-ville …
Des économistes l’ont dit, l’ont écrit: le travail du dimanche n’apportera pas de chiffre d’affaires en plus, mais un transfert de chiffre d’affaires, et générera des coûts supplémentaires aux entreprises. D’autant plus en période de crise. En termes d’emplois, c’est pareil, pas de création sur le fond mais des transferts de masse salariale, seulement possibles pour les grandes entreprises du commerce, sans oublier des injustices en termes de compensations salariales selon que vous travaillerez dans les zones touristiques (non obligatoires) ou dans les Puces (périmètres d’usage de consommation exceptionnel).
En résumé, s’imaginer relancer l’économie avec la libéralisation du travaille dimanche relève d’une utopie économique! En revanche, elle provoquerait une désorganisation de la société très préjudiciable à bien des niveaux. Espérons que la voix de la sagesse, de la raison, l’emportera sur le seul raisonnement économique.
Francis Palombi Président de la Confédération des commerçants de France, confédération d’indépendants
Le travail du dimanche, un enjeu de société.
La question du travail dominical et nocturne est récurrente dans l’actualité. C’est une question qui divise et qui nécessite un vrai débat que la Ville de Paris a décidé d’ouvrir en créant une mission d’information et d’évaluation (MlE) sur ce sujet.
Les communistes ont soutenu cette initiative en prenant toute leur part dans cette mission dont l’objet ne se réduisait pas au seul champ économique mais prenait en compte l’ensemble des conséquences du travail dominical· et nocturne sur l’organisation sociale, sur la vie des personnes et des familles et sur Paris ville d’accueil, culturelle et populaire.
Le débat médiatique met en avant essentiellement tant les retombées économiques attendues (un nombre important d’emplois créés, l’augmentation des bénéfices et des marges des commerces, la richesse apportée par les touristes …) qu’un gain de pouvoir d’achat pour les salariés. La MlE a démontré concrètement, à partir de ses auditions et de dossiers chiffrés, que tout cela était un leurre et une mystification tout en approfondissant une autre dimension, celle de la question sociétale, à savoir que le travail du dimanche renvoie aussi à l’idée de quel Paris nous voulons et à quelle société nous aspirons.
Au niveau individuel et familial, qui peut croire que, dans les grandes enseignes du commerce où 70 % des salariés sont des femmes, dont 50 % sont des femmes chefs de famille, le volontariat peut exister? Qui peut croire lorsque les deux tiers des salariés habitent en banlieue et grande banlieue et que le temps de transport est considérablement augmenté par les horaires décalés, qu’il n’y ait pas un affaiblissement des relations dû à un rythme de vie différent? Qui peut croire que cette libéralisation du travail ne perturbe pas l’équilibre familial à travers les rites comme le repas, le suivi scolaire et la difficulté à trouver une solution pour la garde d’enfant? Qui peut croire que le non – respect du rythme biologique n’entraîne pas fatigue, problèmes de santé et de sommeil? Qui peut croire que vivre sur des temps qui ne sont pas ceux de la famille, des amis, de la société n’est pas un facteur d’anomie sociale, de désafflliation et d’une distanciation de la place et du rôle social de chacun vis–à-vis de la vie civile, sportive, culturelle.
Au niveau de la ville, nous sommes attachés au Paris qui doit garder son originalité de ville humaine, sachant préserver certains moments ses espaces publics, ses rues et ses trottoirs d’un envahissement permanent et continu. Le charme de Paris, qui reste la première ville touristique, c’est son patrimoine urbain et culturel mais aussi ses petits commerces qui offrent convivialité et proximité. Défendre ce Paris et son attrait particulier, c’est aussi défendre les Parisiens eux – mêmes dans leur vie quotidienne et leur aspiration au calme et au repos par des moments sans bruit et sans pollution. Les personnes et les villes ont besoin de rythme, de respiration, d’imaginaire et d’un devenir dans une dynamique d’émancipation individuelle et collective. Ce temps libre, commun et partagé, est une des conditions du vivre-ensemble. Dans une période de crise, de tensions 
;sociales, de recherche identitaire et de repli sur soi, le vivre-ensemble questionne le lien social dans le respect et la tolérance de l’autre entre sujets engagés dans la coconstruction du bien commun et d’une société plus juste et plus égalitaire. En refusant l’extension du travail dominical et de nuit, on ne s’oppose pas simplement à une société consumériste et de profit mais on défend une conception de l’homme et de la société .•
;sociales, de recherche identitaire et de repli sur soi, le vivre-ensemble questionne le lien social dans le respect et la tolérance de l’autre entre sujets engagés dans la coconstruction du bien commun et d’une société plus juste et plus égalitaire. En refusant l’extension du travail dominical et de nuit, on ne s’oppose pas simplement à une société consumériste et de profit mais on défend une conception de l’homme et de la société .•
Danièle Premel Conseillère de Paris conseillère déléguée du 18 e arrondissement