Reportage dans la manifestation du Clic-P, intersyndicale du commerce parisien, contre le travail dominical.
La manifestation qui démarrait ce matin près des Galeries Lafayette (9e arrondissement) poursuivait plusieurs objectifs. Le premier était de signaler le risque majeur de l’élargissement du travail dominical, à savoir sa banalisation. « Pour le moment on est payé double, mais demain le travail dominical sera banalisé », assure Nadine, 64 ans, démonstratrice aux Galeries Lafayette. « Bientôt il n’y a plus de repos consécutif. Les patrons feront ce qu’ils veulent. » Fatiah, déléguée syndicale CGT chez Carrefour, est du même avis : « A terme, le dimanche sera considéré comme un jour normal. Et les commerces ne seront pas les seuls à être impactés par la réforme : les hôpitaux, les banques, tout le monde suivra. »
Pour ce premier défilé contre le projet de loi Macron, les manifestants n’étaient pas trop nombreux – quelques centaines -, mais ils avaient à cœur de signaler les « contre-vérités » énoncées dans le débat public sur les prétendus bienfaits du travail dominical. « Ce qui n’est pas acheté le dimanche est acheté dans la semaine. Le chiffre d’affaire ne va pas augmenter avec l’ouverture des magasins le dimanche, ce n’est pas vrai », assure Fatiah. « Personne ne peut justifier économiquement la création d’emplois générée par le travail dominical », rappelle Didier Le Reste, élu communiste Front de gauche au Conseil de Paris. « Par contre, il est certain que des emplois seront détruits dans les petits commerces indépendants de proximité », poursuit-il.
« J’aurais les menottes aux poings »
Les opposants à la loi Macron ont également rappelé que le travail dominical ne serait pas basé sur du volontariat, comme le prétend le ministre de l’Economie, le rapport de force étant trop défavorable aux salariés. Fatiha rapporte ainsi :
« À Carrefour Market, quand ils ont instauré le travail le dimanche, ils ne voulaient pas embaucher. C’est grâce à la pression de la CGT qu’ils ont fini par le faire. Aujourd’hui, les étudiants embauchés ne sont pas remplacés et on demande aux salariés titulaires de prendre leur place. Et s’ils ne veulent pas, on leur signifie leur départ. C’est du chantage. »
Un point de vue partagé par Nadine. « Ce ne sera pas sur la base du volontariat, confirme-t-elle. J’aurais les menottes aux poings. Il n’y aura pas de négociations, on nous fera passer par la porte de sortie si on refuse. »
Elle souligne par ailleurs les incohérences du projet et les difficultés pour les salariés de se rendre sur le lieu de travail le dimanche : « Moi j’habite tout près, alors ça va. Mais mes jeunes collègues n’ont pas de voiture et elles rentrent chez elles très tard. Pour celles qui arrivent de Chartres, il n’y a même pas de train ! Et Monsieur Macron, sa bourgeoise, elle travaille le dimanche ? » demande t-elle, un brin provocatrice.
Un recul social et sociétal
Pour Fatiha, le dimanche est une « journée importante passée en famille, au cours de laquelle on peut faire des activités sportives et culturelles ». « J’ai 64 ans, je travaille depuis l’âge de 14 ans. Je ne suis pas fainéante, je ne suis pas une nantie ; mais le travail le dimanche, c’est non », assène pour sa part Nadine. « Quand je pense que nos vieux se sont battus pour tout ça… » déplore t-elle.
« Qu’est ce qu’on veut comme modèle de société ? Uniquement consommer ? Mais ce n’est pas ça la vie », assure Fatiah en écho aux propos récents de Martine Aubry. « Au fond, c’est un cadeau supplémentaire fait au Medef. Ils ont eu le CICE, maintenant ils veulent instaurer le travail dominical et le travail de nuit. »
Plusieurs manifestants ont bien l’intention de rappeler à François Hollande ses engagements sur le travail dominical. Eric Scherrer, président du Syndicat des Employés du Commerce et des Interprofessionnels (SECI) et membre du Clic-P a annoncé que son syndicat allait envoyer « une carte postale à François Hollande pour lui rappeler ses promesses. » Car, dit-il, « on ne peut pas être élu et faire le contraire de ce que pourquoi on a été élu. Ou alors il ne faut pas s&
rsquo;étonner du ressentiment à l’égard des politiques et de la parole des politiques ». « Je crois en la démocratie mais la démocratie c’est aussi respecter ce que l’on a dit », conclut-il.
rsquo;étonner du ressentiment à l’égard des politiques et de la parole des politiques ». « Je crois en la démocratie mais la démocratie c’est aussi respecter ce que l’on a dit », conclut-il.