Nous sommes inquiets.
Le ministre de l’Economie présente aujourd’hui un projet de "loi pour la croissance", peu ou prou inspiré du travail d’Attali pour la "libération de la croissance" (Emmanuel Macron était le rapporteur de cette commission), qui prévoyait dès 2008, au milieu de 300 mesures tous azimuths, la dérégulation du travail du dimanche ou des professions réglementées.
Face à une courbe de chômage désespérément en hausse, à 5 millions de chômeurs, le ministre de l’Economie ne propose que de poursuivre la dérégulation du travail dominical, mesure qui ne crée ni emploi ni croissance, faute du moindre début de démonstration contraire. Au milieu de quelques autres mesures dont le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles laissent sceptiques bon nombre d’observateurs.
Sur le travail du dimanche, qui peut encore croire que cela peut relancer l’emploi et libérer la croissance ?
Bien sûr, nous avons entendu les chiffres fantaisistes du Dr Mallié ("des dizaines de milliers d’emplois" – que l’on attend toujours), les chiffres délirants de M. Gattaz (de 90 à 300.000 emplois – sic. Nous l’avions défié publiquement d’en fournir la moindre preuve, pas de réponse). Les chiffres frileux de la CCI (50.000 emplois), ou ceux carrément timorés de l’alliance pour le commerce (20.000 emplois), jusqu’aux chiffres contradictoires et surtout sans aucun engagement de leurs part, des patrons des magasins du boulevard Haussmann (700 emplois?).
Aucun de ces chiffres n’est crédible, car aucun n’expose de méthode de calcul. Faute de mieux, nous nous en tenons aux chiffres sourcés de l’OFCE : bilan zéro, voire négatif pour l’emploi et la croissance.
A l’inverse du MEDEF, l’UPA prédit la perte de 225.000 emplois, du fait du siphonnage des parts de marché de la distribution traditionnelle vers la grande distribution.
Nous avons entendu les discours lénifiants sur la garantie de volontariat : ceux qui vivent d’un salaire honnête savent bien ce que signifient le mot "volontariat" dans une économie en récession, où la précarité est telle que 80% des contrats d’embauche signés actuellement sont des CDD et où le taux de chômage des jeunes dépasse 20%.
Nous avons entendu le discours des salariés de Leroy-Merlin, qui se disaient volontaires pour travailler chaque dimanche. Et nous avons appris qu’il s’agissait en réalité d’une campagne de communication orchestrée par les Ateliers Corporate, et financée par les enseignes. Imposture.
Nous avons entendu le discours des compensation salariales. Avant même leur mise en place, elles commencent déjà à disparaître : elles ont déjà disparu pour les entreprises de moins de 11 salariés, voire 20, et Marisol Touraine dit maintenant que le doublement, c’est "si possible". Comme ce ne sera évidemment "pas possible", les branches négocieront aprement pour éviter le taux par défaut de 100%, et nous aboutirons à un système encore plus opaque, encore plus compliqué, encore plus sujet à compromissions.
Nous avons entendu le discours de M. Fabius, et de ses touristes chinois, venant de Chine pour acheter en France les parfums qu’ils trouvent chez eux, et s’obstinant à ne venir que le jour où le Printemps est fermé ! Pas de chance pour M. Fabius, les agences de voyage disent qu’il n’y a aucun problème de cet ordre. Et que les Chinois sont doués d’intelligence.
Nous avons entendu les grandes enseignes se plaindre de l’insupportable concurrence que leur ferait Internet, sans avouer qu’elles disposent toutes d’un site de e-commerce, et qu’elles disposent exactement des mêmes armes qu’Amazon. Simplement, pour battre Amazon, il faut être meilleur…
Les mauvaises langues diront qu’on pouvait s’attendre à tout d’un trop jeune ministre de l’économie, formé à la banque Rotschild, et coaché par Attali, gourou de secours aux idées déracinées.
Que de mensonges….
La première chose certaine, en ce qui concerne le travail du dimanche, est un transfert d’activité au profit de la grande distribution. Déréguler le travail du dimanche, c’est juste faire travailler plus – un thème cher au précédent Président – les grandes enseignes de la distribution – les amis chers au précédent Président. Est-ce bien le rôle d’un gouvernement qui se dit de gauche, et qui s’était engagé contre le travail dominical par la voix de son Président actuel ?
La seconde chose certaine, c’est que la poursuite de la destruction d’un modèle social tirant sa personnalité d’une homorythmie hebdomadaire, marquée par le dimanche, est nuisible au bien-être des personnes, au vivre ensemble, et à la société tout entière.
Juste pour les intérêts des grands groupes de distribution.
Etienne NEUVILLE
Secrétaire Général du CAD
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