PROJET DE LOI. Le texte présenté demain par Emmanuel Macron en Conseil des ministres divise le parti, qui refuse l’ouverture des magasins douze dimanches par an. D’autant que la création d’emplois n’est pas garantie.
L’ASSOUPLISSEMENT de l’ouverture des commerces le dimanche en France créera-t-il de l’emploi? La question est brûlante à la veille de la présentation en Conseil des ministres de la loi croissance d’Emmanuel Macron. Créer « des centaines» d’emplois en instituant des zones touristiques internationales – notamment sur le boulevard Hausmann à Paris – ou en donnant l’autorisation aux commerces d’ouvrir 12 dimanches par an au lieu de 5 : tel est bien l’objectif de ce texte censé redynamiser l’économie. Aperçu de la cacophonie ambiante.
1000 emplois directs ciblés à Paris. Au ministère de l’Economie, on mise sur la création de 2 000 postes de travail, dont 1000 emplois directs, dans les quatre grands magasins parisiens – Printemps, Galeries Lafayette, BHV, Bon Marché – concernés par la création des zones touristiques internationales (ZTI). On évoque aussi une progression potentielle du chiffre d’affaires de 5 % dans ces commerces. « Au cour Saint-Emilion, près de Bercy, le travail dominical génère 25 % du chiffre d’affaires et environ 35 emplois », souligne-ton au ministère en guise d’exemple.
Le bémol de la Ville de Paris. D’après les économistes auditionnés par les élus parisiens dans le rapport de la mission d’information et d’évaluation (MIE), les effets sur l’emploi demeurent très controversés. Surtout, ce sont les salariés au statut précaire, majoritairment des femmes, les principales concernées.
Une métamorphose de l’emploi et du territoire. « Au mieux, la loi Macron maintiendra le même nombre d’emplois. Mais c’est la qualité de l’emploi qui changera », assure Eric Scherrer, président du Seci-Unsa et membre du Clic-P, l’intersyndicale des commerces parisiens. D’un côté, les grandes enseignes créeront des emplois précaires à temps partiel. De l’autre, selon les syndicats, on observera des destructions d’emploi à plein-temps dans les petits commerces de centre-ville.« Au-delà des emplois créés, il faudra regarder les conséquences au niveau des rythmes de travail, de l’organisation du territaire, de la déstructuration des commerces de proximité », s’inquiète Olivier Guivarch, secrétaire national à la CFDT-Services.
A Paris mais pas en Normandie. Chaînes ou indépendants, les commerces sont très divisés. « Quel est mon intérêt à ouvrir le dimanche? interroge Philippe Daquai, détaillant en chaussures à Soissons. Toutes mes salariées sont des mères célibataires qui n’ont aucune solution de garde pour leur enfant. » «Le 1 er facteur de création d’emploi chez nous, c’est la demande, renchérit Jean-Charles Vogley, secrétaire général de la Fnaem (Fédération française du négoce de l’ameublement et de l’équipement de la maison). En Bretagne ou en Normandie, nos commerces n’ouvrent aucun dimanche dans l’année. Les gens préfèrent aller à la plage que d’entrer chez Ikea ou à Roche Bobois, tandis qu’en Ile-deFrance, le dimanche représente 20 à 25 % du chiffre d’affaires selon les enseignes », reconnaît-il. Un magasin, il faut« le chauffer, l’allumer, le sécuriser ».« Encore faut-il rentabiliser cette ouverture! »résume-t-il.