L’élargissement de l’ouverture dominicale des commerces envisagé par le gouvernement n’en finit plus de susciter des batailles de chiffres.
Ouvrir plus pour gagner plus? L’élargissement de l’ouverture dominicale des commerces envisagé par le gouvernement n’en finit plus de susciter des batailles de chiffres. Si la mesure est censée créer des «conditions génératrices de croissance et d’emploi», l’étude d’impact de la loi Macron ne chiffre pas précisément les retombées économiques attendues du passage de 5 à 12 dimanches travaillés par an, et de la création de zones touristiques et commerciales autorisées à ouvrir le dernier jour de la semaine. En septembre, le Medef estimait qu’une libéralisation généralisée, couplée aux ouvertures de soirée, pourrait générer jusqu’à 300.000 emplois en France, dont 50.000 à 200.000 dans le tourisme. Un chiffrage plutôt généreux. De son côté, la CCI de Paris-Île-de-France l’estime plutôt aux alentours de 50.000 emplois au niveau national et 0,4 % de PIB.
La réalité se situe probablement en deçà, le projet de loi Macron n’allant pas vers une dérégulation totale du travail dominical. L’estimation la plus précise vient de l’Alliance du commerce, qui estime à 20 000 emplois (équivalent temps plein) l’effet de l’octroi de 10 dimanches supplémentaires (contre 7 envisagés par le gouvernement). Des emplois qui bénéficieraient surtout à des jeunes à la recherche d’un premier emploi ou à des étudiants, estime l’organisation. Selon le secteur du bricolage, qui bénéficie déjà d’une dérogation sectorielle, 20 % des ventes sont réalisées le dimanche. Pour les enseignes qui ne travaillent pas encore le dimanche, comme la Fnac ou Darty, un élargissement à 12 dimanches par an soutiendrait d’environ 2 % leurs ventes annuelles et de 6 à 9 % leur résultat opérationnel, selon les analystes.
Aucune étude n’a démontré à ce jour les effets positifs d’un accroissement des horaires dans le commerce
«Aucune étude sérieuse n’a démontré à ce jour les effets positifs d’un accroissement des horaires dans le commerce», contredit Éric Scherrer, porte-parole de l’intersyndicale Clic-P, à l’origine de la condamnation de plusieurs enseignes pour travail illégal la nuit et le dimanche. Côté artisanat et commerces de proximité, l’UPA juge même que 225.000 emplois seraient menacés par le détournement de la consommation du centre des villes vers les grandes surfaces. Même le patron de Carrefour, Georges Plassat, a jugé lundi sur France Inter que seule l’ouverture des magasins de proximité le dimanche avait vraiment un sens économique.
Dans ce flou des chiffres, seule la situation particulière de Paris semble faire consensus, de par son caractère très touristique. Hormis le Clic-P, les acteurs estiment que la clientèle très étrangère de la capitale augmenterait mécaniquement les emplois et le chiffre d’affaires des commerces franciliens. Les quatre grands magasins parisiens (Galeries Lafayette et Printemps Haussmann, BHV Marais et Bon Marché Rive Gauche) stimuleraient ainsi d’au moins 5 % leurs ventes annuelles, soit environ 160 millions d’euros, grâce au regain d’attractivité gagné sur les autres capitales européennes (qui ouvrent presque toutes le dimanche). Le cas échéant, ils s’engagent à créer 2000 emplois directs et indirects.