Stéphane Jacquet pense que la dérogation permanente laisse plus de souplesse à l’année, mais ce n’est pas pour ça que sa boutique est ouverte tous les dimanches. – Photo Stéphanie Para
L’ouverture des commerces le dimanche n’en finit plus de faire parler. Mais le sujet qui agite actuellement le débat national a été tranché depuis longtemps par les commerçants locaux.
Si vous tenez dans les mains cette édition dominicale, c’est que vous l’avez achetée dans un commerce ouvert le dimanche. Mais y êtes-vous pour autant favorable ?
Le dernier sondage sur la question, mené par Odoxa pour le Parisien/Aujourd’hui en France indiquait que plus de 70 % des Français y sont favorables… Car ils se placent du côté consommateur.
Néanmoins, les choses se compliquent si l’on change de point de vue. En tant que patrons ou salariés, l’opinion se divise. Les uns pointent le potentiel économique d’un jour comme le dimanche où « la plupart des consommateurs sont disponibles ». Les autres évoquent « la concurrence déloyale qu’un magasin avec dérogation fait à celui qui n’en a pas ». Et tandis que certains défendent becs et ongles le sacro-saint repos dominical, il s’en trouve toujours pour opposer la vision libérale de la chose : « liberté d’entreprendre et de travailler ».
L’exubérante législation produite par la France sur le sujet reflète bien le caractère passionné du débat dans notre pays. Ici, la règle est l’exception (lire notre dossier complet, pages 2 et 3 dans notre édition de ce dimanche 16 novembre). On le croyait plus ou moins apaisé depuis le dernier épisode en date, il y a un an – la fronde des magasins de bricolage franciliens qui ont ferraillé pour obtenir l’ouverture dominicale sans être dans une zone concernée.
Une vieille épine pour Bercy
Mais le sujet est un serpent de mer politique qui semble ressortir régulièrement pour mordre tous les gouvernements. Au tour d’Emmanuel Macron. Dans le cadre du budget 2015, le ministre de l’Économie a présenté son projet de loi pour l’activité. Et parmi les mesures envisagées : permettre aux maires d’autoriser jusqu’à 12 ouvertures dominicales par an (contre 5 actuellement) et redessiner la carte des zones à dérogation permanente – certes cela change un peu de celle des Régions…
Pour les commerçants de Bourges, pouvoir ne signifie pas vouloir
Au niveau national, le débat semble surtout idéologique. Car au niveau local, le contexte économique a tranché depuis longtemps. Et les choses sont plus apaisées. À Bourges par exemple, les commerçants du centre-ville ont obtenu depuis deux ans la dérogation permanente pour ouvrir tous les dimanches, mais seul un magasin de prêt-à-porter en profite régulièrement. En faisant classer tout le centre historique en « zone touristique à affluence exceptionnelle », la municipalité Lepeltier pensait encourager l’activité économique du centre-ville. À l’époque, les comparaisons allaient bon train avec Vichy (Allier), ville qui connaît une grosse affluence ce même jour. Mais le retour d’expérience montre que les touristes qui viennent voir la cathédrale ou le palais Jacques-Cœur ne sont pas forcément ceux qui vont faire du shopping dans la rue Moyenne.
D’ailleurs selon les associations de commerçants, il n’a jamais été question de la remplir en ouvrant chaque dimanche : « Cette dérogation n’était pas faite pour ouvrir 52 dimanches dans l’année mais pour donner un peu de souplesse alors que le quota des 5 dimanches était entièrement utilisé par les fêtes de fin d’année et les foires du mois de juin », expliquent Stéphane Jacquet et Thierry Boyer, représentants des commerçants berruyers. La question se pose en d’autres termes dans les zones commerciales puisque la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) réclame actuellement de prolonger tout l’après-midi l’autorisation qui leur est faite d’ouvrir jusqu’à 13 heures…
Mais là encore le débat national ne résiste pas au pragmatisme local : « Pour que l’ouverture dominicale d’une enseigne soit rentable, il faudrait que toutes les enseignes voisines ouvrent aussi afin d’obtenir un effe
t d’échelle », explique le gérant d’une enseigne qui tient à l’anonymat.
t d’échelle », explique le gérant d’une enseigne qui tient à l’anonymat.
« Autre chose à faire le dimanche »
Comme lui, certains directeurs de Saint-Doulchard ou de la route de La Charité souhaitent l’ouverture dominicale. Mais d’autres s’y opposent : « le budget des gens n’est pas extensible. S’ils ne sont pas venus faire leurs courses le samedi ils ne viendront pas plus le dimanche », font-ils valoir. Et certains d’ajouter : « il y a sans doute autre chose à faire que les magasins pendant les jours de repos ! » Si les commerçants eux-mêmes le disent…
Floris Bressy