En opération séduction pour promouvoir son « projet de loi pour l’activité et l’égalité des chances économiques » présenté le 15 octobre en conseil des ministres, Emmanuel Macron défend notamment sa proposition d’élargir les dérogations à la règle du repos dominical. Invité de France Inter jeudi 16 octobre, le ministre de l’économie s’est hasardé à une comparaison un peu bancale.
Ce qu’il a dit :
« 25 % du chiffre d’affaires d’Amazon se fait le dimanche. On peut continuer à nevouloir laisser travailler que les multinationales anglo-saxonnes qui paient peu d’impôts dans notre pays le dimanche mais ça n’est pas la bonne solution. »
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POURQUOI ÇA N’A RIEN À VOIR
Jusque-là, l’extension des autorisations à ouvrir le dimanche était justifiée, dans les discours, soit par une raison spécifique à un secteur (la continuité du service pour les hôpitaux et les pompiers, la sauvegarde de produits frais…), soit par une forte affluence ce jour-là (les magasins de bricolage, les zones touristiques).
Sur France Inter, Emmanuel Macron a justifié l’extension de l’autorisation d’ouvrirle dimanche par l’activité commerciale d’Amazon, qui réaliserait 25 % de son chiffre d’affaires le dimanche. Contacté, le groupe américain de vente en ligne n’a pas encore répondu à notre demande pour vérifier ce chiffre. Le PDG de la FNAC, Alexandre Bompard avait lui aussi évoqué en novembre 2013 un chiffre de 20 à 25 % des revenus pour les sites de vente en ligne (et non pas seulement Amazon) le dimanche.
Plus globalement, le ministre de l’économie refuse que les entreprises françaises soient « doublées » par leurs concurrentes étrangères le dimanche. Problème : l’argumentaire de M. Macron n’a rien à voir avec le projet de loi qu’il a lui-même présenté mercredi, et ce à deux égards :
- Les boutiques en ligne, même françaises, restent ouvertes le dimanche
Premièrement, la comparaison avec Amazon est hasardeuse. Emmanuel Macron prend l’exemple d’un site Internet de vente en ligne, qui est par nature accessible 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Mais c’est également le cas de tous les sites de vente français, sur lequel les internautes peuvent aussi réaliser leurs achats le dimanche, la nuit, les jours fériés…
Quant aux salariés de l’entreprise, ils sont soumis à la législation actuelle en matière de repos dominical, qui prévoit une dérogation pour les entreprises d’« ingénierie informatique », pour lesquelles une continuité du service est nécessaire.
- Des autorisations élargies seulement dans les zones touristiques
Deuxièmement, Emmanuel Macron refuse de « ne laisser travailler que les multinationales anglo-saxonnes le dimanche » – laissant entendre que c’est forcément le cas et « oubliant » au passage les commerces déjà ouverts en France le dimanche. Avec ce discours, il ouvre la porte à une autorisation généralisée du travail dominical. Si l’on suit ce raisonnement, toutes les entreprises françaises devraient elles aussi rester ouvertes 7 jours sur 7 pour faireface à la concurrence de leurs homologues étrangères, notamment via Internet.
Pourtant, le projet de loi présenté mercredi par Emmanuel Macron ne prévoit pas une telle mesure – qui rencontrerait probablement une levée de boucliers massive. Il se contente d’étendre les dérogations aux gares et aux « zones touristiques à fort potentiel économique ». Dans ces lieux, les commerces seront autorisés d’office à ouvrir cinq dimanches dans l’année, et jusqu’à douze avec le feu vert des maires