D’après Laurent Fabius, « il n’y a plus le choix ». Lundi dernier, face aux dirigeants des grands groupes mondiaux de la distribution, le ministre des Affaires étrangères annonçait qu’« avant la fin de l’année », le gouvernement légiférerait sur le travail du dimanche. L’extension des possibilités d’ouverture des commerces ce jour-là, envisagée depuis le rapport Bailly de décembre dernier, prendra place dans le projet de loi sur la croissance. D’après le ministre, le débat est clos : « Il y a quelques années, on pouvait discuter : est-ce opportun ou pas ? Mais aujourd’hui il nous semble que, compte tenu du flot de touristes (…) qui ne vont pas attendre le jeudi pour venir consommer et, d’autre part, compte tenu du développement du e-commerce, il n’y a plus le choix. » « Le gouvernement accélère le calendrier parce qu’il vient de découvrir un phénomène récent, l’existence de nombreux touristes en France et à Paris, notamment chinois – et la nécessité urgente de leur faire les poches avant qu’ils ne s’en aillent ! » a ironisé hier Karl Ghazi, de la CGT commerce, lors d’une conférence de presse du Clic-P, l’intersyndicale (CGT, CFDT, Seci-Unsa, SUD et CGC) du commerce de Paris. À la pointe depuis 2010 de la mobilisation contre les ouvertures illégales des commerces le dimanche et la nuit, le Clic-P a tenu à démonter l’argumentaire du gouvernement censé justifier une régression sociale supplémentaire. « Pourquoi est-ce le ministre des Affaires étrangères qui porte ce projet et pas celui du Travail ou du Commerce ? » a interrogé Karl Ghazi, pour qui le prétexte du tourisme masque le « revirement » des socialistes sur la question. Et de citer les déclarations de François Hollande en 2009 contre la loi Mallié, portée par la droite pour élargir les ouvertures dominicales : « Les Français n’ont pas besoin de plus d’ouvertures, mais de plus d’argent pour consommer. » Désormais, à en croire le gouvernement, ce serait les touristes étrangers qui auraient besoin de plus d’ouvertures pour assouvir leur soif de shopping dans leurs temples de la consommation du boulevard Haussmann. La réalité est tout autre, selon Bernard Demarcq, représentant CGT au Printemps : « Cette clientèle asiatique est amenée dans le magasin par des tour-opérateurs que le Printemps paye chaque année à hauteur de 33 millions d’euros, soit plus que la masse salariale du magasin ! Mais les cars viennent le matin, parfois dès 9 heures, en aucun cas le soir, ni le dimanche. » Le Clic-P souligne que dans ces grands magasins les dimanches d’ouverture pendant les soldes enregistrent un chiffre d’affaires trois fois inférieur à celui du samedi. « Le chiffre d’affaires est réalisé surtout entre 11 heures et 17 h 30. Et pendant les nocturnes, il n’y a personne dans les rayons », a appuyé Françoise Ruotte, déléguée CFDT aux Galeries Lafayette, qui témoigne que la « majorité des collègues ne veulent pas travailler le dimanche, ni le soir » ! Pour le Clic-P, l’élargissement des ouvertures n’augmenterait pas le chiffre d’affaires, ni les emplois, mais permettrait aux grandes enseignes, seules capables d’assumer des ouvertures non rentables, de se débarrasser des petits concurrents. Des arguments que l’intersyndicale a livrés à la mission d’information et d’évaluation (MIE) lancée au printemps par le Conseil de Paris sur la question du travail du dimanche et de nuit. La MIE doit boucler son rapport à la mi-novembre, pour un vote début décembre au Conseil de Paris. Le Clic-P annonce donc une journée d’action à la mi-novembre.
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