PUBLIÉ LE 15/03/2014 Courrier picard
Besoin soudain d’un tournevis, d’une clé à molette ou d’un pot de peinture ? Il va falloir patienter. En Picardie, aucune enseigne de bricolage ne sera ouverte ce dimanche. Un décret, depuis une semaine, les y autorise pourtant. Mais pas un seul magasin n’a encore décidé de profiter de cette soi-disant aubaine commerciale. « C’est bien la preuve que le travail du dimanche est une aberration », se félicite Franck Briatte, représentant de la branche commerce-force de vente pour le CFTC Picardie. Ce constat sonne un peu comme une victoire pour ce syndicat qui milite depuis toujours contre la généralisation du travail dominical. Mais cela confirme également que ce décret n’a de sens que dans des zones de chalandise très fréquentées. « Nous n’aurions aucun intérêt à ouvrir le diman che, confirme ce cadre de Leroy Merlin, à Amiens. En dehors des ouvertures exceptionnelles, cela nous coûterait trop cher. »
Dans les faits, aucune enseigne, en effet, ne souhaite vraiment ouvrir le dimanche. « Trop de charges pour pas assez de bénéfices, nous ne sommes pas à Paris », résume le responsable de Leroy Merlin. Et les employés, même payés grassement, ne sont pas toujours prêts à sacrifier leur vie de famille, ou leur vie tout court, pour glaner quelques euros de plus. « Hein ? Travailler tous les dimanches ? Quelle horreur ! », s’égosille cette salariée de Castorama à Saint-Maximin, dans l’Oise, qui ne semble pas au fait de cette nouvelle loi.
Évidemment, chez les clients, les avis sont davantage partagés. « Je travaille six jours par semaine, et oui, le dimanche, j’aimerais pouvoir aller chercher le truc qui manque quand je bricole », constate Bernard Duvel, retraité et bricoleur amateur. « Ce n’est pas indispensable, nuance Johanna, bricoleuse a ses heures perdues et commerçante dans le prêt-à-porter. Dans notre métier, travailler le samedi est déjà une contrainte pour la vie de famille, ce n’est pas la peine d’en rajouter. »
En Picardie, l’ouverture, ou non, des magasins de bricolage le dimanche répond, comme partout, à une logique commerciale. Mais ce qui est la règle aujourd’hui ne le sera pas forcément demain. Selon la CFTC, les élus des grandes villes de la région se seraient entendus pour ne pas autoriser d’ouverture dominicale. « Mais cet équilibre est fragile, nuance Franck Briatte. Dès lors qu’un magasin ouvrira le dimanche, les autres s’engouffreront dans la brèche », redoute le représentant syndical. « Je ne suis pas sur », tempère Bernard Désérable, responsable du magasin Mr Bricolage dans le centre-ville d’Amiens.
« Nous sommes ouverts et disponibles six jours sur sept, ce qui laisse du temps aux gens pour faire leurs achats. Et grâce à Internet, les magasins ne sont jamais réellement fermés. »
Quoi qu’il en soit, le feuilleton est loin d être terminé. Les syndicats du commerce ont annoncé qu’ils allaient déposer un recours devant le Conseil d’État. Dimanche reste encore dimanche.
FABRICE JULIEN