Blog HB 31/12/13
Travail le dimanche : la banalisation continue ! En pleine trêve des confiseurs, un décret daté de ce 31 décembre, signé de Jean-Marc Ayrault et de Michel Sapin, inscrit donc le bricolage parmi les nouvelles dérogations temporaires. Si vous ne le saviez pas, la France n’attendait que cela : que les grosses enseignes telles Leroy-Merlin ou Castorama continuent à prendre les parts de marché des petites et à faire tomber les dominos qui emmèneront tous les autres sur leur passage. Car c’est de cela qu’il s’agit bien sûr, pas de la nécessité pour les consommateurs d’acheter d’urgence un marteau ou un canapé toutes affaires cessantes le dimanche. Il n’y a que les naïfs pour l’admettre.
Plus largement, qui peut croire un instant que Sephora continuera de raccompagner ses salariés en taxi après leur travail de nuit, ou de tolérer un volontariat qui n’existe évidemment pas en droit du travail ? Qui peut croire que derrière cette OPA inique sur un droit historique pour tous, la protection des temps de repos, ne se cache le détricotage d’une législation digue et protection, bienfait social ? Quels magasins après Leroy-Merlin et Castorama ? Ça se bouscule au portillon, n’en doutons pas…
Le bricolage n’avait besoin d’aucune dérogation
La crise a bon dos. La stratégie « clef sous la porte » de Jean-Claude Bourrelier victime annoncée de la Loi Mallié, également. Le bricolage n’avait besoin d’aucune dérogation. Cette activité-là ne concerne ni la subsistance, ni la santé, ni la sécurité. À partir du moment où des achats si mineurs entrent dans le champ des exceptions alors qu’ils n’en sont pas, tout devient possible, tout. Croyez-nous, la stratégie en cours, c’est la libéralisation des dimanches et des jours de fêtes réalisée dans moins de dix ans. Elle est là la vraie leçon du rapport Bailly qui généralise le travail le dimanche à moyen terme.
Tous ceux qui n’entendent pas aujourd’hui les pierres crier n’auront alors plus que leurs yeux pour pleurer. Aujourd’hui comme hier ils veulent se laisser abuser comme dans le film Monsieur Smith au sénat de Frank Capra où toute possibilité de contre a bien l’air d’être voué à l’échec. Main basse sur la presse, organisation de fausses manifestations, marginalisation des acteurs pro-repos dominical : les façons de faire des puissants sont finalement toujours les mêmes. Notre dimanche ressemble bien à l’une de ces « causes perdues » du film pour lesquelles on se demande s’il n’est pas vain de se battre…
Plus tôt qu’on ne croit : le dimanche, un jour comme un autre
Ah, ils auront bientôt des bus pour aller chez Ikea, de beaux parkings pour se garer, des nounous pour garder leurs jeunes enfants, des administrations ouvertes même pour suivre le mouvement comme en Irlande ou en Espagne. Ah, ils se seront bien tus dans les dîners de peur d’être amalgamés aux mouvements de gauche qui défendent le repos dominical ! Mais qu’ils ne se leurrent pourtant pas, ils grossiront bientôt eux aussi la masse des travailleurs du dimanche qui deviendra plus vite qu’on ne croit un jour comme un autre. À force de faire seulement semblant de le conserver, juste pour faire joli sur le papier, le dimanche se meurt à force de multiples dérogations et non des seules exceptions de bon sens. Le principe est vidé de sa substance. Adieu donc la belle synchronie d’un temps pour tous.
Oserais-je te dire « Bonne année 2014 » cher dimanche ? Elle commence mal pour toi, mais le monde moderne est si content, si prompt à vouloir perdre le peu d’âme qui lui reste encore… Alors pourquoi l’en empêcher ? H.B.