Travail le dimanche: et si les salariés n’en voulaient pas?

Par Laurent Martinet – publié le 02/12/2013 à 07:31

D’après la CFDT, 68% des salariés du commerce ne veulent pas travailler le dimanche. Un élément à prendre en compte dans le débat, alors que Jean-Paul Bailly va rendre son rapport sur le sujet.Travail le dimanche: et si les salariés n'en voulaient pas?68% des personnes interrogées par la CFDT ne sont « pas d’accord » pour travailler le dimanche, même avec compensation salariale.AFP

La bataille sur le travail du dimanche va connaître un nouvel épisode, ce lundi 2 décembre, avec la remise au Premier ministre durapport de Jean-Paul Bailly sur le sujet. L’ex-président de La Poste a été missionné fin septembre afin de « clarifier le cadre juridique » du travail dominical, après le coup de force de Castorama et Leroy-Merlin pour ouvrir le dimanche avec le soutien de leurs salariés.

Le volontariat toujours en question

Les salariés, tel est l’enjeu. En effet, les enseignes de bricolage assurent qu’elles ne font appel qu’à des volontaires pour travailler le jour de repos hebdomadaire imposé par la loi. Leur intérêt commercial à allonger la semaine rencontrerait donc celui des salariés à augmenter leur revenu, voire tout bonnement à travailler dans le cas des temps partiels. Ce qui met le gouvernement dans une position délicate: deux Français sur trois considèrent que leur pouvoir d’achat diminue, et la courbe du chômage refuse de baisser.

Cependant, d’après une enquête menée par la CFDT auprès de 1834 salariés du commerce, les salariés de Castorama et Leroy-Merlin réunis dans le collectif des « bricoleurs du dimanche » ne seraient pas représentatifs de l’ensemble du secteur. 68% des personnes interrogées ne sont « pas d’accord » pour travailler le dimanche, même en cas de compensations salariales. Pourtant, il s’agit de salariés modestes: 88% d’entre eux gagnent moins de 1500 euros. Mais ils estiment en majorité que travailler le dimanche n’améliorera pas leur situation. 71% des salariés interrogés citent le salaire et les primes comme la première de leurs préoccupations, loin devant le travail du dimanche (33%). Quant au volontariat, 27% d’entre eux l’estiment impossible, « à cause des pressions directes ou indirectes », et 41% difficile, « parce qu’il n’y a pas assez de personnel pour laisser le choix ». Un total de 68% pour le remettre en question. Et le travail du dimanche, ils connaissent. Près de la moitié d’entre eux travaillent en grande surface. 64% le pratiquent, dont 20% régulièrement.

Il faut cependant signaler que la proportion des salariés enclins à travailler le dimanche s’inverse chez les moins de 25 ans, qui sont60% à y être prêts. Une armée de réserve. Mais pour Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT contacté par Lexpansion, l’explication est simple: « Les jeunes sont poussés à travailler parce qu’ils n’ont pas les moyens de poursuivre leurs études. » Le syndicaliste estime que le volontariat est, dans ce cas précis, tout à fait faussé.

La CFDT ne veut pas d’une nouvelle loi

Pour la CFDT, cette enquête confirme que « les salariés vivent des situations diverses » et qu’il est « illusoire d’envisager une solution unique« . Hervé Garnier précise: « Nous ne souhaitons pas une nouvelle loi, puisque les précédentes n’ont fait qu’ajouter à la confusion en permettant de multiples exceptions. Le travail du dimanche doit rester exceptionnel ». Hervé Garnier critique notamment la logique des zones touristiques, qui permet de mettre sur le même plan « l’île d’Yeu et les Champs-Elysées », sans donner lieu à des majorations, et reproche à la loi Mallié de 2009 de n’avoir servi « qu’à régulariser la zone commerciale de Plan de Campagne. »

En revanche, la CFDT demande un accord national interprofessionnel pour garantir dans chaque branche un socle minimal et des majorations de salaires. L’accord serait assorti de mesures de lutte contre la précarité et contre les temps partiels imposés. La CGT s’est prononcée au contraire pour une nouvelle loi, mais elle rejoint la CFDT sur ce point: « Les salariés sont de plus en plus nombreux à travailler le dimanche, et nous souhaitons une négociation interprofessionnelle pour les défendre, notamment dans la restauration où les majorations sont rarement de mise », nous confie Stéphane Fustec, de la fédération du commerce.

Jacques Attali, qui souhaite, contrairement aux syndicats, « libérer totalement le travail du dimanche« , interprète différemment cette enquête: « Il faut voir le verre à moitié plein », analyse-t-il pour Lexpansion. « 32% des salariés sont donc prêts à travailler le dimanche, même dans les conditions actuelles ». L’économiste l’assure: le travail dominical est « bon pour la société ». Mais il faut aussi « qu’il soit juste », et « compensé », reconnaît-il. « Si les gens ne veulent pas, il faut trouver des volontaires pour les remplacer ». Oui, mais comment garantir le volontariat si le travail dominical devient de plus en plus fréquent? Au rapport Bailly de démêler l’écheveau.

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