Les Echos, 30/10, Derek Perotte
La cour d’appel de Paris a infirmé la décision du tribunal de commerce de Bobigny.
Mais la bataille juridique se poursuit, avec une audience sur le fond prévue le 22 novembre.
Les enseignes de bricolage réclament de bénéficier du droit d’ouvrir partout tous les dimanches. – Photo Cédric Poulmaire/RéA
Nouveau rebondissement juridique dans l’épineux et très complexe dossier du travail dominical. Hier, la cour d’appel de Paris a autorisé Leroy Merlin et Castorama à rouvrir les 15 magasins franciliens, qui avaient été condamnés en référé, le 26 septembre par le tribunal de commerce de Bobigny, à fermer, suite à une plainte pour distorsion de concurrence déposée par Bricorama. Les deux enseignes avaient tout de suite fait appel et contourné l’interdit, relançant par l’action conjointe de leurs directions et salariés le débat sur le travail dominical.
Pour infirmer la décision du tribunal de commerce, la cour d’appel a jugé« irrecevables » les demandes de Bricorama de faire fermer ses concurrents car « se heurtant à l’autorité de la chose jugée » : de fait, lors de deux précédents jugements, en décembre puis en avril, Bricorama avait été débouté. La cour a en outre condamné Bricorama à payer 12.000 euros de dommages et intérêt à ses deux concurrents. SonPDG, Jean-Claude Bourrelier, vitupère contre une « décision d’injustice », estimant que« une fois de plus […] ce sont les puissants qui dictent leur loi ».
Cette décision est toutefois loin de clore le débat juridique. « La cour d’appel a estimé que le tribunal de Bobigny n’avait pas à se prononcer, mais elle n’a pas jugé sur le fond », souligne Franck Morel, avocat au sein du cabinet Barthélémy. Raison pour laquelle Castorama et Leroy Merlin, bien que « soulagés », ont souligné que ce jugement n’était « qu’une première étape ». La décision la plus lourde d’enjeux est en effet celle sur le fond, avec une audience programmée le 22 novembre. Comme l’a expliqué l’avocat de Castorama, la décision rendue hier « n’apporte qu’un répit de quelques semaines pour les salariés ». Si le jugement de fond venait à reconnaître la distorsion de concurrence dénoncée par Bricorama, c’est tout l’édifice légal sur le travail dominical qui pourrait s’en trouver fragilisé. D’autres enseignes pourraient alors s’engouffrer dans la brèche, amplifiant la confusion et poussant l’exécutif à remettre la loi Mallié de 2009 à plat.
L’exécutif gagne du temps
Mais c’est précisément le scénario que veut éviter le gouvernement, d’autant plus réticent à rouvrir la boîte de Pandore que de nombreux parlementaires socialistes s’opposeraient à une extension du travail dominical. Jusqu’ici, l’exécutif s’est borné à gagner du temps en confiant une mission à Jean-Paul Bailly, ex-PDG de La Poste, dont les conclusions sont attendues fin novembre. Le choix n’est pas anodin : en 2007, ce dernier, alors rapporteur d’un avis du Conseil économique et social sur le travail dominical, s’était montré très prudent en la matière…
Reste que les enseignes de bricolage, une fois sorties des prétoires, se retrouvent pour maintenir la pression. Elles réclament toujours de bénéficier à leur tour, comme accordé en 2009 à l’ameublement et au jardinage, du droit d’ouvrir partout tous les dimanches. Le collectif des « bricoleurs du dimanche » va de nouveau manifester en ce sens devant le ministère du Travail aujourd’hui. Ce droit pourrait être octroyé au bricolage par un simple décret, ce qui permettrait au gouvernement d’éviter une nouvelle loi. Mais il s’y montre très réticent, conscient qu’accéder à cette demande aiguiserait l’appétit d’autres secteurs, effet domino à la clef.