En attendant le rapport Bailly, les défenseurs du repos dominical ne désarment pas

AFP – Charlotte HILL – 19/11/13

PARIS, 19 nov 2013 (AFP) – « Touche pas à mon dimanche! »: les défenseurs du repos dominical ne désarment pas alors que le rapport Bailly, consacré à cet épineux dossier est attendu sous peu, et qu’une nouvelle audience se tient vendredi concernant les enseignes de bricolage.

La question de l’ouverture des commerces le dimanche est avant tout un « choix de civilisation », a souligné Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC, lors d’un meeting organisé lundi soir par son syndicat avec le « Collectif des amis du dimanche », engagé sur cette thématique depuis 2006.

« La force symbolique du dimanche c’est de dire que l’homme est supérieur à l’économie, (…) que le travailleur à un moment donné est supérieur à la machine: la machine s’arrête parce que l’homme a besoin de faire autre chose », a lancé le représentant du syndicat chrétien.

La polémique sur le repos dominical, institué en 1906 dans l’Hexagone, mais qui fait l’objet de très nombreuses dérogations, est revenue sur le devant de la scène fin septembre lorsque les enseignes de bricolage Leroy Merlin et Castorama ont bravé une interdiction de justice, suite à une action judiciaire de leur concurrent Bricorama. Vendredi, le tribunal de commerce de Bobigny examinera au fond le dossier qui les oppose.

Mais la question divise à tous les niveaux, les partisans d’une ouverture accrue des magasins invoquant l’argument économique ou celui de l’emploi, tandis que les syndicats qui défendent le principe se heurtent à certains salariés réclamant de pouvoir travailler ce jour là.

En Irlande le dimanche, ‘on fait les magasins’

Reconnaissant un « énorme désordre », le gouvernement a confié une mission à l’ex-président de La Poste Jean-Paul Bailly. Il doit faire des propositions d’ici la fin du mois, la date précise de remise de son rapport restant à ce stade inconnue.

Mais le président du « Collectif des amis du dimanche », Jean Dionnot, auditionné dans le cadre de ce rapport, dit déjà craindre « une mission a minima » visant à essayer de stopper les contentieux, et craint que ce ne soit « encore pire après » si de nouveaux assouplissements sont instaurés.

A ses côtés, Maître Vincent Lecourt, avocat de l’intersyndicale du commerce parisien Clic-P, à l’origine de nombreuses actions judiciaires sur ce sujet, a expliqué que les dispositions visant à assouplir la législation s’étaient jusqu’ici avérées être de « fausses bonnes idées ». Il a notamment cité la « loi Mallié » de 2009 qui, en créant des zones touristiques et des « périmètres d’usage de consommation exceptionnel » (PUCE), a poussé l’Etat à « encourager et récompenser l’illégalité ». Il a aussi cité un amendement accordant une dérogation au secteur de l’ameublement après la jardinerie, qui a ouvert la voie aux demandes actuelles du bricolage.

Pour Etienne Neuville, patron de PME, l’argument économique et celui des créations d’emploi, invoqués par les partisans de l’ouverture dominicale, ne tient pas. Il se réfère notamment à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) pour dire que l’impact serait « au mieux un effet nul » et au pire des destructions d’emplois, les grandes enseignes, risquant alors de « cannibaliser les petites ».

Quant aux salariés qui « manifestent sous les banderoles de leurs enseignes », M. Thouvenel, estime qu’ils sont « très bien cornaqués » par leurs employeurs et devraient être indemnisés par ceux-ci lorsque la justice constate une ouverture illégale.

Invité à témoigner, Ciaran Mac Guill, salarié irlandais, a raconté de son côté que son pays avait supprimé le repos dominical en 1996. Appelant la France à ne pas « tomber dans le même piège » en écoutant les « faux arguments et fausses bonnes idées », il a souligné que depuis cette date, « aucun nouveau contrat de travail ne permet la liberté de ne pas travailler le dimanche » et que les primes de travail dominical ont été jugées « inconstitutionnelles ».

« Il y a 17 ans, un dimanche en Irlande était semblable à un dimanche en France, on allait jouer au foot, etc. Aujourd’hui, le sport national, c’est de faire les magasins » et d’emmener les enfants dans les centres commerciaux, a-t-il déploré, relevant également que ce sont surtout « les gens en détresse, les gens qui n’ont pas trop le choix », qui travaillent ce jour là.

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