Le sujet du travail dominical est revenu à l’ordre du jour au travers de débats passionnés, après la décision de justice obligeant deux grandes enseignes de bricolage à fermer leurs points de ventes franciliens le dimanche. Rappel de la réglementation en vigueur et revue des dernières modifications apportées.
. Principes. Le Code du travail énonce trois principes : il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié ; le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives ; il doit être donné le dimanche. Mais à côté de ces principes sont énoncées nombre d’exceptions.
. Dérogations permanentes de plein droit. Certaines entreprises sont autorisées, de manière permanente, à organiser le travail le dimanche. Parmi ces professions :
- les entreprises industrielles utilisant ou fabriquant des produits susceptibles de s’altérer et de dépérir rapidement ;
- les établissements fabriquant des produits alimentaires à consommation immédiate ;
- les hôtels et restaurants ;
- les débits de boissons et les tabacs ;
- les magasins de fleurs naturelles ;
- les hôpitaux, hospices, asiles, maisons de retraite ;
- les pharmacies ; - les entreprises de spectacles, musées, expositions ainsi que les entreprises de transport.
. Dérogations sur autorisation. Dans certaines communes touristiques et thermales ainsi que dans les zones touristiques à forte affluence, les établissements fournissant « des biens et des services destinés à faciliter l’accueil ou les activités de détente et de loisirs du public » peuvent, pendant les saisons touristiques et après autorisation du préfet, ouvrir le dimanche. Sont également concernés :
– les établissements dans lesquels le repos simultané du personnel le dimanche peut être préjudiciable au public (exemple : impossibilité de s’approvisionner un autre jour de la semaine) ou au bon fonctionnement de l’entreprise (perte de chiffre d’affaires, sans possibilité de compensation par d’autres jours ou horaires d’ouvertures), après autorisation du préfet ;
- les entreprises industrielles qui fonctionnent avec des équipes de suppléance, couvertes par un accord collectif étendu prévoyant le travail du dimanche.
Dans ce cas, la rémunération des salariés concernés est majorée de 50 %.
. Dérogations dans le commerce de détail.Les commerces de détail non alimentaires, habituellement fermés le dimanche, peuvent travailler jusqu’à cinq dimanches par an sur autorisation du maire (ou du préfet à Paris). Les salariés concernés bénéficient d’une majoration de salaire égale à 1/30ème de la rémunération habituelle. Un repos compensateur doit en outre être accordé dans la quinzaine qui précède ou qui suit le dimanche travaillé. Dans tous les cas de figure, le salarié travaillant le dimanche doit bénéficier d’un temps de repos hebdomadaire.
Les dernières modifications
La loi donne aussi la possibilité d’ouvrir les magasins le dimanche dans deux types de zones : les zones « touristiques et thermales », dans lesquelles le travail du dimanche est de droit, sans doublement du salaire, ni repos compensateur, et les « périmètres d’usage de consommation exceptionnel »(PUCE). Les PUCE, sont situés dans les « unités urbaines de plus d’un million d’habitants » (Paris, Aix-Marseille, et Lille, du fait de son activité transfrontalière) faisant un « usage de consommation exceptionnel », le dimanche. Dans ces zones, le travail du dimanche se fait sur la base du volontariat et des contreparties sont prévues pour les salariés (repos compensateur et doublement du salaire). Pour un chômeur, le refus de travailler le dimanche ne peut être un motif de radiation de la liste des demandeurs d’emplois. L’engagement de l’employé à travailler ce jour-là est réversible : il peut changer d’avis, tous les ans, à la date anniversaire de son engagement, mais doit respecter un préavis de trois mois. Un employeur ne peut justifier un refus d’embauche par le refus du salarié de travailler le dimanche. Ce refus ne peut pas non plus constituer un motif de licenciement. On notera également que la loi Chatel du 3 janvier 2008 maintient l’autorisation d’ouvrir jusqu’à 13 h pour les commerces de détail alimentaire et que l’amendement dit « ConfoKea » a rendu possible l’ouverture des magasins de meubles le dimanche. Dès lors que se multiplient les exceptions, on peut s’interroger sur la portée du principe énoncé. Reste à attendre le prochain rapport, que doit remettre, fin novembre, l’ancien patron de la Poste, Jean-Paul Bailly, afin de connaître la politique qu’entendent mener les pouvoirs publics en la matière.
Des débats et rapports récurrents . Le dimanche : prier ou consommer ? La loi réglementant le repos hebdomadaire, a été votée en pleine querelle entre l’Eglise et l’Etat, il y a a plus de cent ans (13 juillet 1906). Mal acceptée par le petit commerce, des dérogations furent alors accordées dès l’automne 1906. Sans remonter trop loin dans le passé, de nombreux débats ont agité cette question. . 1973 : Jean Royer repousse des propositions favorables à un texte plus strict et un groupe de travail est constitué en vue de mettre en place une « réglementation claire et souple », qui permette d’éviter l’anarchie et de parvenir à un certain équilibre ! . 1979 : une extension du droit d’ouverture des magasins est envisagée par Jacques Barrot, alors ministre du Commerce et de l’artisanat. . 1983 : une étude sur une réglementation plus rigoureuse est réalisée par le ministre, Michel Crépeau. . 1986 : le nouveau ministre du Commerce, François Doubin, confie une mission de réflexion à Yves Chagneau, président de la section travail du Conseil économique et social (CES). Ce dernier rend un avis particulièrement nuancé estimant que le principe de l’interdiction du travail dominical doit demeurer dans le Code du travail. Dans le même temps, certaines sociétés bien connues défraient la chronique, en bravant l’interdiction par des opérations médiatiques (Ikéa en 1989, Virgin en 1993). A chaque fois que se pose un problème, on se contente de nommer un rapporteur, oubliant ce que le précédent avait dit ! Dans sa note de 2007, le CES prône de ne pas « banaliser cette journée- point d’ancrage stable pour la vie familiale et le lien social- en généralisant l’ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical ». Mais estime souhaitable de procéder à des aménagements, « en vue de simplifier et clarifier les règles». Fort des recommandations formulées, deux lois suivent : la loi « Chatel » du 3 janvier 2008 (n° 2008-3), puis la loi Mallié du 10 août 2009 ( n°2009-974). |