La question du travail le dimanche divise toujours les commerçants à Ajaccio

Corse Matin,
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Concurrence, droit des salariés et préservation de la vie sociale et familiale : autant d’enjeux, parmi d’autres, au cœur de la controverse liée à l’ouverture des magasins le dimanche.Michel Luccioni

La récente fronde des enseignes de bricolage en Ile-de-France a remis l’épineux dossier du droit au repos dominical au cœur de l’actualité sociale. Un débat complexe ici aussi, où la loi Mallié pourrait s’appliquer

Concurrence déloyale des grands magasins face aux petits. Droit du travail contre « liberté de travailler ». Ces enjeux animent de longue date le débat souvent passionné sur la question du travail dominical. Un épineux dossier récemment replacé au cœur de l’actualité sociale, avec la rébellion de plusieurs enseignes de bricolage en Ile-de-France.

Enjoints par le tribunal de commerce de Bobigny à fermer quinze de leurs magasins le dimanche, Castorama et Leroy Merlin sont en effet restés malgré tout ouverts hier et le 29 septembre dernier, avec le soutien de plusieurs salariés.

Une fronde qui a, dans la foulée, déclenché une réunion interministérielle convoquée par le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, à Matignon, de manière à « faire évoluer les choses »,selon Marisol Touraine.« À l’évidence, lestatu quon’est pas tenable. Il y a des salariés qui ont envie de travailler le dimanche, des gens qui ont envie de faire leurs courses le dimanche », a ajouté la ministre des Affaires sociales.

Commune touristique et loi Mallié

La réglementation du travail le dimanche pourrait-elle, à l’avenir, faire l’objet d’une réforme ?

Si une chose suscite en tous les cas le consensus, c’est bien la complexité du système actuel. Un véritable« millefeuille réglementaire qu’il faut absolument clarifier», pour la ministre du Commerce, Sylvia Pinel. Un système où coexistent en effet de multiples dérogations au repos dominical (lire par ailleurs).

Parmi elles, la dérogation pour les « communes et zones d’intérêt touristique ou thermales » créée par la loi Mallié de 2009. Un texte qui réaffirme « le principe du repos dominical », tout en autorisant les établissements de vente au détail situés sur ces territoires à ouvrir le dimanche à titre permanent. Non automatique, cette adaptation de la règle doit toutefois faire l’objet d’une demande du conseil municipal auprès du préfet.

Une possibilité offerte à la ville depuis son classement en commune touristique, en 2011. La municipalité envisage-t-elle, pour autant, de solliciter l’application de cette loi ? Rien n’est moins sûr, tant la question suscite toujours la controverse.

« Je ne prévois pas d’affirmer une position si aucune demande n’est formulée à ce sujet de la part des principaux intéressés », explique en ce sens le maire Simon Renucci, pour lequel « la défense du commerce de proximité reste une priorité »« S’il y a une attente au niveau de la réglementation de l’ouverture dominicale, je ne prendrais de toute façon aucune décision sans avoir consulté au préalable les syndicats professionnels, de salariés et les associations de commerçants », précise-t-il.

La « libre entreprise » en débat

Du côté des commerçants, justement, l’heure ne semble pas véritablement à la mobilisation générale. Habituellement facteur de division entre les petites et les grandes enseignes, la problématique demeure« très sensible ». Et rend de toute évidence difficile, pour beaucoup d’entre eux, l’adoption d’une position tranchée et définitive.

« En tant que commerçant, je suis pour la liberté et je trouve aussi que les situations doivent s’analyser au cas par cas, estime notamment Jean-Claude Meyer. Il faut prendre le travail là où il est et quand des bateaux de croisière sont là, il est par exemple bon que ceux qui le souhaitent puissent ouvrir le dimanche. »

Un discours que celui qui préside également la commission commerce de la chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio et de la Corse-du-Sud ne tient néanmoins pas en tant qu’élu. « Le problème de l’application de la loi Mallié ne s’est pas encore posé de manière urgente à la CCI, mais j’envisage d’aborder cette question lors de la prochaine réunion de ma commission, le 9 octobre prochain », ajoute le commerçant.

La question se pose en effet pour certains secteurs d’activité bien spécifiques comme le bricolage et l’habillement, entre autres. « Le débat mérite d’être ouvert avec tous les acteurs concernés, estime pour sa part Rita Beveraggi, présidente de l’association des commerçants de la rue Fesch et responsable d’une boutique de vêtements. Les salariés doivent être protégés, mais la libre entreprise ne devrait pas subir d’interdiction non plus. Cela étant dit, les petits commerçants n’ont pas vraiment les moyens de lutter contre la concurrence des grandes enseignes, nos structures de proximité étant souvent trop restreintes pour pouvoir ouvrir systématiquement le dimanche. D’autant que cela n’entraînerait pas forcément une hausse du chiffre d’affaires, car les dépenses des clients ne sont pas illimitées. »

La volonté, aussi, de préserver une vie familiale et sociale en fin de semaine, quand le turnover des salariés est plus difficile à mettre en place que dans les grandes enseignes. Là où l’on aimerait souvent, au contraire, pouvoir ouvrir le dimanche sans se poser de questions…

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