Il y a de temps à autres des petits champions de la désinformation. Sur ce point, l’article ci-dessous est un petit chef d’oeuvre représentatif de l’exercice. Qu’il soit paru sur un site des Echos est regrettable, et illustre la limite des publications de collaborateurs incompétents. Il est construit sur trois idées, toutes fausses :
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LE CERCLE. S’il y a bien un serpent de mer dont la France n’arrive pas à se défaire, c’est bien la question de l’ouverture des commerces le dimanche. Les premiers concernés (salariés, consommateurs, touristes et entrepreneurs) la réclament et chacun s’accorde pour dire qu’elle est une des réponses à la crise de l’emploi.
Une croissance en berne : de la nécessité de réformer
La croissance du PIB sur l’année 2012 aura finalement été nulle, mais cela n’a pas surpris grand monde. Alors que la courbe du chômage s’élève inexorablement, que les usines continuent de fermer, que la perspective d’un soutien communautaire à la croissance s’éloigne, la France s’installe chaque jour davantage dans le déclin. « Croissance nulle », « stagflation », « déclassement », nos responsables politiques n’ont pas fini de se faire des cheveux blancs dans cette année qui commence.
L’idée d’un sursaut salutaire pour en finir avec les rigidités qui grèvent notre modèle économique fait son chemin. Dans le panel des outils à disposition de nos gouvernants pour renouer avec la croissance, il est un chantier qui mérite d’être achevé : celui de l’ouverture des commerces le dimanche. En débat depuis de longues années, mais sans que de véritables solutions aient été trouvées, il présente l’avantage de concilier bénéfices économiques et revendications sociétales.
Les pays les plus en crise de la zone euro ont montré la voie en libéralisant la législation portant sur le travail dominical, et en laissant le choix aux entrepreneurs et commerçants d’ouvrir ou non ce jour-là. C’est ainsi que Madrid a pu s’imposer comme une destination privilégiée du « tourisme-shopping » du dimanche, au grand dam de Paris. Car si la France reste la première destination touristique du monde avec 80 millions de visiteurs annuels, elle n’est que la troisième en termes de recettes, derrière les États-Unis et l’Espagne justement. Mettre cela uniquement sur le compte de l’ouverture dominicale est sans doute excessif, mais il ne fait pas de doute que le phénomène y participe. Une certaine clientèle de touristes fortunés commence à délaisser Paris pour d’autres capitales, Londres ou Madrid, accessibles en peu de temps, et plus accueillantes que nous ne le sommes. À l’heure des week-ends et des séjours courts, quel intérêt y a-t-il à séjourner dans une ville quand les rideaux de ses boutiques sont baissés ?
Accompagner les mutations sociales du XXIe siècle
Les réticences françaises à l’ouverture dominicale sont anciennes et c’est bien là leur principal défaut. L’organisation sociale a considérablement évolué ces dernières années. La famille du 19 ou du 20e siècle où les femmes faisaient les courses la semaine n’est plus la norme dominante. Aujourd’hui, heureusement les femmes travaillent pour beaucoup d’entre elles. L’explosion des divorces fait que de nombreuses familles sont monoparentales. Par ailleurs, les exigences de la vie professionnelle sont plus importantes avec notamment des temps de transport allongés pour se rendre à son travail. Bref, fa
ire ses courses en semaine ou même le samedi est difficile. Ces mutations sociales ne sont pas à prendre à la légère. Alors faut-il pour autant imposer le travail du dimanche dans les commerces ? Certainement pas et ce n’est pas notre propos.
Des salariés favorables à l’ouverture dominicale
Pour le salarié, l’intérêt du travail dominical à la condition qu’il soit fondé sur le volontariat est de gagner en liberté dans l’organisation de son temps de travail. Il est aussi financier dans la mesure où le salaire horaire est majoré les dimanches. Dans le cas particulier, mais fréquent des salariés étudiants, le travail dominical peut aussi constituer la seule opportunité d’emploi rémunéré, pour financer une vie étudiante dont le coût ne cesse d’augmenter, loyers en tête. Enfin pour le consommateur, en particulier lorsqu’il habite une grande agglomération, l’ouverture des commerces le dimanche permet de lisser les activités extraprofessionnelles sur d’autres créneaux que les samedis, ou les soirées, déjà surchargées.
La mission principale des syndicats étant la défense des intérêts des salariés, il ne fait pas de doute qu’ils y perçoivent aussi en filigrane les prémisses d’une réforme gagnant-gagnant si elle est bien négociée. Pourquoi les syndicats ne pourraient-ils pas anticiper le mouvement en obtenant des avantages pour les salariés qu’ils défendent ?
Si débat il doit y avoir, il ne doit pas porter sur le principe du travail dominical déjà largement accepté et pratiqué dans les faits dans des pans entiers de l’économie (usines devant tourner 24 h/24, services publics, restaurants, parc de loisirs, musées, etc.), mais sur l’encadrement de son exercice. En dépassant les postures idéologiques, il est possible de concilier assouplissement de la législation du travail, hausses des rémunérations et pérennisation de l’emploi, au bénéfice de tous. Reste à espérer que nous ne raterons pas cette étape nécessaire pour faire entrer notre pays dans le monde économique moderne.