LA NAISSANCE MOUVEMENTÉE DU DROIT AU REPOS DOMINICAL

Une étude de Patrick Barrau

Les articles L. 221-2 à L. 221-4 du Code du Travail posent les trois principes essentiels du repos
hebdomadaire des salariés dans notre droit du Travail :

« Il est interdit d’occuper plus de six jours  par semaine un même salarié.
Le repos hebdomadaire doit avoir une durée minimale de vingt quatre heures consécutives.
Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche.

Ces trois articles procèdent de la loi du 13 juillet 1906 parvenue presque inchangée jusqu’à nous et que
les tentatives de banaliser le travail du dimanche en s’appuyant sur le droit communautaire ont remis
au centre des débats sur l’adaptation du droit du travail aux évolutions sociales et économiques.
L’histoire du droit du repos hebdomadaire dominical démontre combien cet acquis social n’a été
obtenu qu’avec difficulté et au terme d’une histoire mouvementée.

Le repos dominical, de l’Ancien régime à la Restauration

Sous l’ancien régime, pour des raisons religieuses, le travail était interdit le dimanche sous peine de
sanctions corporelles (1). Le régime des sanctions s’allégera au cours des siècles, mais le principe de
l’interdiction sera maintenu et réaffirmé par diverses ordonnances et édits royaux, dont l’édit de Nantes.
L’interdiction étant progressivement centrée sur les activités visibles ou audibles du public, plusieurs
règlements de police dont le dernier date du 8 novembre 1782, imposent à tous, employeurs et salariés
compris, l’observance des fêtes de l’église.

La révolution française allait, au nom de la liberté et de la laïcité, mettre fin à cet ancien principe. Le
décret du 4 Frimaire an II allait remplacer le calendrier grégorien par le calendrier républicain organisé
sur le système décimal ; les mois sont tous d’égale durée, divisés en trois décades de dix jours : le
décadi remplace donc le dimanche. Le même texte, dans son article 9, dispose que les établissements
travaillant « au compte de la république » pourront suspendre les travaux le décadi et que tout ouvrier
qui y cesserait le travail le dimanche, devra être congédié. Le repos décadaire, bien que facultatif tend
donc à remplacer le repos dominical. Par la loi du 17 Thermidor an VI, le Corps législatif ira plus loin
en disposant que les décades seront jours de fête et que ces jours-là « les boutiques, magasins et ateliers
seront fermés ». Cela ne fait que trente six jours de repos sur l’année et les ouvriers sont mécontents ;
on trouve encore la trace de cette déception dans une déclaration de 1849 du Saint-Simonien Pierre
Leroux citée au Sénat en 1880 par un partisan, royaliste, du maintien de la loi de 1814 sur le repos
dominical : « Les ouvriers travaillaient six jours et vivaient le septième sans travailler. La Révolution
est venue et l’ouvrier a été obligé de travailler les sept jours de la semaine pour vivre »(2). Le
rapporteur du projet d’abrogation de la loi de 1814 au Sénat, M. Casimir Fournier, considérait quant à
lui le repos du décadi comme « une exception fâcheuse… qui ne devait pas plus être imposée que le
repos du dimanche » (3)

Le principe du repos décadaire fut remis en cause par l’arrêté du 7 Thermidor an VIII qui limite
l’obligation du repos « aux fonctionnaires publics et agents salariés du gouvernement ». Le même texte,
dans son article 3, dispose que « les simples citoyens ont le droit de pourvoir à leurs besoins et de
vaquer à leurs affaires en prenant du repos suivant leur volonté, la nature et l’objet de leur travail ».
Apparaissent dans ce texte deux idées qui ont traversé les débats parlementaires portant sur le principe
du repos hebdomadaire : Depuis l’instauration de la liberté du commerce et de l’industrie, l’Etat ne doit
plus intervenir dans l’organisation du travail et depuis l’émancipation révolutionnaire des citoyens,
l’ouvrier n’a plus à être protégé par la loi (4).

Le repos des fonctionnaires fut confirmé par la loi organique du 18 Germinal an X qui, en le fixant au
dimanche dans son article 57, confirme l’abandon du système décadaire et le retour au repos
dominical. Portalis tentera de généraliser à tous les salariés l’arrêt du travail le dimanche, mais il se
heurtera au refus de l’empereur (5). La Restauration rétablit par la loi du 18 novembre 1814
l’obligation du repos du dimanche et des jours fériés en la limitant aux activités extérieures et au travail
visible et audible des artisans et des commerçants. Durant les premières années de la Restauration,
l’observation du texte semble avoir été rigoureusement imposée par les Préfets qui interdisaient toute
manifestation extérieure d’activité le dimanche.

1830-1880 : de l’abrogation de facto à l’abrogation de jure

Avec la révolution de 1830 et la fin du catholicisme comme religion d’Etat, la loi de 1814 a paru, à de
nombreux commentateurs, avoir été abrogée de facto en raison même de sa référence au catholicisme.
La cour de cassation, lorsqu’elle était saisie, rappelait toujours la validité du texte sans évoquer ses
références confessionnelles. Toutefois les poursuites deviennent rares et le gouvernement semblait se
limiter à un rôle d’exemplarité en imposant dans diverses circulaires la fermeture dominicale
d’entreprises dépendant de lui ou financées par des fonds publics. A la suite du rapport Villermé, la loi
intervint pour protéger les salariés les plus vulnérables des conséquences, dénoncées par le texte, de la
révolution industrielle. La loi du 22 mars 1841, réglementant le travail des enfants, interdit dans son
article 4 le travail des enfants de moins de seize ans « les dimanches et jours de fête reconnus par la
loi ». Un projet de loi, non discuté, de Montalembert en 1850 qui exigeait « l’interruption des travaux
entrepris par l’autorité publique et payés par les  fonds de l’Etat, comme un gage extérieur de la
vénération du pouvoir pour la religion de tous les français » confirmait paradoxalement l’abandon de
fait de la loi de 1814.

Au début du second empire, « Le Moniteur » rappela à plusieurs reprises (6) que le gouvernement se
bornait à donner l’exemple du repos dominical, mais qu’il ne voulait pas intervenir par la contrainte ou
l’intimidation dans une question qui relève de la liberté de conscience individuelle. Ce qui n’empêchait
pas, par ailleurs, le gouvernement de faire exécuter les condamnations judiciaires rendues
ponctuellement pour des infractions à la loi de 1814.

La situation du repos obligatoire du dimanche était, on le voit, complexe : l’arrêt des activités était
imposé par un texte dont le gouvernement ne voulait pas rendre l’application générale obligatoire mais
qu’il faisait observer par ceux qui dépendaient de  lui ; dans le même temps la répression des
infractions à la loi de 1814 subsistait de manière isolée et irrégulière mais constante ; la loi de 1841,
enfin, en imposant le repos dominical pour les enfants affaiblissait encore le caractère général du texte
de 1814. Sollicité en 1866 d’abroger le texte, le gouvernement refusait de trancher en déclarant « qu’il
ne trouvait pas utile… de renouveler des débats qui, dans les conditions de liberté où tous les citoyens
vivent aujourd’hui sont parfaitement inutiles » (7).

Après la chute du second empire, l’ambiguïté de cette situation juridique se poursuivit avec des traces
de sanctions pénales jusqu’en 1877 (8) et l’échec, en 1873, d’une proposition de loi visant à renforcer le
principe du repos dominical
. Toutefois dès la victoire électorale des républicains le mouvement en
faveur de l’abrogation de la loi de 1814 se fit plus fort et la Chambre des députés adopta dans sa séance
du 1er décembre 1879 une proposition de loi de M. Maigere, député radical intransigeant, abrogeant le texte. Le texte fut ensuite présenté au Sénat le 6 mars 1880. L’argumentaire du rapporteur, Casimir
Fournier, était révélateur de la pensée à la fois libérale et anticléricale de la nouvelle majorité : après
avoir reproché au texte d’imposer le repos à titre  d’hommage à un culte particulier », il déclare
approuver le principe du repos hebdomadaire car « le travail de l’homme qui a joui d’un repos salutaire
gagne en intensité ce qui lui a été enlevé sous le rapport de la durée ». Cependant pour le rapporteur « la
question qui se pose est simple : savoir s’il y a lieu d’imposer le repos par voie législative » ou s’il
convient, dans l’esprit de l’arrêté du 7 Thermidor  an VIII, de laisser les salariés et les employeurs
déterminer librement le principe et le mode de ce repos. Il conclut en proposant au Sénat d’abroger la
loi de 1814 et toutes les lois et ordonnances antérieures dans cette matière, à l’exception des vacances
des administrations et de la loi sur le travail des enfants.

L’opposition à l’abrogation fut le fait des sénateurs royalistes qui défendirent le texte au nom du
nécessaire interventionnisme de l’Etat en faveur des plus faibles. Ainsi, invoquant Lincoln, Robert
Peel, Proudhon et Pierre Leroux, le sénateur du Morbihan « légitimiste et catholique (9) » Fresneau
dénonce un projet dont « le patron seul aura su faire un déplorable bénéfice. Le faible, le pauvre qui a
besoin de protection, voilà la victime de la disparition des temps de repos, de ce repos sacré qu’on
supprime tout en se jouant (10) ». De même Pierre Chesnelong, autre sénateur royaliste (11) critique la
prétendue liberté de l’ouvrier évoquée dans l’arrêté du 7 thermidor : « Vous me répondez « l’ouvrier est
son maître ! » Il est le maître de condamner sa famille à la souffrance par la privation du travail, il est le
maître d’accepter le sacrifice et la souffrance pour sauver sa liberté… Est-ce donc que la liberté n’est
qu’une fausse enseigne et que la loi n’est pas faite pour protéger les faibles lorsque leurs droits peuvent
être opprimés par la force ? (12) ».

L’abrogation de la loi de 1814 fut finalement votée en première lecture par 165 voix contre 106 le 8
mai 1880. Parmi les sénateurs farouches à l’abrogation on retrouve les grandes figures de la nouvelle
république : Victor Hugo, Arago, Jules Simon, Schoelcher, Schoerer-Kestner… Après un vote en
seconde lecture le 28 mai, avec pour seule modification, le maintien en application de l’article 57 de la
loi du 18 germinal an X sur le repos des fonctionnaires, le texte retournera à la chambre des députés
pour y être voté définitivement le 12 juin 1880.

1880-1902 : Le repos hebdomadaire en question

Dans la pratique, malgré l’abrogation de la loi de 1814, la situation des entreprises était très diverse :
Des employeurs de plus en plus nombreux accordaient un jour de repos hebdomadaire à leurs salariés
et souhaitaient, afin de limiter les problèmes liés à l’inégalité entre entreprises, que la loi rende un jour
de repos obligatoire pour tous. Cette situation, ne se retrouvait pas dans les ateliers urbains, le petit
commerce et les bureaux où le repos hebdomadaire était très rarement pratiqué (13).

De nombreux courants de pensée souhaitaient également que l’Etat intervienne dans ce domaine :
union sacrée où l’on retrouvait des libéraux comme Léon Say et des catholiques souvent disciples de
Le Play. En 1889 se tint à Paris, sous la présidence de Léon Say, un « congrès international du repos
hebdomadaire ». La France, comme le rappellent de nombreuses voix, y compris lors du débat
parlementaire de 1906, est en retard sur les autres pays comme le Royaume-Uni, l’Allemagne, les
Etats-Unis, la Suisse, l’Autriche et même le Japon qui accordent le repos hebdomadaire à leurs salariés.
Une première tentative de généraliser le repos hebdomadaire échoue en 1892 et ne débouche que sur la
loi du 2 novembre qui, dans son article 5, ne s’appliquait qu’aux femmes et aux jeunes de moins de dix
huit ans.

En 1895, les Chambres accordèrent aux ouvriers travaillant sur le chantier de l’exposition universelle
le droit au repos hebdomadaire, mais en se refusant à déterminer un jour fixe pour celui-ci, ce qui
rendit le texte peu appliqué. Enfin le 3 juin 1901, le Conseil supérieur du Travail, structure tripartite
présidée par le ministre du commerce, vota à l’unanimité, le vœu que « le repos hebdomadaire soit
garanti par la loi aux travailleurs des deux sexes…

Quatre ans de débat parlementaire

Le 27 mars 1902, à la veille des élections législatives et dans une période économiquement et
socialement difficile (14), la Chambre des députés commença à délibérer sur une proposition de loi
d’Alexandre Zevaes, député socialiste indépendant de l’Isère, dont la rédaction primitive était :
« Article 1 : Dans les services de l’Etat des départements et de la commune, dans les services,
monopoles, régies concessions qui en dépendent, tout ouvrier ou employé a le droit à un jour complet
de repos par semaine. Ce droit ne peut être aliéné par convention. Le repos est obligatoire. 
Article 2 : Les ouvriers et employés ne peuvent être occupés plus de six jours par semaine dans les
établissements privés : usines, même à feu continu., mines minières, carrières, chantiers, ateliers et
leurs dépendances ni dans les maisons de commerce, vendant en gros, demi gros et détail « .
Ce premier projet, s’il affirme en des termes différents pour les salariés du secteur public et pour ceux
des entreprises privées (l5) le droit au repos hebdomadaire, n’évoquait pas son caractère dominical ni
ne fixait de jour commun pour la prise de ce repos. Par ailleurs, malgré le souci de précision de son
champ d’application, motivé par la position très restrictive de la jurisprudence sur cette question, le
texte laissait à l’écart de nombreuses catégories professionnelles. Lors de la présentation du projet, le
rapporteur Georges Berry (16), justifia la nécessité du texte à la fois par « l’intérêt national » qui
impose d’être économe « des forces vives et des .énergies ouvrières du, pays » et par la nécessité d’une
« sorte de minimum au dessous duquel le souci des intérêts primordiaux interdit de laisser descendre les
conditions de travail des majeurs comme des mineurs »(17). Il considère que l’intervention de la loi est
nécessaire en raison de l’échec des initiatives privées sur cette question.

Le débat porta d’abord sur la fixation du jour de repos obligatoire. M. Fournier, député socialiste du
Gard, après avoir insisté sur la nécessité d’un jour de repos commun à tous les salariés « pour réunir les
membres de la famille » et, bien que « philosophiquement » hostile à ce que ce repos soit donné le
dimanche, se rallia aux « désirs manifestés dans les réunions d’ouvriers et les congrès d’employés qui
se sont déclarés partisans du repos le dimanche » (18). Telle n’était pas la position de la commission
qui présenta à l’assemblée un article laissant aux maires, après avis des chambres syndicales patronales
et ouvrières, la responsabilité de la fixation du jour de repos dans la commune et de la détermination
des exceptions au principe de ce repos justifiées par « les nécessités du commerce local ». Proposition
qui, pour A. Millerand, ministre du commerce et de  l’industrie, présent à la Chambre, tendait à
organiser « 36  000 législations d
u travail » (19)

Le second débat porta sur le champ d’application du texte. La commission accepta les propositions du
ministre visant à unir les deux premiers articles dans un article remanié comme suit :

Article 1 : Les ouvriers et employés de. l’un ou de l’autre sexe ne peuvent être occupés plus de six jours
complets par semaine dans les manufactures, fabriques, usines, chantiers ateliers, magasins.,
boutiques, bureaux, usines, minières et carrières entreprises de chargement et de déchargement,
entreprises de transport par terre et par eau et leurs dépendances de quelque nature que ce soit,
publics et privés, laïques et religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère
d’enseignement professionnel et de. bienfaisance. »

Malgré l’extension ainsi réalisée du champ d’application, certaines catégories restaient à l’écart du texte
et l’élargissement du droit au repos fut demandé en ce qui les concerne. L’assemblée le refusa pour les
« travailleurs des champs » et l’accepta pour les « agents et sous-agents des postes ». Sur proposition
d’Antoine Jourde, député de la Gironde (20) , elle l’étendit ainsi aux salariés « des ateliers » et à ceux
« des cuisines des hôtels, restaurants, pâtisseries et des autres établissements de l’industrie alimentaire,
caves, chais et entrepôts ». Le rapporteur s’opposa, sans succès, à ce que l’on inclue les métiers de la
restauration dans le texte en raison du fait que « ces travailleurs sont plutôt des domestiques que des
salariés » (21) et que, si le droit au repos leur est accordé,  » il ne sera plus possible d’avoir à Paris la
vie parisienne que vous connaissez et appréciez tous ! »(22). La proposition de loi fut adoptée à une très large majorité (23) et partit ensuite en commission sénatoriale en vue de sa  Présentation au Sénat
qui n’intervint que trois ans plus tard, le 25 mai 1905.

Le rapporteur au Sénat, Alcide Poirier (24) résuma les travaux de la commission en indiquant que si,
parmi ses membres existait un accord unanime sur la nécessité d’un « repos périodique prolongé » pour
les salariés, seule une majorité « pas très considérable » s’était prononcée en faveur de l’interdiction
légale du travail de plus de six jours, les minoritaires considérant qu’il ne revenait pas au législateur
« d’intervenir dans le contrat de travail »(25). Il termina en rappelant la position du Conseil supérieur du
Travail souhaitant que le repos soit collectif et soit fixé le dimanche. Ce double principe fut fermement
défendu par plusieurs sénateurs de la droite catholique, tout particulièrement le Comte de Las Cases,
sénateur de la Lozère et le sénateur royaliste du Morbihan, de Lamarzelle (26). S’appuyant tous deux
sur l’exemple des autres pays pratiquant le repos hebdomadaire, ils plaidèrent pour l’intervention de
l’Etat « quand l’initiative privée ou les mœurs sont impuissants à détruire les abus de la liberté »(27).  Ils
justifiaient le choix du dimanche à la fois par des raisons historiques et par le respect des habitudes
sociales (28). 

Le rapporteur, dans une approche à la fois libérale et anticatholique, s’opposa vivement, dans le débat,
tant au principe même du repos hebdomadaire obligatoire « contraire à la liberté individuelle, contraire
à la liberté du travail à la fois du patron et de l’ouvrier » (29), qu’au choix du dimanche, en invoquant le
droit des autres religions à choisir un jour différent (30). Le texte fut renvoyé en commission et revint
devant le Sénat le 3 avril 1906, en pleine crise des inventaires et dans un climat social tendu (31)
marqué par la catastrophe de Courrières et la grande campagne nationale de la CGT en faveur de la
journée de huit heures qui devait culminer le premier mai 1906 (32). Ce climat joua sans doute un rôle
important dans l’approbation d’un texte servant de contrepartie au refus des « huit heures » en vue de
rétablir la paix sociale (33). Le débat s’engagea immédiatement autour du caractère dominical du
repos. En effet le nouvel article 2 prévoyait que « le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche
ou du dimanche midi au lundi midi ». Le nouveau rapporteur, Charles Prévet (34), indiqua que la
commission s’était ralliée au choix du dimanche « non parce que ce jour plait aux catholiques et aux
protestants ou déplait aux israélites, mais parce qu’avec les mœurs actuelles, c’est le jour consacré au
repos et que le grand intérêt est de permettre à tous les membres d’une famille de se trouver réunis en
ce jour de repos » (35). Il justifie cependant la dérogation du repos du dimanche midi au lundi midi
pour des raisons pratiques liées « aux habitudes du commerce » (36) et à accroissement des accidents
du travail le lundi (37).

La dérogation, prévue par l’article 2, au caractère strictement dominical du repos hebdomadaire, fut
attaquée avec force par la droite catholique avec un argumentaire mêlant au caractère sacré du
dimanche, un populisme anti-patronal marqué. Ainsi, comme le déclarait Dominique Delahaye (38)
qui fut, tout au long des débats, le principal intervenant de l’opposition sénatoriale : « L’inobservation
du dimanche est un fruit de la tyrannie patronale… La tyrannie patronale que vous voulez sanctionner
par  la tyrannie de la loi… ce sont les hautes classes sociales, les encyclopédistes qui nous ont donné
ces habitudes… Chez nous après 19 siècles  de christianisme et cent ans de révolution je vois des
milliers hommes qui sont privés de la liberté de leur foi et de la liberté de leur travail  et de leur repos
(39). Invoquant l’exemple étranger, anglais, belge, allemand,  américain et japonais (40), il insista sur
les aspects bénéfiques tant socialement qu’économiquement du repos du dimanche et demanda la
modification de l’article ; il trouva dans cette démarche le soutien de la gauche  sénatoriale par la voix
du sénateur de la Gironde Monis  et du socialiste Siméon Flaissières (41). Finalement l’article fut
renvoyé en commission  le 5 avril et ne fut rediscuté  que le 12 juin. La nouvelle rédaction (42)
affirmait le caractère dominical du repos et renvoyait le repos du dimanche midi au lundi midi parmi
les dérogations possibles.

Le débat se centra longuement sur la question des dérogations possibles au repos dominical, voire dans
certains cas au repos hebdomadaire.  Le texte établi par la commission traite très largement dans ses
articles 2 à 9 (43) des dérogations possibles et des procédures prévues pour les obtenir. L’article 2
prévoyait, au sein même de l’article qui affirmait le caractère dominical du repos hebdomadaire des
dérogations possibles (44), « lorsqu’il est établi que le repos simultané le dimanche de tout le personnel serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’entreprise ». Le projet
de la commission sénatoriale prévoyait que, pour bénéficier de ces possibilités de dérogation, la
demande d’autorisation devait être « adressée au Préfet qui transmettra d’urgence à la Chambre de
commerce qui statuera, après avoir pris l’avis des syndicats ouvriers et patronaux. La décision de la
Chambre de commerce sera alors transmise au Préfet  du département qui la rendra exécutoire par
arrêtés » (45). Cette procédure rencontra la vive opposition de la gauche sénatoriale (46) et du ministre
du commerce Gaston Doumergue (47) qui contestaient la représentativité et la neutralité des Chambres
de commerce et souhaitaient que la décision fut prise par le Préfet. Pour eux le choix du Préfet
garantissait l’objectivité de la décision et clarifiait la question des voies et recours contre les décisions
prises. Le rapporteur Prévet défendait la compétence des chambres
de commerce car le problème des
dérogations lui semblait être principalement une question de concurrence, ce qui lui valut des réponses
vives à la fois du ministre (48) et de la gauche (49). La droite sénatoriale (50) préférait, quant à elle,
confier les dérogations éventuelles, qu’elle critiquait, aux chambres de commerce, principalement par
méfiance envers les préfets républicains. Après retour en commission le pouvoir de statuer sur les
dérogations fut finalement confié au Préfet qui devait préalablement s’entourer des avis « du conseil
municipal, de la chambre de commerce de la région et des syndicats patronaux et ouvriers intéressés de
la commune ». La possibilité du repos hebdomadaire par roulement était accordée, de plein droit, par le
texte à onze secteurs d’activité (51) dans lesquels la continuité de l’activité devait pouvoir être assurée.
Cette liste ne rencontra que peu d’opposition ; quelques orateurs s’inquiétèrent, cependant, de trouver
dans la liste des secteurs à dérogation, les hôpitaux et les hospices ce qui indiquait qu’ils entraient dans
le champ d’application du repos hebdomadaire qui, pour ces intervenants, « ne concerne que les
établissements industriels et commerciaux » (52).

Le projet présenté par le premier rapporteur au Sénat, Poirier, organisait, dans ses articles 4 à 10, le
contrôle de l’application de la loi en le confiant  aux services de l’inspection du travail ; le second
rapporteur, Prévet, substitua à ces articles une proposition nouvelle rendant les chambres de commerce
responsables du contrôle, supprimant la compétence  des inspecteurs du travail et prévoyant que le
ministère public, ne pourrait poursuivre les contraventions à la loi que si la partie intéressée demandait
cette poursuite par écrit en signant sa dénonciation.

Le rapporteur justifiait ce nouveau texte par son opposition au développement de « la famille naissante
des inspecteurs du travail… car ces fonctionnaires par leurs exigences tyrannisent les patrons et les
employés » (53) et il assimilait leur pouvoir de contrôle à « une violation de domicile privé » (54). Il
justifiait la compétence des chambres de commerce par le fait que les problèmes posés par
l’application de la loi étaient avant tout des problèmes d’égalité de concurrence entre entreprises.
L’inspection du travail, créée en 1892, n’avait de  compétences de contrôle précises au sein des
entreprises qu’en ce qui concernait l’application des lois du 12 juin 1893 et du 11 juillet 1903 sur
l’hygiène dans les entreprises et le travail des femmes et des enfants. De fortes résistances existaient au
parlement face à une généralisation de leur pouvoir de contrôle et à l’augmentation du nombre des
inspecteurs. La proposition du rapporteur rencontra au Sénat une très vive opposition tant à gauche
qu’à droite.

Le sénateur de la Gironde, Monis, présenta un amendement qui rétablissait le contrôle des inspecteurs
du travail, seule garantie, pour lui, de l’application effective du texte. Il s’opposa également à
l’impossibilité, prévue par le texte, de déclencher l’action publique sans une dénonciation signée par le
salarié : « Quand on fera passer des examens aux étudiants en droit on leur dira : « Dans quel cas la
poursuite ne peut-elle avoir lieu qu’avec la plainte du plaignant ? » et ils répondront « Dans le cas de
l’adultère et du repos hebdomadaire » (55). L’amendement Monis reçut le soutien du sénateur royaliste
et juriste De Lamarzelle et celui du Ministre Doumergue. Celui-ci, après avoir défendu l’inspection du
travail qui « accomplit avec loyauté, avec honnêteté sa mission… pour répondre au vœu de la majorité
du Parlement, pour faire exécuter les lois qui ont été votées par lui », continua : « sans l’intervention de
l’inspection du travail le Sénat rendrait les autres dispositions de la loi inutiles »(56).
L’amendement Monis fut finalement largement adopté par 189 voix contre 77, confirmant que treize
ans après sa création le rôle de l’inspection du travail était largement admis.

Le ministre tenta également de s’opposer à ce que le niveau maximum des amendes prévues en cas
d’inobservation du texte soit réduit, comme le demandaient certains sénateurs, de 1 000 F à 500 F.
Cette baisse, en affaiblissant le caractère dissuasif de la sanction, lui semblait remettre en question
l’application de la loi : « En Angleterre, déclarait-il, dans certaines villes comme Manchester, l’amende
n’apparaît plus comme une peine mais comme une sorte de forfait que doivent payer ceux qui veulent
avoir leur magasin ouvert le dimanche » (57). Il ne fut cependant pas suivi par le Sénat.
Le dix huitième et dernier article du projet prévoyait que « les ouvriers boulangers auraient le droit de
remplacer le repos hebdomadaire par roulement prévu à l’article 3 par treize jours de repos tous les
trois mois à prendre en une fois ou par fraction suivant accord avec les patrons ».
Cette dernière dérogation, venant après de nombreuses autres, souleva la vive opposition du ministre
soutenu par MM. Delahaye et De Cuvenille pour la droite royaliste et catholique et Monis pour la
gauche sénatoriale (58) et fut rejetée par 170 voix contre 113.

Finalement, après une deuxième lecture de l’ensemble du texte, et pas moins de dix séances de
discussion au total, le Sénat vota le projet de loi et le transmis à la chambre des députés.
Le 10 juillet 1906, après un débat rapide au cours duquel les imperfections du texte furent soulignées
et les dérogations trop nombreuses à nouveau critiquées, le texte fut voté à l’unanimité des députés
(59) et fut ratifié le 13 juillet par le Président Fallières.

On peut s’étonner de la longueur des débats et des  difficultés à mettre en place une réforme déjà
largement appliquée dans les grandes entreprises de l’époque. Cette résistance peut s’expliquer à la fois
par le poids économique et politique de la petite entreprise, clientèle traditionnelle du parti radical et
par la conjonction dans la pensée radicale de l’idéalisme et de l’anticléricalisme, spécialement sept
mois après le vote de la séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Les résistances à l’application de la loi, facilitées par les dérogations prévues se manifestèrent d’ailleurs
rapidement, ce qui conduisit finalement en décembre 1923 le ministre du travail Albert Peyronnet à
faire voter une loi (60) permettant aux préfets des départements, « sur la demande des syndicats
intéressés, d’ordonner la fermeture au public des établissements de la profession et de la région
pendant toute la durée de ce repos » faisant de la fermeture dominicale des entreprises la garantie de
l’application de principe du repos hebdomadaire.

(1) Sur la période, cf H. Cazenave : « L’application et l’extension de la loi sur le repos hebdomadaire »,
thèse, Paris, 1937.
(2) Pierre Leroux proposait de graver cette déclaration sur le Forum du Panthéon. cf. JO Senat, 8. 5.
80.
(3) J.O. Sénat du 8. 5. 80.
(4) Cf le rapport de Casimir Fournier au Sénat le 6 mars 1880 : « Dans le passé les Jours fériés ont pu
être utiles : ils soulageaient les classes ouvrières. Mais depuis l’affranchissement du travail, chacun est
maître de son temps à ses risques et périls.
(5) Cf Georges FRIEDEL : « Les Vicissitudes du principe du repos hebdomadaire ». in Droit Social, n°
12, Décembre 1967, p. 621.
(6) 9.6.52 ; 6.7.54.
(7) Le Moniteur, 14 juin 1866.
(8) Des cultivateurs ont été jugés pour n’avoir par interrompu la moisson. Cf J.O. Sénat, 18.3.80.
(9) Dictionnaire des Parlementaires français, PUF, Paris, 1960-1977, p.1741.
(10) J.O. Sénat du 8.5.1880.
(11) Sénateur des Basses Pyrénées, « l’
un des adversaires les plus déterminés du régime républicain »,
dictionnaire parl. Op. cit. p.1037. Il fut délégué par la commission des neuf de l’Assemblée auprès du
Comte de Chambord en 1873 et fut destinataire de la lettre du prétendant du 27 octobre 1873. Il
soutient en 1891 l’interdiction du travail des femmes et des enfants de moins de 18 ans le dimanche.
(12) J.O. Sénat du 8.5.80.
(13) Alexandre Zevaes rapporteur à la Chambre en 1902 de la proposition de loi sur le repos
hebdomadaire le confirmait : « Le repos hebdomadaire existe en fait dans la majorité des usines,
ateliers, mines, mais pour les employés il n’existe nulle part ».
(14) « Les vagues de grèves de l’année 1902 n’a pas son équivalent pendant la décennie précédente. »
(M. Rébérioux, La République radicale, Paris, 1975, p.60.
(15) La formule utilisée pour les salariés du privé est la même  que celle qui s’appliquait aux femmes
et aux enfants dans la loi de 1892.
(16) Député de la Seine.  « D’opinion  libérale il s’oppose tant aux nationalistes qu’à la politique de
Combes Dict Parlementaire français op, cit, p. 5 7 2-,573,
(17) J.O. Chambre du 27.3.02.
(18) idem.
(19) idem.
(20) Il s’affirmait  « républicain collectiviste » et fut boulangiste et antiparlementaire. Dict.
Parlementaire, op. cit. p. 2038.
(21) J.O. Chambre du 27.3.02. Il s’inquiéta du fait que si le repos leur était accordé, « tous les
domestiques attachés aux maisons particulières seront compris dans la loi ».
(22) idem.
(23) 389 voix pour ; 10 contre.
(24) Sénateur de la Seine, Union Républicaine, « Dirigeant de la société des matières colorantes et
produits chimiques de  Saint-Denis. Il introduisit  dans ses usines le système de la participation
ouvrière aux bénéfices et des caisses de retraite « . Dict. parlementaire op. cit p. 2719.
(25) J.O. Sénat du 25.5.05.
(26) Il était professeur à l’institut catholique de Paris et président du comité de la « Revue catholique
des institutions et du droit ». cf J.F. Sirinelli : « Histoire des droites en France », Paris, 1992, t. I, p.
274.
(27) J.O. Sénat du 25.5.05.
(28) « On ne légifère pas utilement contre les traditions séculaires et contre les mœurs d’un pays. » De
Lamazerelle. J.O., Sénat, 25.05.05.
(29) J.O. Sénat du 25.05.05.
(30) La référence aux ouvriers israélites dans son intervention provoqua des interruptions antisémites
de certains sénateurs.
(31) « Un gréviste pour 16 ouvriers d’industrie en 1906. La grève est entrée… dans l’horizon familier
des prolétaires ». M. Reberioux, op. cit. p. 88.
(32) Le repos hebdomadaire ne semble pas avoir été  une revendication centrale du mouvement
ouvrier. Ainsi dans les Bouches-du-Rhône  ne recense-t-on que 11 grèves ayant ce motif sur un totalde 413 grèves entre 1901 et 1910, soit 3,15 %. cf Encyclopédie des Bouches-du-Rhône, Paris, 1923,
tome X, p. 232.
(33) Le Sénat avait entendu le 6 mars 1906 le rapport sur la première codification du futur Code du
Travail.
(34) Gauche républicaine. Il était administrateur du Figaro et du Petit journal et Président des Forges
et atelier de Saint- Denis et de la Société de fabrication des gommes et vernis. cf
A. Robert et G. Cougny, Dict. des Parlementaires français, Paris, 1891, p. 46.
(35) J.O. Sénat du 3.04.06.
(36) idem.
(37) Le spectre du « Saint Lundi » marqué par l’alcoolisme ouvrier et ses séquelles, traversa es
interventions aussi bien des partisans que des adversaires du repos dominical.
(38) Sénateur du Maine et Loire de 1903 à 1932. Il était fabricant de toiles à voiles. « Catholique,
royaliste… il ne laissa jamais passer d’occasion de critiquer  la politique des  gouvernement de la IIIe
république ». Dict. parlementaire op. cit. p. 1292-1296. Il proposa tout au long du débat d’accorder
également le repos du samedi après -midi et d’effectuer  la paye le vendredi soir.
(39) J.O. Sénat du 3.04.06.
(40) « L’Allemagne, la Belgique et l’Angleterre observent le dimanche et leurs exportations vont
grandissant beaucoup plus vite que les exportations françaises… Les japonais, très observateurs, ne
se contentent pas de venir étudier nos armées, ils étudient aussi nos coutumes… Le Japon se repose le
dimanche et vous voudriez que la France se repose un demi dimanche et un demi lundi. » J.O., Sénat, 
3.04.06.
(41) Sénateur des Bouches du Rhône : « La journée du dimanche commence le matin, elle ne
commence pas à  midi. »   J.O. Sénat du 3.04.06.
(42) cf annexe.
(43)  idem.
(44) « a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l’établissement ; 
b) Du dimanche midi au lundi midi ;
c) le dimanche après-midi avec un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine ;
d) Par roulement à tout ou partie du personnel. »
(45) J.O. Sénat du 5. 04.06. 
(46) Tout particulièrement MM. Monis  et Flaissières.
(47) Il fut dans le gouvernement Sarrien, du 14 mars 1906 au 25 octobre 1906, le premier ministre
dont les attributions comprenaient de manière précise le Travail : « Ministre du Commerce, de
l’Industrie et du Travail. M. Fontaine, directeur du travail,  l’assista ou  le représenta au long des
débats. René Viviani fut dans le gouvernement Clemenceau qui succéda a Sarrien, le premier véritable
ministre du travail.
(48) « La loi actuelle n’est pas  faite pour favoriser le commerce… il ne s’agit pas d’une question de
concurrence mais d’une question, de repos, d’humanité de justice… ». G Doumergue. J.O., Sénat,
5.04.06.
(49) « Si vous voulez détruire le pouvoir central, il faut le dire ! » Monis, J.O. Sénat du 5.04.06. 
(50) Principalement Las Cases et Delahaye.
(51) cf Annexe article 3.
(52) J.O. Sénat du 4.04.06.
(53) J.O. Sénat du 12.06.06.  (54) idem. 
(55) idem.
(56) idem.
(57) J.0. Sénat du 3.07.06.
(58) Monis accusa le rapporteur Prévet de vouloir « le plaisir Sardanapalesque de manger tous les
matins votre pain tendre ». J.0. Sénat du 5.07.06.
(59) Huit députés ne prirent part au vote parmi lesquels Bietry, le fondateur et l’animateur du
syndicalisme « jaune ».
(60) Ratifiée  le 29 décembre 1923 par le président Millerand.. Voir annexe 2

ANNEXE 1
LOI ETABLISSANT LE REPOS HEBDOMADAIRE EN FAVEUR DES
EMPLOYES ET OUVRIERS

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Art. ler. – Il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même employé ou ouvrier dans un
établissement industriel ou commercial ou dans ses dépendances, de quelque nature qu’il soit, public
ou privé, laïque ou religieux, même s’il a un caractère d’enseignement professionnel ou de
bienfaisance.
Le repos hebdomadaire devra avoir une durée minima de vingt-quatre heures consécutives.

Art. 2 – Le repos hebdomadaire doit être donné le dimanche.
Toutefois, lorsqu’il est établi que le repos simultané, le dimanche, de tout le personnel d’un
établissement serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de cet
établissement, le repos peut être donné, soit constamment, soit à certaines époques de l’année
seulement, ou bien :
a) Un autre jour que le dimanche à tout le personnel de l’établissement ;
b) Du dimanche midi au lundi midi ;
c) Le dimanche après-midi avec -un repos compensateur d’une journée par roulement et par quinzaine
;
d) Par roulement à tout ou partie du personnel.
Des autorisations nécessaires devront être demandées et obtenues, conformément aux prescriptions des
articles 8 et 9 de la prése
nte loi.

Art. 3. – Sont admis de droit à donner le repos hebdomadaire par roulement, les établissements
appartenant aux catégories suivantes :
1° Fabrication de produits alimentaires destinés à la consommation immédiate ;
2° Hôtels, restaurants et débits de boissons ;
3° Débits de tabac et magasins de fleurs naturelles ; 
4° Hôpitaux, hospices, asiles, maisons de retraite et d’aliénés, dispensaires, maisons de santé,
pharmacies, drogueries, magasins d’appareils médicaux et chirurgicaux ;
5° Etablissements de bains ;
6° Entreprises de journaux, d’informations et de spectacles, musées et exposition ;
7° Entreprises de location de livres, de chaises, de moyens de locomotion ;
8° Entreprises d’éclairage et de distribution d’eau ou de force motrice ;
9° Entreprises de transport par terre autres que les chemins de fer, travaux de chargement et de
déchargement dans les ports, débarcadères et stations ;
10° Industries où sont mises en œuvre des matières susceptibles d’altération très rapide ;
11° Industries dans lesquelles toute interruption de travail entraînerait la perte ou la
dépréciation du produit en cours de fabrication.
Un règlement d’administration publique énumérera la nomenclature des industries comprises
dans les catégories figurant sous les numéros 10 et 11, ainsi que les autres catégories d’établissements
qui pourront bénéficier du droit de donner le repos hebdomadaire par roulement.
Un autre règlement d’administration publique déterminera également des dérogations
particulières au repos des spécialistes occupés dans les usines à feu continu, telles que hauts
fourneaux.

Art. 4. – En cas de travaux urgents, dont l’exécution immédiate est nécessaire pour organiser des
mesures de sauvetage, pour prévenir des accidents imminents ou réparer des accidents survenus au
matériel, aux installations ou aux bâtiments de l’établissement, le repos hebdomadaire pourra être
suspendu pour le personnel nécessaire à l’exécution des travaux urgents. Cette faculté de suspension
s’applique non seulement aux ouvriers de l’entreprise où les travaux urgents sont nécessaires, mais
aussi à ceux d’une autre entreprise faisant les réparations pour le compte de la première. Dans cette
second entreprise, chaque ouvrier devra jouir d’un  repos compensateur d’une durée égale au repos
supprimé.

Art. 5. – Dans tout établissement qui aura le repos hebdomadaire au même jour pour tout le personnel,
le repos hebdomadaire pourra être réduit à une demi-journée pour les personnes employées à la
conduite des générateurs et des machines motrices,  au graissage et à la visite des transmissions, au
nettoyage des locaux industriels, magasins ou bureaux, ainsi que pour les gardiens et concierges.
Dans les établissements de vente de denrées alimentaires au détail, le repos pourra être donné
le dimanche après-midi, avec un repos compensateur, par roulement et par semaine, d’une autre
après-midi pour les employés âgés de moins de vingt et un ans et logés chez leurs patrons, et, par
roulement et par quinzaine, d’une journée entière pour les autres employés.
Dans les établissements occupant moins de cinq ouvriers ou employés et admis à donner le
repos par roulement, le repos d’une journée par semaine pourra être remplacé par deux repos d’une
demi journée, représentant ensemble la durée d’une journée complète de travail.
Dans tout établissement où s’exerce un commerce de  détail et dans lequel le repos
hebdomadaire aura lieu le dimanche, ce repos pourra être supprimé lorsqu’il coïncidera avec un jour de
fête locale ou de quartier désigné par un arrêté municipal.

Art. 6 – Dans toutes les catégories d’entreprises où les intempéries déterminent des chômages, les repos
forcés viendront, au cours de chaque mois, en déduction des jours de repos hebdomadaire.
Les industries de plein air, celles qui ne travaillent qu’à certaines époques de l’année, pourront
suspendre le repos hebdomadaire quinze fois par an.
Celles qui emploient des matières périssables, celles qui ont à répondre, à certains moments, à
un surcroît extraordinaire de travail, et qui ont fixé le repos hebdomadaire au même jour pour tout le
personnel, pourront également suspendre le repos hebdomadaire quinze fois par an.
Mais pour ces deux dernière catégories d’industrie, l’employé ou l’ouvrier devra jouir au moins
de deux jours de repos par mois.

Art. 7 – Dans les établissements soumis au contrôle de l’Etat, ainsi que dans ceux où sont exécutés les
travaux pour le compte de l’Etat et dans l’intérêt  de la défense nationale, les ministres intéressés
pourront suspendre le repos hebdomadaire quinze fois par an.

Art. 8 – Lorsqu’un établissement quelconque voudra  bénéficier de l’une des exceptions prévues au
paragraphe 2 de l’article 2, il sera tenu d’adresser une demande au préfet du département.
Celui-ci devra demander d’urgence les avis du conseil municipal, de la chambre de commerce
de la région et des syndicats patronaux et ouvriers intéressés de la commune. Ces avis devront être
donnés dans le délai d’un mois.
Le préfet statuera ensuite par un arrêté motivé qu’il notifiera dans la huitaine.

L’autorisation accordée à un établissement devra être étendue aux établissements de la même
ville faisant le même genre d’affaires et s’adressant à la même clientèle.

Art. 9 – L’arrêté préfectoral pourra être déféré au conseil d’Etat, dans la quinzaine de sa notification
aux intéressés.
Le conseil d’Etat statuera dans le mois qui suivra la date du recours, qui sera suspensif.

Art. 10 – Des règlements d’administration publique organiseront le contrôle des jours de repos pour
tous les établissements, que le repos hebdomadaire soit collectif ou qu’il soit organisé par roulement.
Ils détermineront également les conditions du préavis qui devra être adressé à l’inspecteur du
travail par le chef de tout établissement qui bénéficiera des dérogations.

Art. 11 – Les inspecteurs et inspectrices du travail sont chargés, concurremment avec tous officiers de
police judiciaire, de constater les infractions à la présente loi.
Dans les établissements soumis au contrôle du ministre des travaux publics, l’exécution de la
loi est assurée par les fonctionnaires chargés de ce contrôle, placés à cet effet sous l’autorité du
ministre du commerce et de l’industrie. Les délégués mineurs signalent les infractions sur leur rapport.

Art. 12 – Les contraventions sont constatées dans des procès-verbaux qui font foi jusqu’à preuve
contraire.
Ces procès-verbaux sont dressés en double exemplaire, dont l’un est envoyé au préfet du
département et l’autre déposé au parquet.

Art. 13 – Les  chefs d’entreprises, directeurs ou gérants qui auront contrevenu aux prescriptions de la
présente loi et des règlements d’administration publique relatifs à son exécution, seront poursuivis 
devant le tribunal de simple police et passibles d’une amende de cinq à quinze francs (5  à 15 fr.).
L’amende sera appliquée autant de fois qu’il y aura de personnes occupées dans des conditions
contraires à la présente loi, sans toutefois que le maximum puisse dépasser cinq cents francs (500 fr.).

Art. 14 – Les  chefs d’entreprises seront civilement responsables des condamnations prononcées contre
leurs directeurs ou gérants.

Art. 15 – En  cas de récidive, le contrevenant sera poursuivi devant le tribunal correctionnel et puni
d’une amende de seize à cent francs (16 à 100 fr.).
Il y a récidive lorsque dans les douze mois antérieurs au fait poursuivi le contrevenant a déjà
subi une condamnation p
our une contravention identique.
En cas de pluralité de contraventions entraînant ces peines de la récidive, l’amende sera
appliquée autant de fois qu’il aura été relevé de nouvelles contraventions, sans toutefois que le
maximum puisse dépasser trois mille francs (3.000 fr.).

Art. 16 – Est  puni d’une amende de cent à cinq cents francs (100 à 500 fr.) quiconque aura mis
obstacle à l’accomplissement du service d’un inspecteur.
En cas de récidive dans les délais spécifiés à l’article précédent, l’amende sera portée de cinq
cents à mille francs (500 à 1. 000 fr.).
L’article 463 du code pénal est applicable aux condamnations prononcées en vertu de cet
article et des articles 13, 14 et 15.

Art. 17 – Les  dispositions de la présente loi ne sont pas applicables aux employés et ouvriers des
entreprises de transport par eau, non plus qu’à ceux des chemins de fer, dont les repos sont réglés par
des dispositions spéciales.

Art. 18 – Sont abrogées les dispositions des articles 5 et 7 de la loi du 2 novembre 1892 en ce qui
touche le repos hebdomadaire. 
Les dérogations prévues à l’article 4 et au premier paragraphe de l’article 5 de la présente loi
ne sont pas applicables aux enfants de moins de dix-huit ans et aux filles mineures.

Les dérogations prévues au paragraphe 3 de l’article 5 ne sont pas applicables aux personnes
protégées par la loi du 2 novembre 1892.
Un règlement d’administration publique établira la  nomenclature des industries particulières
qui devront être comprises dans les catégories générales énoncées à l’article 6 de la présente loi en ce
qui concerne les femmes et les enfants.
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée
comme loi de l’État.

Fait à Paris, le 13 juillet 1906.
A. FALLIÈRES.
Par le Président de la République

Le ministre du commerce, de l’industrie et du travail
  GASTON DOUMERGUE.
 Le président du conseil, garde des sceaux  ministre de la justice,
   F. SARRIEN.

 

ANNEXE II
LOI MODIFIANT LE LIVRE II, CHAPITRE IV DU CODE DU TRAVAIL ET DE LA
PREVOYANCE SOCIALE (REPOS HEBDOMADAIRE ET DES JOURS FERIES)

Le Sénat et la Chambre des députés ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit:

Article unique. – Est codifiée, dans la teneur ci-après et formera l’article 43a du livre Il du code du
travail et de la prévoyance sociale, la disposition suivante :
« Art. a. – Lorsqu’un accord sera intervenu entre les syndicats patronaux et ouvriers d’une profession et
d’une région déterminée sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire sera donné au
personnel suivant un des modes visés par les articles précédents, le préfet du département pourra, par
arrêté, sur la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture au public des établissements de
la profession et de la région pendant toute la durée de ce repos ».
La présente loi, délibérée et adoptée par le Sénat et par la Chambre des députés, sera exécutée comme
loi de l’État.

Fait à Paris, le 29 décembre 1923.
A. MILLERAND
Par le Président de la République 
Le ministre du travail
Albert PEYRONNET.

*
Texte extrait avec l’autorisation de l’auteur des cahiers n°4 de l’Institut régional du travail de l’Université
d’Aix-Marseille II, Aix-en-Provence.

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