Travail dominical: ce qu'il faut retenir de la victoire de Bricorama sur FO

L’Expansion – Thomas Féat – publié le 17/12/2012 à 19:25

Le tribunal de Pontoise a statué: Bricorama ne paiera pas les 37 millions d’euros de dommages et intérêts que lui réclamait FO pour avoir ouvert ses 32 magasins franciliens le dimanche depuis sa condamnation en janvier. Mais l’affaire est loin d’être terminée…

Dans le procès au long cours qui l’oppose à FO sur l’ouverture dominicale de ses magasins franciliens, Bricorama a remporté une manche cruciale pour son portefeuille, à défaut d’être décisive sur le fond du problème. Le juge de l’exécution des peines du tribunal de Pontoise a en effet décidé de ne pas condamner l’enseigne de bricolage à verser les 37 millions d’euros de dommages et intérêts réclamés par le syndicat.

Pourquoi Bricorama risquait-il une telle amende?

A la demande de Force ouvrière, l’enseigne avait été condamnée en janvier à ne plus ouvrir le dimanche au nom du respect du repos dominical, sous peine d’une astreinte de 30.000 euros par établissement et par dimanche ouvert. Cette décision – censée être exécutoire – avait été bravée par Bricorama, qui avait maintenu ses ouvertures dominicales après avoir fait appel. Ainsi, de janvier à octobre, les astreintes se sont accumulées, atteignant 37 millions d’euros début novembre.

Pourquoi FO a-t-il été débouté?

Le juge d’exécution des peines a estimé que le syndicat n’avait pas apporté « la preuve objective pour chacun des magasins Bricorama » qu’ils « étaient effectivement ouverts malgré l’interdiction judiciaire », selon le jugement. Le tribunal a pointé l’absence de « constat d’huissier » ou bien de « ticket de caisse » permettant de prouver « la violation alléguée de l’ouverture dominicale ». Le syndicat devra même payer 1000 euros pour « frais de justice ». Le PDG du groupe, Jean-Claude Bourrelier, peut donc souffler. Endetté à hauteur de 140 millions d’euros, Bricorama se serait relevé très difficilement d’une amende équivalant à une année et demi de bénéfices (24 millions d’euros en 2011).

Bricorama n’aura donc rien à payer?

C’est encore trop tôt pour le dire. L’avocat de FO, Me Vincent Lecourt, a en effet aussitôt annoncé qu’il ferait appel de la décision du juge de l’exécution . « Nous avons produit un planning de travail, et des extraits du site internet de Bricorama qui indiquait que les magasins concernés étaient ouverts. Même la partie adverse ne contestait pas ces ouvertures », a-t-il souligné. Bricorama n’aurait donc obtenu qu’un sursis à confirmer.

De plus, l’enseigne de bricolage peut théoriquement être attaquée par des salariés ayant travaillé le dimanche, sur la base de la condamnation sur le fond de leur entreprise. Cela s’est déjà vu, notamment dans le cadre du procès intenté par FO à l’encontre de Darty, en mai 2012. La société avait été condamnée à payer à l’un de ses salariés la somme de 27.000 euros pour « violation du travail dominical », alors même que l’employé s’était porté volontaire, lettre à l’appui, pour travailler le dimanche. Reste que d’après une source syndicale proche du dossier, « la quasi-totalité des 1 500 salariés concernés par le travail dominical chez nous ont soutenu la direction et dénoncé une violation de leur libre-arbitre par le syndicat FO lorsque ce dernier a déposé sa plainte en janvier ».

Bricorama peut-il réouvrir le dimanche?

Non. La décision de lundi traite d’un volet annexe du procès sur le travail dominical. La condamnation de janvier à ne plus ouvrir le dimanche reste valable. Elle a même été confirmée par la cour d’appel de Versailles fin octobre. Le groupe a annoncé qu’il se pourvoyait en cassation mais la décision, uniquement sur la forme du jugement, n’interviendra pas avant plusieurs mois.

Pourquoi l’enseigne a-t-elle attaqué ses concurrents?

En France, selon le code du travail, le repos hebdomadaire d’un salarié doit être de 24 heures consécutives et accordé le dimanche. Toutefois, la loi du 10 août 2009, dite loi Maillé, du nom du député UMP des Bouches-du-Rhône, a listé des dérogations sur une trentaine de zones classées touristiques (PUCE), généralement en périphérie des villes, et dans le commerce de détail alimentaire où l’ouverture est autorisée le dernier jour de la semaine.

En dépit de demandes répétées de l’enseigne pour figurer dans les fameuses « PUCE », elles ne s’est jamais vu accorder les dérogations nécessaires par les préfectures, hormis à Villiers-sur-Marne la semaine dernière pour une durée d’un an. Décision d’autant plus injuste, clame le groupe, que ses concurrents directs, Castorama et Leroy-Merlin, situés en zones industrielles, bénéficient pour leur part des autorisations nécessaires. Invoquant une « distorsion manifeste de concurrence », Bricorama a assigné en référé ses deux concurrents pour « ouverture illégale le dimanche », ouverture dominicale qui concernait 24 de leur magasins franciliens.

Bientôt une révision de la loi sur les travail dominical?

Le débat autour du travail dominical est revenu au premier plan de l’actualité ces dernières semaines. Castorama s’est vu accorder vendredi 7 décembre un délai de 3 mois pour mettre en règle auprès de la préfecturel’ouverture dominicale de ses magasins de Villemomble et Villetaneuse. Mi-novembre, le Clic-P (intersyndicale de commerçants parisiens) dénonçait « les ouvertures illégales des supérettes tous les dimanches et lundis à Paris ».

Au milieu du brouhaha général dans lequel s’affrontent partisans et opposants du travail dominical, le ministre du travail, Michel Sapin a tranché. Il a exclu dimanche dans les colonnes de 20 minutes toute révision de la loi sur le travail du dimanche. « Le dimanche doit être, sauf cas exceptionnel, un jour sans travail pour les salariés », a-t-il déclaré.

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