Romandie, 10/11/12
PARIS, (Sipa) — Daniel Perron, juriste et auteur d’une « Histoire du repos dominical » (éditions l’Harmattan) s’insurge contre l’attitude de Bricorama au sujet du travail du dimanche dans un entretien accordé à Sipa, considérant que « même quand une loi ne nous convient pas, on doit la respecter ».
Sipa – Que pensez-vous de l’attitude de Bricorama qui cherche à obtenir une modification de la législation sur les autorisations d’ouverture le dimanche ?
Daniel Perron: Certes, les magasins de bricolage ne font pas partie des commerces autorisés à être ouverts le dimanche, a contrario des magasins d’ameublement. Je peux concevoir la frustration de son patron qui aimerait changer la loi. Néanmoins la loi doit être respectée même quand elle ne nous convient pas. L’attitude de Bricorama est inacceptable. FO était tout à fait fondé à l’attaquer en justice. Ceci dit, je comprends aussi que des salariés modestes de Bricorama soient en colère contre le syndicat parce que le travail du dimanche est une source de revenus pour eux, qui ont des salaires trop modestes. Avez-vous déjà entendu un salarié vous affirmer qu’il travaille le dimanche par plaisir? Non. J’invite au contraire les entreprises à mieux respecter la loi et à conclure avec les syndicats des accords cadrant mieux cette activité du dimanche. C’est d’ailleurs ce que font déjà un certain nombre d’entre elles.
Sipa – Les entreprises avancent aussi des raisons économiques pour obtenir une modification de la loi. Ne faut-il pas en effet favoriser la consommation, moteur de la croissance?
D.P.: Vous remarquerez que cette question de l’ouverture des magasins le dimanche revient toujours en période de crise. C’est illusoire. L’Allemagne a une législation beaucoup moins permissive que la nôtre, avec des magasins quasi sytématiquement fermés le dimanche et nous donne pourtant des leçons en matière de croissance. Je ne suis pas sûr que si ces magasins de bricolage restaient ouverts le dimanche, on aurait effectivement une flambée du chiffre d’affaires. Je pense que la consommation dépend plus du pouvoir d’achat que des horaires d’ouverture. Si on ne peut pas y aller le dimanche, on fait ses achats le samedi! L’argument économique est constamment avancé. Déjà, au XVIIIème siècle, les entrepreneurs expliquaient que le travail du dimanche était bon pour les ouvriers parce que cela leur permettait de mieux vivre et que c’était mieux que d’aller boire à la taverne!