Aurélien Véron est le président d’un Parti Libéral Démocrate, dont l’existence est apparemment très virtuelle. N’empèche. Il vient de publier, sur Atlantico, une défense vigoureuse du travail sept jours sur sept. Etre pour le travail du dimanche est une opinion parfaitement respectable, pourvu qu’elle soit supportée par des arguments sensés, rationnels, logique. Au final, elle est aussi un choix de société, l’expression d’une préférence. Mais lorsque cet opinon est portée par des approximations, des sophismes, et des contre-vérités, il ne s’agit plus de débat, mais de propagande. Pour un président de parti politique, il paraît que cela est devenu normal. Permettez au citoyen de le regretter… Nous nous faisons donc un plaisir de publier les propos du « Président », en y ajoutant nos observations, en bleu dans le texte. Le lecteur jugera. |
Atlantico : Suite à une plainte du syndicat FO, dix magasins Décathlon vont être obligés de fermer. Mettant en avant l’absence d’autorisation préfectorale obligatoire de ces magasins, le syndicat dit vouloir protéger à tout prix le repos dominical « culturel » des employés français. En pleine crise et avec une croissance à zéro, l’autorisation d’ouvrir le dimanche pourrait-elle créer de la valeur ?
Aurélien Véron : Bien que le CREDOC (NDLR : Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) ait publié une étude qui soutient que l’ouverture des magasins, et notamment des grandes surfaces ne produirait pas vraiment de valeur supplémentaire, je crois que les commerçants sont les mieux placés pour juger de ce qu’il en est. Entre une bureaucratie qui ne contrôle et ne produit aucune valeur et des entrepreneurs ou des gestionnaires qui sont sur le terrain, qui savent où est l’argent et qui comprennent les attentes des consommateurs, je fais confiance à ceux qui mettent leurs billes sur la table. Économiquement, quand des commerces ou des entreprises veulent travailler, ils savent ce qu’ils font. On peut toujours imaginer qu’il existe des commerçants masochistes qui veulent perdre de l’argent, mais c’est peu probable.
NDLR : M Veron estime que l’étude du CREDOC est contestable. Selon lui, puisque les commerçants ouvrent, c’est qu’ils gagnent de l’argent, donc cela produit de la valeur, donc le CREDOC se trompe.
Cet argument est un sophisme assez grossier : ce n’est évidemment pas parce que certains y gagnent de l’argent, que le travail dominical produit de la valeur. En effet, d’autres en perdent, et l’agent gagné le dimanche ne sera pas gagné le lundi. Ouvrir sept jour sur sept n’augmente pas a priori le pouvoir d’achat.
Ces ouvertures pourraient-elles créer de l’emploi ou au contraire ne feraient-elle qu’empêcher les employés d’avoir du temps libre ?
Il y aurait forcément de la création d’emploi si l’on étendait les plages horaires de travail. Il est évident que la plupart des gens continueront de ne pas travailler le dimanche et de profiter de leur vie de famille. Cependant, il y a aussi des personnes qui seront volontaires pour travailler le dimanche, des jeunes gens qui sont célibataires, qui n’ont pas d’enfant et dont les habitudes de vie sont différentes. On peut également penser aux personnes plus âgées qui n’ont plus d’enfants à la maison et qui sont déchargées d’obligations familiales durant le weekend. Il existe des populations intéressées par le travail dominical et elles sont complémentaires aux populations qui, elles, souhaitent travailler du lundi au vendredi.
Penser que le marché de l’emploi est un gâteau dont on réduit les parts en faisant travailler plus de gens est une vision malthusienne, c’est celle des 35h et du découpage du travail mais ça n’a jamais fonctionné comme ça. Il existe des attentes très diverses de la part des salariés qui correspondent à des habitudes de vie différentes. Il ne faut pas croire que tout le monde attend de la société de vivre dans la norme pour la simple et bonne raison qu’il n’y a plus de norme. La vision du travail du lundi au vendredi de 9h à 19h ne correspond plus au mode de vie des Français. Il est évident que le dimanche restera le plus souvent chômé mais interdire complètement l’ouverture des magasins est un facteur clair de destruction d’emploi. Cela ne veut pas dire que les plages horaires de travail par personne seront plus longues mais simplement que plus de gens travailleront.
NDLR : M Veron estime que l’ouverture du dimanche pourra créer de l’emploi. Il ose même dire que le fait que les magasins ne soient pas tous autorisés à ouvrir le dimanche supprimerait de l’emploi !
Quand M Veron ne raconte pas n’importe quoi, il oublie de dire d’une part que l’emploi crée est d’ordinaire un emploi précaire et sous-payé (proposé en effet, comme il le remarque, aux célibataires, étudiants, travailleurs au noir, etc.), et d’autre part de parler des emplois supprimés. En effet, le travail du dimanche est la cause d’un transfert dans les canaux de distribution, au profit de la grande distribution. Or un emploi créé dans la grande distribution détruit quatre emploi dans la distribution traditionnelle, selon les abaques généralement admises : le travail du dimanche, globalement, détruit l’emploi.
Alors bien sûr, il existera toujours des populations qui souhaitent travailler le dimanche, comme d’autres souhaiteraient pouvoir fumer du cannabis en toute liberté, ou, pour prendre un exemple moins polémique, que le musée du Louvre soit ouvert tous les jours. Le rôle des politiques n’est pas de satisfaire à toutes les revendications catégorielles ou corporatistes, mais de veiller au bien commun, et c’est à ce titre que le repos dominical, en tant qu’il est un élément important de la constitution de notre société, du vivre-ensemble, doit être protégé. Mais il s’agit là, nous le reconnaissons, d’un choix de société. Au renard libre dans le poulailler libre, conception chère aux idéologies libérales, nous préférons une vision plus humaniste.
Permettre aux grandes surfaces d’ouvrir ne risquerait-il pas de nuire aux petits commerces que fréquentent habituellement les Français le dimanche et donc de créer de la valeur et de l’emploi pour en détruire ?
C’est un faux argument puisqu’en réalité l’essentiel des commerces de proximité et des marchés ouverts le dimanche vendent des produits alimentaires. Or, les grandes surfaces alimentaires ont déjà le droit d’ouvrir le matin. Il s’agit donc là d’une profonde injustice. Pourquoi des grands magasins de meubles ou d’équipements comme Ikea ou Conforama ne pourraient-ils pas ouvrir ? Sans parler des grandes enseignes de luxe comme le magasin Vuitton des Champs-Elysées. La plus belle avenue du monde, la plus grande rue commerciale de notre pays que des millions de touristes viennent voir tous les ans, ne peut pas être fermée simplement parce qu’une loi obsolète dit que les marchands de sacs à main
n’ont pas le droit d’ouvrir leurs magasins le dimanche. Ces mesures brident les échangent et quand on bride les échanges, on bride la croissance, c’est complètement absurdes.
NDLR : M Veron, qui était déjà dans le n’importe quoi, continue de plus belle : il n’existe en effet aucune loi interdisant explicitement aux magasins de sacs à main d’ouvrir le dimanche. Si M Bernard Arnaud veut ouvrir son magasin, il peut le faire parfaitement légalement, mais il faut qu’il l’ouvre lui-même. Ce qui lui est interdit, c’est de faire travailler ses salariés le dimanche.
Comme M Veron, nous accordons un crédit certain aux observations du terrain : or nous mettons au défi M Veron de trouver un seul commerçant traditionnel qui ne se plaigne pas de la concurrence de la grande surface ouverte le dimanche sans sa zone de chalandise. Un seul. Il est évident que l’ouverture du dimanche des grandes surfaces nuit au petit commerce, et y détruit de l’emploi.
Ouvrir un magasin coûte de l’argent, il faut payer des employés. Est-on sûr que les habitudes de consommation s’adapteront à l’ouverture des magasins ?
Evidemment, une fois de plus, si les commerçants ouvrent c’est qu’ils ont une raison de le faire. Si Décathlon ouvre dix magasins ce n’est pas un hasard, c’est qu’il existe une demande. Ne pas comprendre cela témoigne de la dimension ubuesque et absurde de cette loi. Quand un magasin Ikea ouvre le dimanche, on constate l’évidence de la demande des consommateurs, les magasins sont pleins. Il est ridicule de voir des quartiers dans les grandes villes comme le Marais à Paris où les gérants de magasins et les policiers sont engagés dans un grand jeu du chat et de la souris. Qui plus est, pourquoi les magasins d’agroalimentaires pourraient ouvrir et non pas un libraire ou un maroquinier ? En quoi cela est-il différent ? L’ouverture le dimanche est encore le meilleur moyen de redynamiser les petits commerces. A l’étranger, dans les pays où il est possible d’ouvrir le dimanche, certains magasins sont fermés et d’autres sont ouverts. Il y a des zones où les gens vivent le dimanche et où ils consomment. L’argent qui existe la semaine existe aussi le dimanche qu’ils viennent des Français ou des étrangers qui visitent notre pays et qui achètent aux entreprises françaises. Ce qu’il faut c’est une règle très simple grâce à laquelle on pourrait choisir. Les usages évoluent et les lois doivent en faire autant.
NDLR : Si Décathlon ouvre, c’est en effet qu’il a des raisons de le faire, jusque là nous sommes d’accord. C’est sur les motifs, où il semble que M Veron ne voit pas plus loin que le bout de son nez, en estimant que cette ouverture ne serait qu’une réponse bienveillante de l’enseigne à la demande des consommateurs ! Il oublie juste deux chose, M Veron : tout d’abord que Décathlon peut se dire qu’en ouvrant, il va pouvoir écraser la concurrence des détaillants qui vendent les mêmes types de produits, mais qui n’ont pas les moyens d’ouvrir le dimanche, ni en homme, ni en finances. Et il se dit aussi une seconde chose, M Décathlon : c’est que ce qu’il aura vendu en raquettes de tennis le dimanche, c’est toujours cela qui ne sera pas acheté en CD à la FNAC le lundi, autrement dit qu’il va capter avec cette ouverture une part supplémentaire du budget loisir des français. C’est tout.
Enfin, M Veron parle inévitablement des pauvres touristes, venus exprès de Chine pour acheter des sacs Vuitton le dimanche. Qu’il se rassure, M Veron. D’abord, les touristes Chinois viennent rarement passer un seul dimanche en France. Ensite, si la France était la première destination touristique du monde, bien avant la loi Mallié, c’est probablement pour d’autres raisons que les sacs Vuitton. Enfin, quand un touriste de marque, par exemple l’épouse d’un président américain, veut acheter un sac Vuitton le dimanche, une solution à ce grave problème sera probablement rapidement trouvée, courtoisie française oblige…