Sarkozy relance le débat sur le travail dominical

Le JDD, 17/02/12

Dans une déclaration lue vendredi par son secrétaire d’Etat au commerce Frédéric Lefebvre, le président Nicolas Sarkozy propose l’élargissement des conditions d’ouverture des commerces le dimanche. Christine Boutin dénonce une mesure qui « manque de cohérence » avec les valeurs du candidat.

Le président Nicolas Sarkozy veut, s’il est réélu, « élargir les conditions d’ouverture des magasins le dimanche », selon une déclaration lue vendredi en son nom par le secrétaire d’Etat au commerce Frédéric Lefebvre. C’est « vous donner plus de liberté, c’est de la croissance pour vos commerces, c’est de l’emploi pour les Français », a-t-il ajouté à l’occasion des États généraux du commerce à Bercy.

Pouvoir d’achat et attractivité

Cette mesure, qui vise à s' »adapter à l’évolution des modes de vie », représente « du pouvoir d’achat » pour les salariés et permettra « le renforcement de l’attractivité touristique pour que la France soit forte », est-il ajouté dans la déclaration. Plusieurs solutions « sont sur la table », a expliqué Frédéric Lefebvre, comme l’extension du nombre de dimanches où les autres magasins peuvent ouvrir, de cinq actuellement à « 8, 10, 12. » Le Conseil du commerce de France (CdCF) demande la possibilité pour les commerçants d’ouvrir librement 10 à 12 dimanches par an, même hors zone touristique.

La loi sur le travail du dimanche du 10 août 2009 permet déjà des ouvertures de magasins le dimanche, qui varient en fonction du type de commerce et du lieu (communes touristiques ou périmètre spécifique). En dehors des cas prévus par cette loi, tous les magasins peuvent ouvrir cinq dimanches par an sur autorisation préfectorale. Selon les données de l’Insee, en 2010, « plus du quart » des personnes ayant un emploi ont travaillé le dimanche, soit environ 6,4 millions de salariés, dont 2,9 de manière habituelle.

Boutin et la CFTC sont opposés

« Le monde du commerce n’est pas favorable à ouvrir tous les commerces, tous les dimanches, dans toute la France », a réagi Gérard Atlan, président du CdCF, qui fédère 120 fédérations du commerce. « Ce que nous voulons, c’est un assouplissement, un peu d’air », a-t-il ajouté. « On a là un véritable choix de société », a également déclaré à l’AFP Joseph Thouvenel, vice-président de la CFTC. Le représentant du syndicat des travailleurs chrétiens craint même le développement d’un « hyper-consumérisme » au détriment de « la vie familiale, associative, personnelle et spirituelle ».

La mesure est aussi critiquée par Christine Boutin, nouveau soutien de Nicolas Sarkozy. « J’ai toujours été contre l’ouverture des magasins le dimanche, car cela signifie moins de temps en famille et moins de cohésion sociale », a-t-elle confié au JDD.fr, précisant que cette annonce « manque de cohérence » avec les positions du candidat sur les valeurs. « Je pense que ce n’est pas la volonté du président », a d’ailleurs nuancé la présidente du Parti chrétien démocrate, qui dit attendre une confirmation de l’Élysée. « Je ferai tout pour que le président de la République n’aille pas dans ce sens », a-t-elle insisté. Christine Boutin exclut pour l’heure de retirer son soutien à celui « qui a retrouvé le punch de 2006 » dans son discours à Annecy jeudi : « On verra, je ne peux l’imaginer ».

Hollande prône la négociation

Pour Robert Rochefort, membre de l’équipe de campagne de François Bayrou chargé des questions économiques, « la généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche est une mauvaise idée et une très grave erreur. » La mesure favorisera surtout « les hyper et supermarchés, ce qui aggravera encore la situation des petits commerçants, déjà en grande difficulté », a prévenu l’eurodéputé MoDem.

Au Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon dit s’opposer « absolument et formellement au travail du dimanche qui détruit la vie de famille et se met au service d’un consumérisme aveuglé. » Dans un communiqué cinglant, le candidat « dénonce cette escalade de trouvailles contre les petits bonheurs simples de la vie des gens simples. »

De son côté, François Hollande engagera, s’il est élu, des négociations pour parvenir à un « équilibre » entre les droits des salariés et les besoins des commerçants. Dans une vidéo diffusée vendredi lors des États généraux du commerce à Bercy, le candidat socialiste a plaidé pour « une bonne négociation, plutôt que de mauvaises lois. »

Amaury Brelet (avec AFP) – leJDD.fr

vendredi 17 février 2012

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