Tous les syndicats dénoncent la nouvelle attaque de Nicolas Sarkozy sur le travail dominical et battent en brèche les arguments de défense de l’emploi et du pouvoir d’achat. Mais si l’analyse est commune, les stratégies diffèrent.
Les syndicats n’ont pas été surpris par la nouvelle offensive du candidat Nicolas Sarkozy sur le travail du dimanche. « Cela fait partie des objectifs de ce gouvernement qui sont de flexibiliser tous les aspects du temps de travail, souligne Avelino Carvalho, responsable commerce à l’union départementale CGT des Bouches-du-Rhône. C’est dans le même ordre d’idée que la remise en cause de la semaine de travail, pas seulement des 35h, mais d’une référence à un temps de travail. Cela vise à une flexibilité à tout prix pour livrer les salariés pieds et poings liés au patronat afin de se voir imposés un travail sept jours sur sept. » Alain Comba, secrétaire de l’union départementale FO des Bouches-du-Rhône, confirme que « c’est ce que l’on craignait. Et la raison pour laquelle on s’est battu pour mettre en place des pare-feu et faire en sorte que le travail du dimanche coûte un peu cher aux employeurs dont ce n’est pas une demande, je le rappelle. »
Sur le fond, Nicolas Sarkozy tente de se poser en défenseur de l’emploi et du pouvoir d’achat. Mais pour les syndicats, l’argumentaire ne tient pas, bien au contraire. Patrick Parra, secrétaire général de l’union départementale CFDT des Bouches-du-Rhône, observe ainsi que « les emplois, ce sont les mêmes que si les commerces étaient ouverts du lundi au samedi. Cela permet juste un peu plus d’emplois précaires car on retrouve des étudiants qui font quelques heures en grande précarité. »
Avelino Carvalho dénonce : « Nicolas Sarkozy propose des mesures qui n’améliorent en rien l’emploi et le pouvoir d’achat. Car l’ouverture dominicale ne permet pas de l’augmenter, et a contrario risque de poser des problèmes d’emploi dans un grand nombre de commerces. Ouvrir plus, plus longtemps avec moins de pouvoir d’achat, je ne vois pas trop où on va. Les bourses ne sont pas extensibles. »
Pour Alain Comba, il s’agit d’un non-sens économique. Et d’appuyer son propos en s’appuyant sur Plan de Campagne, cette zone commerciale entre Aix-en-Provence et Marseille qui a ouvert le dimanche en toute illégalité pendant plusieurs décennies : le premier but de la loi d’août 2009 du député des Bouches-du-Rhône Richard Maillé (UMP) était d’ailleurs de remettre cette zone de non-droit en conformité avec la loi. « C’était pour éviter de fermer quelque chose qui marchait et qui risquait de mettre au chômage de nombreux salariés, rappelle Alain Comba. Mais si partout on ouvre le dimanche, Plan de Campagne n’a plus d’intérêt économique. »
Patrick Parra évoque lui une « aberration sociale » : « Je sais le coût énorme que représente sur une vie familiale le fait de travailler le dimanche, les jours de fêtes. Je le conçois quand il s’agit de sauver la vie d’autrui, dans la santé, ou pour les transports, mais qu’on le fasse pour quelque chose d’aussi futile que le commerce ! »
L’unanimité est également de mise pour dénoncer les conséquences de la loi Maillé. « Beaucoup d’observateurs se sont focalisés sur les Périmètres urbains de consommation exceptionnelle (PUCE) qui touchent environ 20 000 salariés en France, mais ce n’était que l’arbre qui cache la forêt. Car le contenu de la loi de 2009 porte aussi sur l’extension du travail du dimanche dans les commerces alimentaires et dans les zones touristiques, ce qui touche plusieurs centaines de milliers de salariés en France », dénonce Avelino Carvalho. Et de poursuivre : « Depuis, la plupart des enseignes de la grande distribution ouvrent le dimanche matin à Marseille. A Plan de Campagne, les salariés ont de plus mauvaises conditions qu’avant la loi : ils avaient en compensation 100% du Smic et un jour et demi de repos le lundi et mardi matin, ils ont perdu le jour et demi de repos. »
Une loi à deux vitesses
Patrick Parra pointe l’injustice contenue dans cette loi. « Contrairement aux PUCE, aucune compensation salariale n’est prévue par la loi pour les salariés qui travaillent le dimanche en zone touristique. » « Si bien, souligne Alain Comba, qu’il y a des salariés à Arles ou à Martigues qui travaillent le dimanche sans compensation. » Une situation qui a poussé la CFDT et FO, mais aussi la CFE-CGC et la CFTC, à signer en décembre un accord social avec les organisations patronales portant sur le travail du dimanche dans la zone touristique de Marseille, « afin d’apporter quelque chose » à ses salariés. « Les employeurs allaient pouvoir ouvrir sans dérogation alors on a essayé de limiter la casse avec un double objectif : s’ils ouvrent au moins que ça leur coûte ; et si ça leur coûte peut-être qu’ils auront moins envie d’ouvrir », résume Patrick Parra. Un accord social qui prévoit une compensation salariale de 15 à 30% du Smic que la CGT a en revanche refusé de parapher. « Marseille fait partie de la zone touristique depuis 2007 mais il y avait un arrêté préfectoral qui datait des luttes de 36 qui interdisait l’ouverture dominicale. Il a été remis en cause par le préfet avec la complicité des autres organisations syndicales » dénonce Avelino Carvalho, qui souligne que cet accord concerne 10 000 salariés sur Marseille contre 1 300 à 1 400 sur Plan de Campagne.
Et le responsable syndical de conclure : « Sur les deux zones, il s’agit la plupart du temps des mêmes enseignes. Donc on voit bien que leur intérêt porte sur une banalisation du travail du dimanche afin d’aller vers une moindre compensation, voire même à terme plus de compensation du tout. Nicolas Sarkozy reste sur la logique de son quinquennat : il est toujours au service d’une classe sociale, celle des puissants et du patronat. »
Témoignages
Serge Payrau