Les magasins ouvrant la nuit se multiplient à Paris. Mais, selon la loi, le travail nocturne doit rester exceptionnel. Les syndicats s’apprêtent à porter le dossier en justice.
Après la chasse au travail dominical, haro sur le labeur nocturne! L’intersyndicale Clic-P*, qui a obtenu plusieurs fois gain de cause devant le tribunal de Paris contre l’ouverture abusive le dimanche de dizaines de supérettes parisiennes, se lance désormais à l’assaut du travail de nuit. En ligne de mire, les grandes enseignes internationales de prêt-à-porter qui ont pignon sur rue, avenue des Champs-Elysées (VIIIe) notamment, mais également les commerces alimentaires, qui se livrent une guerre sans merci et proposent, toujours plus tard, leurs services à une clientèle en demande permanente d’horaires extensibles.
Les syndicats s’apprêtent à déclencher prochainement des procédures judiciaires visant plusieurs enseignes dont ils refusent de communiquer la liste. Ils ont commencé à se pencher voici quelques mois sur le « dossier » du travail nocturne, fixé en France entre 21 heures et 6 heures, en regardant d’un peu plus près ce qui se passait derrières les jolies vitrines de l’hôtel particulier occupé depuis mai dernier par la marque de vêtements américaine Abercrombie & Fitch, label favori des ados.
« La nuit, bien après la fermeture des portes à la clientèle, les employés continuent d’officier dans les rayons, souligne l’un des représentants du Clic-P. On arrange les portants, on empile les tee-shirts sur les étagères pour que les clients trouvent le magasin impeccable le lendemain matin. Et tout cela au mépris total du Code du travail, qui impose un recours exceptionnel au travail de nuit, justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique, ou de service d’utilité sociale. Nous en sommes très loin… ».
Et pourtant Abercrombie s’est vu refuser l’autorisation de travail de nuit pour les tâches de rangement et de réapprovisionnement des rayons. Contrairement au géant suédois H&M, dont le vaisseau amiral est désormais installé sur la même avenue. Ce dernier, après avoir essuyé un premier refus, avait contesté la décision devant la direction régionale des entreprises, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), qui a annulé la décision de l’inspection du travail, au grand dam de l’intersyndicale.
Abercrombie, qui n’a pas bénéficié de la même clémence, continuerait, selon les salariés, à pratiquer le travail nocturne : « Beaucoup parmi nous sont dans le magasin entre 22 heures et 5 heures, soulignent des employés de l’enseigne. Faut-il continuer d’accepter tout cela, avec résignation, comme si le fait d’avoir un emploi justifiait de renoncer à toute dignité ? La flexibilité imposée est toujours plus grande et nos horaires de travail à rallonge. »
« Depuis plusieurs mois, la tendance est aussi à la fermeture tardive dans les commerces parisiens, et notamment dans l’alimentaire, souligne le Clic-P. Jusqu’à minuit, parfois même plus tard. C’est une dérive qui désorganise la vie des employés. De surcroît, ce secteur compte une proportion importante de salariés à temps partiel, qui bénéficient de faibles compensations financières en contrepartie des difficultés importantes qu’engendrent ces nocturnes. »