Relancée par Frédéric Lefèbvre, la possibilité de travailler le dimanche crée la polémique. Si l’on en croit l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat, la proposition risquerait de fausser la concurrence entre grandes surfaces et petits commerces.
L’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA) et les chambres de métiers ont fait valoir leur opposition, dès 2006, à la généralisation de l’ouverture des commerces le dimanche pour des raisons essentiellement économiques.
Il est impératif de veiller à ne pas pénaliser les entreprises artisanales qui constituent l’essentiel du tissu économique de proximité. L’ouverture des magasins, si elle était étendue sans aucune restriction au dimanche, revient à créer une nouvelle distorsion de la concurrence en défavorisant lourdement les artisans, par rapport notamment aux grandes surfaces qui peuvent sans difficulté augmenter le nombre de leurs salariés spécialement recrutés pour la vente. La concurrence entre grandes surfaces et petits commerces doit être loyale car les moyens ne sont pas les mêmes : l’artisan doit répartir son temps entre la fabrication et la vente. Ensuite, les entreprises artisanales qui sont souvent de type familial, doivent accorder des jours de repos à leurs salariés. Le travail dominical systématisé remet bel et bien en cause la pérennité et le développement des commerces de proximité et de l’artisanat.
L’ouverture des commerces le dimanche modifie l’affectation des dépenses des ménages vers la grande distribution, au détriment des commerces en centre ville. Le travail dominical est une remise en cause de l’économie de proximité qui, aujourd’hui, est la seule à avoir la capacité de faire vivre les centres urbains et les espaces ruraux.Il y a donc là une véritable contradiction avec les politiques de réanimation des centres villes et avec les politiques de développement des zones rurales. Avec un risque d’accroitre les inégalités entre les territoires.
En termes d’emploi, à chiffre d’affaires égal, la grande distribution crée quatre fois moins d’emplois que l’artisanat et le commerce. Or, les facilités d’horaires offertes par une grande surface ouverte sept jours sur sept vont détourner une partie des consommateurs des artisans, particulièrement ceux des métiers de bouche. Les seuls emplois favorisés par le travail dominical seront les emplois peu qualifiés au détriment des emplois comportant un véritable savoir-faire, ce qui accentue ce que l’on appelle le phénomène des « travailleurs pauvres ».
L’ouverture des magasins le dimanche n’est pas non plus une solution en soi pour augmenter le pouvoir d’achat : l’acte d’achat est simplement transféré de la semaine au dimanche. Comment les consommateurs dépenseraient le dimanche l’argent qui leur manque en semaine ?
A un moment où la majorité des Français espèrent une société plus humaine et prônent un modèle d’entreprise respectant l’homme, il serait paradoxal de favoriser un modèle dont on connaît bien les effets pervers sur l’emploi et sur la qualité de la société, en détournant une grande partie du pouvoir d’achat sans aucune augmentation de celui-ci.
Alain Griset
Alain Griset est président de l’Assemblée permanente des chambres de métiers et de l’artisanat (APCMA).
Il est aussi membre du groupe de l’artisanat du Conseil économique, social et environnemental depuis le 13 mars 2007.
Alain Griset est Vice-président de l’Union européenne de l’artisanat et de la petite et moyenne entreprise (UEAPME) depuis le 14 novembre 2002.