Depuis 2009, l’opposition et les syndicats n’ont pas ménagé leurs efforts pour tenter de limiter les possibilités d’ouverture des commerces le dimanche, non sans un certain succès.
Arrachée de haute lutte en 2009, la loi Mallié sur le travail du dimanche subit encore les coups de boutoirs des syndicats et de l’opposition: dérogations injustifiées, manque de compensation… la liste de leurs griefs est longue.
Le gouvernement, qui avait soutenu la loi au nom du pouvoir d’achat, n’est pas complètement satisfait non plus, mais pour d’autres raisons. En réaction à la décision administrative d’interdire l’ouverture de magasins Bricorama en Ile-de-France, Xavier Bertrand, le ministre du Travail, a estimé ce lundi surFrance Inter que « la loi [n’apportait] pas encore toutes les possibilités pour les salariés qui veulent travailler et les employeurs qui veulent ouvrir » le dimanche. Le point sur les clés du débat.
Les syndicats attaquent en justice
Les syndicats n’ont pas baissé les armes depuis 2009. Leurs actions en justice contre des enseignes s’avèrent même souvent payantes. Comme vendredi, au tribunal de grande instance de Pontoise (Val-d’Oise), saisi par Force ouvrière: Bricorama a écopé d’une interdiction d’ouvrir le dimanche ses trente magasins franciliens, en l’absence de dérogation, ce qu’il a pourtant fait ce week-end…
Le même jour, des syndicats ont aussi contesté, devant le tribunal administratif de Montreuil, une autorisation spéciale accordée au centre commercial Le Millénaire d’Aubervilliers, rappelle 20Minutes.
A Paris, l’Union syndicale CGT du Commerce et des services de la ville de Paris s’en prend aux supérettes, avec quatre vagues d’assignation en justice lancées ces derniers mois. Membre de la commission exécutive de l’Union, Annick Manceau met en cause « l’ouverture de ces petits commerces après 13 heures le dimanche, et le non-respect d’un arrêté préfectoral de 1993 posant l’obligation aux magasins de ne pas travailler, consécutivement, le dimanche et le lundi ». La décision du tribunal de grande instance est attendue ce mardi.
Des maires récalcitrants
A Paris, Bertrand Delanoë fait front commun avec les syndicats dans la lutte contre la création de nouvelles zones touristiques dans la capitale. « Le travail du dimanche ne peut être réduit à une problématique strictement économique.(…) L’enjeu est bien de savoir si notre conception de la société se limite à des considérations consuméristes, ou si cette vision donne également toute leur place à la vie personnelle et familiale »,argumentait l’élu PS en 2009.
Ce lundi sur France Inter, Xavier Bertrand a regretté que les grandes enseignes du boulevard Haussmann n’ouvrent pas le dimanche. La situation pourrait toutefois évoluer puisque Frédéric Lefebvre, secrétaire d’Etat au Tourisme, a récemment annoncé q’une circulaire demanderait aux préfets de répertorier dans toutes les zones touristiques « les comportements des élus, les attentes des commerçants ».
Voir la vidéo de Xavier Bertrand:
Le Sénat mène bataille
Au Sénat, la majorité de gauche a dégainé une proposition de loipour « corriger les excès » de la loi Mallié: les dérogations se limiteraient « aux seuls établissements qui mettent à la disposition du public des biens ou des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs, et que pendant les saisons touristiques ».
Débattu en novembre lors d’une séance houleuse, adopté en décembre, le texte interdit aussi d’ouvrir de nouveaux Puce (périmètres d’usage de consommation exceptionnels) et prévoit que seuls les commerces alimentaires de moins de 500 m2pourront ouvrir le dimanche matin. Il généralise enfin l’obligation de conclure un accord collectif préalable, de branche ou interprofessionnel. La proposition n’a toutefois que très peu de chance d’être adoptée à l’Assemblée.
La question du volontariat
« Je pense aux salariés qui craignent pour leur emploi », déclarait ce lundi Xavier Bertrand, au micro de France Inter. Tous les travailleurs du dimanche ne sont pourtant pas volontaires. Si certains -étudiants par exemple- s’en satisfont, d’autres acceptent sous pression de leurs employeurs ou par nécessité économique.
Le comité chargé de veiller au respect du repos dominicalobserve ainsi « une proportion trop importantes de décisions unilatérales de l’employeur, et ce alors que la loi Mallié prévoit l’accord par écrit du salarié et une garantie de non-licenciement en cas de refus. « Celles qui travaillent sont en majorité des femmes pauvres et précaires », rappelait aussi Gérard Filoche, ancien inspecteur du travail socialiste, ce lundi sur Twitter.
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Gagner plus… ou pareil?
Même polémique du côté de la rémunération. Si la proposition de loi socialiste était adoptée, « pour les salariés travaillant dans ces zones le dimanche, pour 250.000 d’entre eux, ce serait 250 euros de moins », a assuré Xavier Bertrand, sans préciser l’origine de ces chiffres.
Un rapport parlementaire a pointé les bons élèves: Décathlon, Leroy-Merlin ou Kiabi par exemple, garantissent effectivement à leurs salariés une meilleure rémunération et des repos compensateurs. Mais tous les employés ne sont pas logés à la même enseigne. Pour preuve, l’exemple des caissières d’ED,payées seulement 5,04 euros de plus pour travailler le dimanche.