Liberté Politique, 22/12/11
Fête au carré. Noël tombe cette année un dimanche. Que ferons-nous en cette fin d’année 2011 pour honorer une double fête à vivre, la fête de la Nativité, la fête dominicale, nous qui – avouons-le – ne savons plus très bien ce qu’est l’esprit de la fête, ce qui donne sens à la fête ? Les « derniers hommes » [1] que nous sommes, hommes de la consommation qui nous consumons au vide des choses, aurons-nous un sursaut de vigueur salutaire cette année pour lever les yeux vers plus haut que nous-mêmes, pour déplacer notre regard du nombril de notre ventre glouton vers l’humble Premier-né fêté en un jour plus actuel que jamais ? Jamais, en effet, événement passé ne fut, n’est, et ne sera plus moderne.
Dimanche prochain, c’est Noël et la messe du jour sera la messe du dimanche avec son sommet irremplaçable, l’Eucharistie. Il y aura même, pour quelques moines encore, trois messes célébrées ce dimanche, les trois messes de Noël : Messe des Anges, Messe des Bergers, Messe du Verbe divin, appelées encore Messe de Minuit, Messe de l’Aurore, Messe du Jour : la trilogie de messes en ce Noël 2011 sera une trilogie dominicale. Saurons-nous recevoir la surabondance de cette grâce du jour ? Saurons-nous réorienter nos vies de ces temps troublés ?
Le dimanche devient paradoxal
Notre dimanche ne va pas bien. Sans doute faut-il admettre que Noël non plus ne va pas bien. Les deux sont étroitement liés comme l’est Pâques à Noël. Quand la fête ne renvoie plus qu’à elle-même, que son sens chrétien est dilué dans un humanisme athée coloré des seules boules multicolores de sapins déguisés dans l’hystérie marchande de magasins ouverts le dimanche sans exception, dans la lâcheté ambiguë de ceux qui veulent éviter les sujets qui fâchent avant les élections, qu’elle soit hebdomadaire ou annuelle, la fête meurt avec ce qu’elle nie, emportant avec elle la joie et l’amitié entre les hommes. Le repos essentiel s’enfonce dans la dépression, s’emplit de vide. Tragique de l’homme refoulé qui n’en peut mais. Le jour de la fête, que ce soit à Noël ou le dimanche, devient « paradoxal » : tout s’inverse, la joie s’est muée en tristesse de laquelle on s’habille, morne. Mais l’on se croira « heu-reux ! » autour des guirlandes et de l’oie grasse.
Sortie de crise possible par un dimanche renouvelé
Chargée de la mission « repos dominical » pour l’AFSP, je voudrais cependant dire mon espérance en rappelant deux ou trois convictions. Il ne faudrait pas grand-chose pour revenir à la raison, à ce qui fait vivre, pour que tout soit transformé en profondeur.
Je fais le rêve d’un dimanche qui se souvienne enfin qu’il est la mémoire de la Nouvelle Création, celle inaugurée par le Christ à la Croix. À l’image de Dieu le Père le septième jour, après son œuvre de création, le Fils de Dieu a accompli le repos du Père, en se reposant au tombeau le jour du sabbat, le Samedi saint, après la grande œuvre de recréation de la Croix. Se souvenir de cela, c’est se souvenir du cœur de sa foi et justifie qu’on imite chaque semaine son Sauveur, qu’on cesse de travailler aux œuvres serviles le dimanche, qu’on se souvienne de Dieu qui cherche sans cesse l’homme, que l’homme se tourne vers Dieu qui l’aime. Acte de justice élémentaire.
Je fais le rêve d’un dimanche où l’on se souvienne enfin qu’une femme a eu la foi quand plus personne ne l’avait. La Vierge Marie, le Samedi saint, conservait tout dans son cœur ; elle seule avait la foi le jour de la Résurrection du Christ . Depuis, on honore le dimanche en raison de la Mère de Dieu qui a cru jusqu’aux limites de son intelligence et de son cœur, elle qui conservera toute la foi de l’Église jusqu’à la fin des Temps. Combien sommes-nous à honorer la Vierge Marie le dimanche ? Quand toutes les églises de France retentiront-elles au moins d’un chant de sortie à Notre-Dame, le dimanche ?
Chanson du dimanche
Je fais le rêve d’une mobilisation, des chrétiens bien sûr, en France et en Europe, autour du dimanche, mais également de tous ceux qui savent que le jour de repos donné le dimanche à tous est une avancée de civilisation. Comment vulgariser une question confinée encore dans des sphères trop fermées ? Certaines éditions ont des collections qui savent se faire porte-voix et diffuser des idées nouvelles : faudra-t-il écrire un Dimanche pour les Nuls ? Ce ne serait certes pas du luxe tant la culture générale qui préside au nécessaire don de ce jour à tous fait désormais défaut. Écrire un Dictionnaire énervé du dimanche ? pourquoi pas, tant les contrevérités circulent, tant les puissants ont de force et de moyens pour mettre sous le boisseau une lumière essentielle. Mon petit ouvrage À Dieu, le dimanche ! (Éd. Grégoriennes, 2010) pourrait également continuer son chemin. N’est-il pas une sorte de Dictionnaire amoureux du dimanche ? la Raison du dimanche ?
Je fais le rêve souriant d’une chanson du dimanche, une douce chanson, pudique et sobre, qui touche les cœurs, une chanson qui emmène surtout les convictions, qui trouverait les mots justes des bénéfices secondaires et sociaux du repos dominical, qui aimerait la famille. Qui la chanterait ? Un Voulzy qui a déjà osé chanter Jésus, un Obispo aussi inspiré que pour son Millésime, affirmant qu’« un jour est une fête », le Goldman des Choses qui a vu avec acuité à quel point les choses nous possèdent quand il s’insurge « je prie les chose, les choses m’ont pris, elles me donnent un prix ».
Je fais le rêve étrange d’un film historique qui raconte la lutte pour le dimanche, de journalistes courageux qui mettent la question du dimanche, sujet de leurs Matinales plusieurs fois dans l’année, d’un Président-candidat qui ferait son mea culpa à propos de la loi de 2009 et s’en trouverait finalement bien, de poètes qui chanteraient le repos sacré en une liturgie du temps retrouvée. Je fais le rêve d’églises bondées de fidèles retrouvant le chemin de la messe, fidèles qui pourraient comme le héros du livre Le Dernier dimanche (Mille et une nuits) de Gaspard-Marie Janvier s’y réessayer au moins pendant un an ?
Mais le dimanche n’est pas un rêve. Et le Sauveur a déjà sauvé le dimanche. Il est le dimanche ! Le dimanche est réel et en cela le combat des défenseurs du dimanche a du sens. Trêve d’illusions ! Le dimanche n’est pas un rêve, n’est pas une idéologie n’en déplaise à Frédéric Lefèvre et Noël encore moins. La crèche fut un événement caché, pauvre. Les bergers ont répondu à l’invitation des Anges. Quels cœurs recevront Jésus en ce dimanche de Noël ? Notre crèche aura-t-elle cet air dominical spécial de joie lumineuse d’une espérance qui peut tout ?
[1] Maxence Caron, Le Grand Témoin du lundi 19 décembre 2011, Radio Notre-Dame.
Scandale en Roumanie ce 25 décembre 2011
Le secrétariat de l’Alliance européenne pour le dimanche (EuropeanSunday Alliance-ESA) nous demande d’apporter notre soutien aux travailleurs des hypermarchés Real Roumanie qui ont décidé d’aller à l’encontre de la volonté clairement exprimée par les travailleurs et leur syndicat d’ouvrir tous ses magasins le dimanche 25 décembre et le dimanche 1er janvier. Comme dans de nombreux pays, le jour de Noël et le Jour de l’An sont considérés comme les fêtes les plus importantes de l’année en Roumanie. L’entreprise a menacé les travailleurs de licenciement s’ils ne s’engageaient pas « volontairement » à travailler ces jours-là et a retenu leurs chèques de Noël.
Hélène Bodenez dirige le dossier Oui au repos dominical ! pour l’AFSP membre de l’EuropeanSunday Alliance depuis le 21 juin 2011.