Le cas du Millénaire est assez intéressant. Voilà le résultat d’un investissement important de deux sociétés, Klépierre et Icade, qui n’obtient pas les résultats escomptés, pour diverses raisons. Au lieu de supporter normalement la part de risque que comporte tout investissement, l’Etat, représenté par son Préfet, prend sur lui de modifier les règles du droit applicable, pour que ces messieurs de Klepierre et d’Icade n’aient pas à affronter d’assemblée houleuse d’actionnaire. Mais qui paye les difficultés de Klepierre et d’Icade ? Les premiers seront les salariés du Millénaire, contraints de travailler le dimanche. Les seconds seront les petits commerces locaux asphyxiés par la concurrence du Millénaire, car si Le Millénaire annonce qu’il a créé 750 emplois (au lieu des 1500 attendus), il ne dit pas combien d’entreprises locales il a fait couler (approximativement le double). Déshabiller Paul pour habiller Pierre, et au passage lui piquer ses chaussettes. De plus, en terme de morale publique – s’il est encore permis d’évoquer ce terme – cette attitude prête le flanc à une critique facile, laissant soupconner des liens occultes entre les directions des sociétés et l’appareil de l’Etat, pour justifier d’un favoritisme unilatéral, et ouvre la porte à toutes les dérives, puisqu’elle pose en principe qu’une difficulté financière locale peut être résolue par un passe-droit local. Comme dit l’article des Echos, et « pourquoi pas moi » ? |
Six mois après son ouverture, le centre commercial peine à faire le plein, pénalisé par des travaux de voirie qui le rendent peu accessible. La préfecture de Seine-Saint-Denis vient de lui accorder une dérogation d’un an pour ouvrir le dimanche et combler son déficit de fréquentation.
C’est, avant l’heure, le cadeau de Noël dont rêvaient les commerçants du centre commercial Le Millénaire à Aubervilliers. Le préfet du département a autorisé lundi soir le centre à ouvrir exceptionnellement ses portes le dimanche, un an durant. La mesure, qui prendra effet soit fin novembre, soit début janvier, déroge à la loi Mallié de 2009, qui n’autorise l’ouverture dominicale régulière que dans les zones touristiques. Elle est destinée à sortir le centre commercial d’une passe difficile.
Depuis son ouverture, en avril 2011, ce paquebot de 56.000 mètres carrés, fruit d’un investissement record d’Icade et de Klépierre (440 millions), ne tient pas ses promesses. Le pari était audacieux : ouvrir dans une zone, certes en devenir, mais encore en friche au nord de Paris, de surcroît sans autorisation dominicale. Six mois plus tard, la fréquentation est inégale, bonne le samedi, mais moyenne en semaine, satisfaisante chez les grands distributeurs comme H&M, Carrefour, Zara et C&A, mais faible chez les enseignes méconnues. Fin 2011, le centre aura accueilli 6 millions de visiteurs au lieu des 8 à 10 millions escomptés. « En réalité, nous avons, dès l’ouverture, tablé plutôt sur 6 millions car nous avons compris que des problèmes d’accès allaient se poser », tempère Gilles Sagnol, le directeur de l’exploitation Ile-deFrance de Klépierre Ségécé. « En soi, ce chiffre est assez satisfaisant, mais ce n’est pas notre objectif en termes de fréquentation », reconnaît-il, tablant sur « 1,25 à 1,5 million » de visiteurs du dimanche.
Depuis son ouverture, Le Millénaire pâtit de la proximité de gros travaux d’infrastructure qui bloquent ses accès : construction du tramway T3, réfection de rues… Des nuisances auxquelles Klépierre ne peut rien, mais qui ont certainement découragé les automobilistes. « Les parkings que nous craignions sous-dimensionnés sont finalement trop grands », observe Jacques Salvator, le maire PS d’Aubervilliers. Contre toute attente, l’édile a donc, comme le Medef 93, milité pour une dérogation, arguant d’une circulation plus fluide le dimanche. Plusieurs élus de gauche ont ainsi fait une petite entorse à leur opposition de principe au travail dominical. « On ne peut pas être contre, localement, dans la mesure où l’on connaît les difficultés du centre. Mais je serai vigilant afin que les conditions sociales et salariales soient respectées », prévient le député de Gauche démocrate et républicaine Patrick Braouezec (apparenté PC) , qui demandera un bilan dans six mois. « Il y a le développement de tout un quartier et des emplois en jeu », argue Jacques Salvator.
« Pourquoi pas moi ? »
Le Millénaire, qui a déjà créé 750 emplois, doit, à terme, en produire le double. Mais « le fait de ne pas atteindre les 8 millions de visiteurs pourrait fragiliser l’emploi », reconnaît Klépierre. L’argument ne convainc pas forcément côté syndical. « Cela ne justifie pas une ouverture dominicale qui pénalise les salariés », tonne la CFDT du commerce francilienne. Contre toute attente, la Chambre de commerce et d’industrie de Seine-Saint Denis ne n’est pas montrée plus convaincue. « Je comprends la démarche, mais, sur le principe, nous n’y sommes pas favorables. Nous sommes circonspects quant aux effets, car la crise affecte de toute façon la fréquentation de ces centres. Et nous pensons que les autres centres commerciaux vont dire pourquoi pas moi ? » affirme son président, Gérard Lissorgue. En Ile-de-France, certains centres commerciaux comme Val d’Europe, proche d’Eurodisney, ont déjà fait une demande de dérogation.