Temps de travail en Europe : la Pologne sur la sellette

FSP – 13 Octobre 2011

La question du travail avec celle du temps de travail revient en force sur le devant de la scène médiatique. Tour d’horizon.

Un numéro spécial de L’Histoire titre ce mois-ci « Le travail : malédiction ou libération ? ». Le Centre culturel de Franklin recevait ce mardi 11 octobre Xavier Fontanet, PDG d’Essilor jusqu’en 2010, pour débattre avec son livre Et si on faisait confiance aux entrepreneurs (Les Belles Lettres, octobre 2010) de la force d’une confiance partagée pour obtenir et soutenir la croissance d’une entreprise. Retenons particulièrement les seize minutes de l’émission Avenue de l’Europe du samedi 8 octobre lorsqu’elles ajoutent leur pierre à la réflexion en faisant  le tour du « Boulot en Europe ».

Allemagne. La première partie de l’émission met en avant d’abord le co-working quand le loyer trop élevé d’une ville force à partager le lieu de travail. Les espaces communautaires dédiés aux créatifs et aux indépendants fleurissent donc  à Berlin qui augmente ses loyers.

Pologne. La deuxième partie de l’émission (curseur à 7’35) s’attarde sur l’un des États membres de l’Union européenne qui connaît la plus forte croissance. Après le communisme, la frustration née de tant d’années de manques a laissé place, sans transition, à une économie capitaliste brutale.

La très catholique Pologne championne du travail le dimanche : pour longtemps ?

Les images du reportage mettent en lumière tous les paradoxes d’un pays aujourd’hui désorienté face aux salaires trop bas et aux horaires morcelés. Quoique  revendiquant ses racines catholiques avec au cœur de sa foi la messe dominicale, la Pologne est devenue championne du travail dominical ! C’est le cas dans de nombreux supermarchés, avec certains, comme le supermarché anglais Tesco, qui en demandent toujours plus : une ouverture  désormais 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 pour seulement 20% de salaire en plus.

« Nous les femmes (90% des employés sont des femmes), on trime comme des bêtes »… « Je voudrais tant ne pas travailler le dimanche », … « On n’a pas envie de travailler si dur » se plaint Magena, une habitante de Gdansk (330 euros par mois avec trois dimanches sur quatre travaillés même pas payée plus), employée dans un supermarché allemand. Gdansk ? « Hier, haut lieu de la résistance au communisme, aujourd’hui paradis des centres commerciaux. Tout le gratin de l’hypermarché européen semble s’être donné rendez-vous ici (Carrefour, Osowa, Real, Deichmann, Jysk, Leclerc, Decathlon, CA…) comme dans toute la Pologne ». La loi ? « Si un hypermarché a envie d’ouvrir le dimanche, il n’a d’autorisation à demander à personne » avance un responsable de l’Inspection du travail. « Le secteur du commerce constitue la principale dérogation permise ». Seule obligation, « donner un jour de récupération ». L’enseigne n’est pas alors obligée de payer plus. La situation est « dite contrôlée ». « Il est très rare de constater des infractions dans ce secteur », tente de faire croire l’inspecteur du travail.

La résistance d’un pan de l’Église catholique et de Solidarsnoc

Le père Slawomir Decoswski, prêtre catholique en charge d’une paroisse près de Gdansk, fait entendre une autre musique, lui qui reçoit beaucoup de confidences. « On met une énorme pression sur les gens pour qu’ils travaillent le dimanche. Ici les règles du droit social ne sont pas respectées. » À la journaliste qui s’étonne que l’Église polonaise ait toujours pesé sur les débats de société, il répond : « Moi je rappelle toujours dans mes sermons que le respect du jour du Seigneur est sacré. C’est vrai que les évêques ne se sont jamais exprimés solennellement sur le sujet. Ça, je ne sais pas pourquoi. »

Mais « la bête noire » des grandes enseignes, c’est le responsable de Solidarnosc, Alfred Bujara, qui « dénonce les contrats de plus en plus courts, la surcharge de travail, des salaires parmi les plus bas d’Europe ». Le chef du syndicat historique explique que l’installation en Pologne des grandes chaînes coïncide avec la mutation des années quatre-vingt-dix qui a amené avec elle l’obligation de travailler le dimanche et les jours fériés.  « Il existait un vide juridique sur ce sujet. Elles en ont bien profité et elles en profitent encore » poursuit Bujara. Si depuis peu les Polonais ont retrouvé leurs douze jours fériés par an, le travail du dimanche n’est toujours pas réglementé.

La conclusion de Véronique Auger est sans appel : « La Pologne affiche la plus forte croissance en Europe, mais à quel prix ? La question du temps de travail dans les grandes surfaces reste un sujet tabou. Les salariés subissent leur sort en silence ».

La bataille du dimanche en Europe n’est pas encore perdue, loin de là. Un moment clé se profile, celui du 1er avril 2012, date à laquelle sera possible la grande mobilisation de l’Initiative citoyenne européenne. Serons-nous au rendez-vous ?

 

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