Quand un préfet enterre le repos du dimanche

L’huma, 10 oct 2011
Mots clés : Travail du dimanche,

En Ille-et-Vilaine, syndicats et patronat avaient signé un accord pour interdire l’ouverture des supermarchés le dimanche matin. Mais le préfet refuse d’entériner ce texte protecteur pour les salariés.

Préfet contre progrès social, vie de famille et petit commerce. La partie se joue depuis plusieurs mois en Ille-et-Vilaine, où le représentant de l’État, Michel Cadot, a provoqué un tollé en refusant d’entériner un accord entre patronat et syndicats limitant l’ouverture des supermarchés le dimanche. Hier, une centaine de caissières, riverains, syndicalistes, petits commerçants et élus locaux de gauche ont manifesté et bloqué l’accès à l’Intermarché de La Mézière, petit bourg à quinze kilomètres au nord de Rennes, pour exiger du préfet qu’il revoie sa position.

L’affaire est originale, puisqu’elle repose sur une situation locale originale : depuis neuf ans, dans le pays de Rennes, qui regroupe une soixantaine de communes, soit un tiers du département, patronat et syndicats signaient chaque année un accord limitant l’ouverture des magasins alimentaires de plus de 700 m² à deux jours fériés et un dimanche par an. « Cet accord n’était pas contraignant, mais c’était un consensus que tout le monde respectait », explique Erwanig Le Roux, responsable départemental de la CFDT commerce. Mais, début 2010, le consensus éclate. Dans le sillage et l’esprit de la loi Mallié, deux supermarchés, le Casino du Rheu et l’Intermarché de La Mézière, décident d’ouvrir leurs portes le dimanche matin. « Face au risque de contagion, les syndicats et les organisations patronales se sont rapidement réunis pour négocier un accord qui, cette fois, serait contraignant », poursuit Erwanig Le Roux. Le 17 décembre 2010, les syndicats CGT, CFDT, CFTC, CGC et FO d’un côté, le Medef local, l’union des artisans, l’union du commerce et le Carré rennais de l’autre, parviennent à un texte limitant l’ouverture dominicale à un dimanche par an. Pour qu’il devienne applicable, il doit faire l’objet d’un arrêté préfectoral.

Sous prétexte de « consultations », le préfet traîne des pieds plusieurs mois, puis annonce finalement, en juin, son refus d’entériner le texte, justifiant sa décision par la « distorsion de concurrence » que cela provoquerait par rapport aux commerces des communes limitrophes du pays de Rennes. Selon lui, si deux magasins ont ouvert, c’est qu’ils en « éprouvent le besoin pour des motifs de viabilité économique », en écho à « l’évolution des rythmes de vie de la population », à laquelle il ne saurait s’opposer… « On est tombés de haut », commente Éric Fouré, représentant de la CGT commerce. « On était assez confiants, vu que tout le monde, y compris les employeurs, était d’accord. Globalement, les directeurs de magasin ne sont pas favorables à l’ouverture le dimanche car cela n’augmente pas le chiffre d’affaires. Mais, à partir du moment où un concurrent ouvre, tout le monde est entraîné. » Pour les caissières, la menace est très concrète : « L’an dernier, quand l’Intermarché a ouvert le dimanche, notre direction a dit qu’on allait suivre », raconte Christiane Ramirez, caissière et déléguée CGT dans un Carrefour Market voisin. « Comme on a manifesté tous les dimanches devant l’Intermarché, avec des caissières d’autres magasins, elle a fait machine arrière. Mais maintenant, le préfet nous tire dans les pattes. »

Honoré Puil, vice-président PRG de Rennes Métropole, présent au rassemblement hier, « regrette » la « décision assez incompréhensible » du préfet, qui remet aussi en cause un « gros travail des élus locaux pour développer le commerce de proximité ». Au centre du bourg de La Mézière, un Coccimarket a vu son chiffre d’affaires chuter, l’Intermarché ayant raflé la clientèle en achats de dépannage. « C’est aussi une question de modèle de société, appuie l’élu. Est-ce qu’on veut une activité mercantile tous les jours, ou bien préserver le dimanche pour le sport, la culture ? »

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