L’Huma, 22/9
Les employées du ED d’Albertville refusent depuis octobre 2009 de travailler le jour du repos dominical. Dimanche prochain sera leur 100e occupation du parvis.
Savoie, correspondance. «Nous sommes une petite résistance qui devient nationale », se réjouit Corine Pointet, une des caissières du ED d’Albert- ville, en Savoie, qui, avec ses collègues, occupe chaque dimanche le parvis de l’enseigne (aujourd’hui Dia) pour faire respecter le repos dominical.
Des «guerrières du dimanche» tenaces
Depuis plus de deux ans, qu’il neige, pleuve ou vente, Agnès, Valérie, Peggy et les autres sont toujours là. La ténacité de ces « guerrières du dimanche » force l’admiration d’un large comité de soutien, dont le maire d’Albertville, Philippe Masure, des élus du Front de gauche, des militants du PCF ou d’obédience chrétienne, des travailleurs en lutte des usines de La Bâthie et de Mgr Ballot, archevêque de Chambéry, qui souligne la « persévérance et le courage » de ces « résistantes ». Alors que se profile le 100e dimanche, le 25 septembre, et que se prépare un vaste rassemblement de lutte, l’homme d’église ajoute : « Le mot “crise” que nous entendons tous les jours depuis des mois et des mois devrait alerter chacun pour que l’homme ne soit pas sans cesse sacrifié par le pouvoir de l’argent. »
« En octobre 2009, raconte Corine Pointet, responsable CGT, on nous a intimé l’ordre de sacrifier ce jour qui est consacré à nos repos et à nos familles. Sur onze personnes du magasin, neuf n’étaient pas volontaires. Mon mari travaille toute la semaine, moi aussi. Si je travaille le dimanche, je ne le vois plus. De même pour mes enfants. Alors que devient le lien familial ? » Revendication d’humanité qui, comme l’interdiction du travail des enfants ou l’obtention des congés payés, a donné au siècle les couleurs de la dignité. « La majoration accordée pour le travail du dimanche, poursuit Corine, n’est que de 5,3 euros brut ! 3 euros net par personne ! Juste à démarrer votre voiture, votre majoration s’est envolée. Alors quand, de surcroît, il faut payer la nourrice ! » La parole est livrée à ceux qui, de Moûtiers, d’Ugine ou de toutes les vallées de Savoie, se relaient en nombre chaque week-end à leurs côtés pour imposer cette revendication de simple dignité. Ils seront tous là dimanche prochain, pour leur 100e dimanche de grève.
Sous la colère, on pourrait entendre un slogan de 1908, quand, déjà, les ouvriers s’opposaient aux ouvertures dominicales des magasins : « Ouvrier, si tu veux que ton frère, employé de commerce puisse jouir d’un peu de bien-être, abstiens-toi d’acheter le dimanche et le soir après 17 heures. » Et partout, sur les marchés, au cœur des manifestations, sur les ondes de France Inter et récemment au plateau des Glières, haut symbole de résistance, elles répètent inlassablement leur volonté de tenir : « Avec l’ouverture du dimanche, le stress est permanent, les pauses sucrées ! Nous ne céderons pas, l’enjeu est trop fort. Il y va du bien-être de nos familles, de toutes les professions, du devenir de nos acquis ! » Et au-delà, insiste Corine, « notre combat pose la question « d’un modèle de société qui pousse à la surconsommation, à la disparition des temps sociaux, où les très riches le sont de plus en plus et les pauvres restent pauvres ».
Un repos bien mérité
Selon le Code du travail, un employeur ne peut occuper un salarié plus de six jours par semaine. Un repos hebdomadaire d’une durée minimale de vingt-quatre heures consécutives (plus onze heures de repos quotidien) doit être respecté. L’article L. 3132-3 du Code du travail précise que « sans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Il existe cependant plusieurs dérogations permettant d’organiser le travail ce jour-là, que la loi Mallié d’août 2009 a largement contribué à élargir. La bataille des caissières du ED d’Albertville vise aussi à faire abroger cette loi, dénoncée par les syndicats comme de nature à généraliser le travail du dimanche.
Michel Etievent