Travail dominical : De plus en plus de salariés travaillent le jour du Seigneur, mais la multiplication des dérogations creuse les disparités entre eux.
Le travail du dimanche est de moins en moins exceptionnel. En 2009, plus de 6 millions de salariés, soit 27,5% d’entre eux, travaillaient ce jour-là en France. Principalement dans le secteur tertiaire, mais également dans l’industrie. Certes, la plupart – 15,2% de l’ensemble des salariés – ne le font qu’«occasionnellement». Reste que la proportion de Français contraints de se lever le jour du Seigneur pour se rendre au travail ne cesse d’augmenter depuis vingt ans. Ils n’étaient ainsi que 5,4% à œuvrer «habituellement» le dimanche en 1990, selon le ministère du Travail, contre 12,2% aujourd’hui. Une progression qui se double d’un autre phénomène : le cumul avec le travail du samedi. Ainsi, plus de 95,3% de ceux qui travaillent «habituellement» le dimanche sont également sollicités la veille… Bref, pour près de 2,5 millions de salariés en France, c’est l’ensemble du week-end qui est compromis.
Puce. La raison de cette disparition des frontières du temps de travail hebdomadaire ? La multiplication des dérogations au repos dominical, qui élargit le champ des personnes concernées, tout en instaurant de sérieuses inégalités de traitement entre les salariés. La dernière réforme, introduite par la loi Maillé d’août 2009, est, sur ce dernier point, un modèle du genre. Outre l’allongement des horaires d’ouverture jusqu’à 13 heures pour les commerces alimentaires, elle a créé les fameux «périmètres d’usage de consommation exceptionnelle», plus communément appelés Puce, dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants.
Si les chiffres de 2010 du nombre de salariés concernés par cette loi sont encore inconnus, le gouvernement affirme qu’une quinzaine de ces Puce ont été créés depuis l’entrée en vigueur du texte. Un nouveau dispositif qualifié par l’exécutif de «gagnant pour le consommateur, le salarié, l’entreprise, et pour beaucoup d’étudiants qui financent ainsi leurs études»,mais fortement contesté par les syndicats, qui dénoncent de vraies différences de traitement entre les salariés du dimanche, ainsi que le non-respect du volontariat. Et qui permet, au passage, de légaliser la situation de nombreux commerces, qui ouvraient auparavant en toute illégalité.
Une inquiétude syndicale plutôt justifiée, puisque cette nouvelle dérogation, qui instaure le volontariat pour le salarié et une rémunération double ce jour-là, ne concerne que les Puce. Tous les autres salariés, qui travaillaient déjà dans les commerces alimentaires, l’industrie ou les zones touristiques préexistantes, ne peuvent prétendre bénéficier des avantages accordés par la loi Maillé. Pire : des personnes travaillant au sein d’une même enseigne peuvent ainsi être traitées différemment le dimanche, suivant que l’établissement qui les occupe est situé dans un Puce ou en zone touristique.
Enterrées.Comble de l’hypocrisie : le gouvernement, qui a pourtant «vendu» médiatiquement les nouveaux avantages pour les salariés des Puce (salaire double et volontariat), refuse d’en faire profiter les autres employés. Le préfet de Paris s’est ainsi opposé, l’année dernière, à la demande du maire, Bertrand Delanoë, qui souhaitait la requalification des zones touristiques de la capitale en Puce, afin de faire bénéficier les salariés du dimanche des atouts de la dernière loi. Ou quand les mesures vantées pour faire accepter le texte, sont ensuite enterrées lorsqu’il s’agit de les appliquer.