La révision de la Directive sur le temps de travail semble être un thème de longue haleine à l’ordre du jour de l’UE. Destinée à promouvoir la protection du dimanche férié et des horaires de travail décents, la toute jeune Alliance européenne pour le repos dominical sera lancée officiellement à l’occasion d’une conférence d’experts sur la Directive sur le temps de travail qui se tiendra au siège du Comité Economique et Social Européen (CESE) à Bruxelles, le 20 juin 2011.
Personne n’a oublié l’échec de la révision de la Directive sur le temps de travail (2003/88/CE) en avril 2009. Le Parlement européen et le Conseil n’étaient alors pas parvenus à un accord sur un nouveau texte législatif dans le cadre de la procédure de conciliation. Les principaux points de désaccord étaient les questions de la gestion des temps de garde, des contrats d’emploi multiples et le maintien des dits accords d’opt-out. Ces derniers permettent une exception permanente à la durée maximale hebdomadaire de travail de 48 heures.
Après avoir initié, en mars 2010, une première phase de consultation des partenaires sociaux européens, donnant ainsi un nouveau souffle à la révision de la Directive sur le temps de travail, le Commission a lancé une deuxième phase de consultation à la fin de l’année 2010. Outre l’analyse des contributions reçues à la consultation précédente, la présentation des résultats des études récentes sur les tendances et modèles d’aménagement du temps de travail et de l’impact économique et social de la directive, la Commission définit deux principales options pour la révision de la Directive sur le temps de travail. La première d’entre-elles prévoit de cibler la révision de la directive sur le temps de travail sur certains points. La première option consiste à proposer de nouvelles solutions axées sur les questions du temps de garde et du repos compensateur, et à aborder les difficultés d’application de la jurisprudence ‘SIMAP-Jaeger’. La Commission souligne que ces points sont surtout importants pour les secteurs dans lesquels un service continu de 24 heures doit être presté. La Commission illustre cela en citant les secteurs suivants : la santé publique et la prise en charge en structure d’accueil et dans les services de lutte contre l’incendie et d’urgence.
La seconde option prévoit une « révision complète » et qui ne se limite donc pas aux domaines identifiés comme les plus urgents comme la première option. Selon la Commission, cette option permettrait de prendre davantage en compte l’évolution des formules de travail et les tendances, et d’envisager plus globalement les questions de santé et de sécurité soulevées par les durées de travail excessives. Elle énonce dans ce contexte une souplesse accrue pour de nouvelles formules de travail, l’équilibre entre travail et vie privée tenant compte de nouveaux facteurs démographiques, les contrats multiples, l’opt-out, etc.
De plus, la Commission a offert aux partenaires sociaux au niveau de l’UE de déclarer leur éventuelle intention de s’engager dans un dialogue social. Selon les dispositions du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, les partenaires sociaux se voient accorder la possibilité de participer, à leur initiative, au processus législatif. Dans la pratique, cela suppose que les partenaires sociaux concluent un accord qui est ensuite, soit mis en application en vertu des procédures et des pratiques des partenaires sociaux et des Etats membres, soit, dans les domaines de compétence de l’UE (comme dans le cas présent), par une décision du Conseil sur la base d’une proposition de la Commission.
Au cours d’un échange de vues dans la commission compétente – la commission emploi et affaires sociales du Parlement européen – le 14 avril 2011, les partenaires sociaux (BusinessEurope, ETUC, UEAPME, CEEP etEPSU) ont exprimé leur intérêt de commencer les négociations ; cependant, il semble que des désaccords subsistent sur l’objet concret de la négociation : BusinessEurope est favorable à une négociation axée sur les secteurs critiques sur la base de la jurisprudence, alors que la Confédération Européenne des Syndicats (ETUC) est en faveur de négociations d’ensemble.
La place du dimanche dans le cadre d’une éventuelle modification de la Directive
Dans la perspective d’une possible mention du dimanche comme jour de repos hebdomadaire de principe dans une version amendée de la Directive sur le temps de travail, les considérations de la Commission en matière de repos compensateur sont à prendre en compte. En effet, elle plaide à ce propos en faveur de nouvelles dispositions, visant à préciser la période de ce repos compensateur hebdomadaire. Plusieurs contributions à la première phase de consultation ont réclamé une plus grande flexibilité dans la programmation du repos compensateur. La Commission a cependant estimé que des recherches récentes allaient à l’encontre de ces requêtes dans la mesure où, selon elles, « le report des périodes minimales de repos journalier ou hebdomadaire a des incidences graves sur la santé et la sécurité ». Cependant, la Commission admet qu’une plus grande souplesse s’impose dans une série de situations particulières. Le fait qu’elle souligne ici le caractère exceptionnel de ces situations est positif.
« Quant à savoir si le repos hebdomadaire doit normalement être pris le dimanche plutôt qu’un autre jour de la semaine », la Commission semble vouloir jouer la carte de la subsidiarité. Elle s’en réfère tout d’abord à la complexité du problème et ajoute que les problèmes en termes de répercussions sur la santé et la sécurité et sur l’équilibre entre travail et vie privée, ainsi que des problèmes d’ordre social, religieux et culturel, sont à prendre en compte. Toutefois, il ne s’ensuit pas forcément qu’il y ait matière à légiférer au niveau de l’UE.
Création d’une alliance européenne pour le repos dominical
Parallèlement à la situation relative à la révision de la Directive sur le temps de travail décrite précédemment, ces derniers mois, un (initialement) petit groupe a esquissé la structure de l’Alliance Européenne pour le repos dominical. Inspirée par le succès de la première conférence sur la protection du dimanche férié en mars 2010 au Parlement Européen (cf. EuropeInfos n°127), l’idée d’une plateforme européenne pour la protection du dimanche et des horaires de travail décents a rapidement germé dans l’esprit de ses partisans. Ils souhaitent présenter au public l’Alliance Européenne pour le repos dominical à l’occasion d’une conférence d’experts sur la révision de la Directive sur le temps de travail, le 20 juin 2011 au CESE à Bruxelles. Les représentants d’intérêts, qui se sont regroupés au sein cette alliance en tant que membres ou supporters, considèrent que le dimanche f
érié et les horaires de travail décents sont très bénéfiques pour les citoyens de toute l’Europe et que « tous les citoyens de l’Union Européenne ont le droit de bénéficier d’horaires de travail décents qui, par principe, excluent le travail en soirée, de nuit, les jours fériés et le dimanche ». Ils estiment également « qu’actuellement, la législation et les pratiques en vigueur aux niveaux européen et national doivent mieux protéger la santé, la sécurité, la dignité de tous et devraient s’attacher davantage à promouvoir une conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ». (cf. Déclaration fondatrice). L’Alliance Européenne pour le repos dominical est ouverte à tous les acteurs de la société civile (familles, associations sportives, etc.), aux alliances nationales et locales pour le repos dominical, au mouvement syndical, aux employeurs socialement responsables, aux Eglises et aux organisations religieuses. Ceux-ci sont invités à rejoindre cette alliance et à mener des actions pour promouvoir la protection du repos dominical et des horaires de travail décents.
Anna Echterhoff
Version originale de l’article : allemand