Travail dominical : nouveau round judiciaire entre ED et ses ex-salariés

Le Progrès, 8/6/11

Oyonnax. Les prud’hommes de Créteil vont statuer aujourd’hui sur le litige qui oppose trois Oyonnaxiens à leur ancien employeur. Ils avaient été licenciés en juin 2009 pour avoir refusé de travailler le dimanche.

C’est le combat de David contre Goliath, de trois ex-employés de supérette contre l’immense groupe Carrefour.

Les prémisses de l’affaire remontent au mois de juin 2009, lorsque Etelvina Fernandez, Élise Kongo et Rath Luang, salariés depuis plusieurs années du magasin ED d’Oyonnax (aujourd’hui rebaptisé Dia) sont licenciés au motif « d’insubordination et refus de se plier au planning ».

En clair, ils avaient refusé de venir travailler le dimanche et avaient été « remerciés » sans ménagement par leur direction.

Via les médias et en plein débat national sur l’assouplissement du travail dominical, l’affaire avait fait grand bruit.

En parallèle, une bataille s’est engagée devant les prud’hommes entre l’ancien employeur (ED est une filiale du groupe Carrefour) et les ex-employés.

Une tentative de conciliation et un report de jugement plus tard, voilà qu’un nouvel épisode de ce long feuilleton judiciaire pointe le bout de son nez avec une audience prévue en début d’après-midi à Créteil.

Aujourd’hui plus qu’hier, tous les espoirs sont permis pour les anciens d’ED, car un nouvel élément pèse dans la balance.

« Un arrêt de la cour de cassation de mars 2011 vient éclairer le débat, explique Inès Plantureux, avocate des salariés. Dans une affaire assez semblable, il a été considéré que l’on ne pouvait pas modifier les contrats de travail des salariés et les obliger à venir travailler le dimanche, sans un accord préalable de ces derniers. Dans le dossier d’Oyonnax, je considère que l’employeur n’a pas été précautionneux. Il a commis une erreur, ajoute Inès Plantureux. Cette société a voulu privilégier le travail sur tout le reste, notamment la vie privée et la vie de famille. C’est une affaire assez atypique et je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour plaider aujourd’hui et obtenir réparation ».

À demi-mot, les anciens salariés, comme leur avocat, s’attendent à ce que les défenseurs d’ED demandent un nouveau renvoi pour faire « traîner l’affaire en longueur ». La direction du groupe Carrefour, invitée à s’exprimer sur ce sujet, n’a pas souhaité apporter de commentaire.

L’audience de cet après-midi se révélera-t-elle favorable aux anciens d’ED ? Difficile à dire… Une chose est sûre, depuis deux ans, ils vivent une situation difficile et éprouvent tous les trois de grandes difficultés à retrouver un emploi.

En d’autres termes, ils ne lâcheront rien pour obtenir réparation. « Il y a deux ans, nous avions recherché une parcelle d’humanité chez notre ancien employeur et nous ne l’avons pas trouvé. Je le répète et le précise, ce n’est pas que nous ne voulions pas travailler le dimanche, mais nous ne pouvions pas pour des raisons d’ordre familiales », explique Etelvina Fernandez. « Notre ancienne direction n’a jamais songé à l’impact qu’aurait cette affaire. Ils s’attendaient certainement aux prud’hommes, mais pas à un tel battage médiatique autour de notre histoire », ajoute Élise Kongo. « On stigmatise les parents qui ne s’occupent pas assez de leurs enfants, tout en forçant certains à travailler le dimanche, au mépris de leurs relations familiales », ajoute Mylène Ferri, membre du comité local de soutien aux anciens salariés d’ED.

Sur toutes ces questions qui relèvent d’un véritable débat de société, les prud’hommes de Créteil devront trancher. Cet arbitrage est donc particulièrement attendu…

Vincent Patrin

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