C’est une bataille symboliquement importante qui s’est jouée – et qui se joue encore – autour du travail du dimanche. La volonté de Nicolas Sarkozy, après son élection en 2007, d’élargir les possibilités d’ouverture des commerces le dimanche a buté sur de fortes résistances de la part des syndicats, des Églises chrétiennes, d’une partie de sa propre majorité et même d’une agglomération (celle de Lyon).
D’où, en 2009, l’adoption d’une loi beaucoup moins libérale que prévu initialement. Forts d’une demi-victoire, les défenseurs du dimanche auraient pu s’en tenir là. Or, avec deux ans de recul, il apparaît que la mobilisation reste réelle pour contrôler et parfois bloquer les tentatives d’ouvertures dominicales. Lorsqu’elles violent la loi, bien sûr, mais également dans des cas où elles se situent à l’intérieur des possibilités prévues par le texte. Ainsi la Ville de Paris n’a-t-elle pas accédé à la demande des grands magasins d’ouvrir sept jours par semaine.
Il y a dix ou quinze ans, les choses ne se seraient pas forcément passées de la même manière. Sans doute l’opinion aurait-elle été plus sensible aux arguments plaidant en faveur du commerce dominical : plus de liberté pour les consommateurs dans leur emploi du temps, animation des villes, supplément d’activité pour les commerces, rémunérations accrues, emplois dominicaux utiles aux jeunes finançant leurs études, etc. Les syndicats auraient été blâmés pour leur rigidité et on aurait poliment expliqué aux Églises que cela n’empêchait en rien la pratique religieuse ce jour-là.
Aujourd’hui, tous ces arguments portent nettement moins bien. Car chacun peut constater que les efforts d’adaptation aux contraintes économiques acceptés depuis plusieurs décennies n’ont abouti ni à une disparition du chômage ni à une meilleure qualité de vie. Dès lors, l’affaire du dimanche révèle un seuil de résistance. L’idée de sacrifier sur l’autel de l’économisme ce jour de repos commun au plus grand nombre, l’idée d’en céder le bénéfice aux marchands, cela ne passe pas. Cela ne répond pas à la demande sociale. Bonne nouvelle, en somme.
GUILLAUME GOUBERT