En 2009, trois salariés d’une supérette Ed ont été licenciés après avoir refusé de travailler le dimanche.
Ils passent aux prud’hommes le 8 juin. Un récent arrêt de la Cour de cassation leur donne bon espoir.
Elle n’en revient toujours pas. Quand, en janvier 2009, Etelvina Fernandez, caissière au Ed d’Oyonnax (Ain), apprend que sa supérette va ouvrir le dimanche matin, comme la loi l’y autorise, elle dit qu’elle n’a rien contre mais précise que, personnellement, elle ne peut l’envisager.
« À l’époque, raconte-t-elle, mon fils était en sport-études au Mans, à 700 km. Le dimanche était le seul jour où, mon mari et moi, on pouvait le voir. Il me paraissait évident qu’ils allaient en tenir compte. »
Pourtant quand, dès mars, le magasin, rebaptisé Dia, inaugure son nouveau fonctionnement dominical, Etelvina est sur les plannings. Elle ne se rend pas à son poste de travail. Tout comme deux autres collègues, Elise Kongo et Amphonh Rath Luan.
LES TROIS SALARIÉS LICENCIÉS
La réaction ne se fait guère attendre : en juin, l’enseigne, filiale du groupe Carrefour, qui met en avant ce qui est désormais son droit et la majoration salariale de 30 % accordée ce jour-là, licencie les trois salariés.
Depuis lors, « je n’ai pas réussi à retrouver un travail, et mes collègues non plus », explique Etelvina Fernandez.
Alors, un salarié a-t-il le droit de refuser de travailler le dimanche ? À quel point le respect de la vie familiale pèse-t-il dans la balance ? C’est cette double question que devront trancher les prud’hommes de Créteil le 8 juin prochain.
« UN CHANGEMENT SUBSTANTIEL DU CONTRAT DE TRAVAIL »
La direction de Carrefour n’a pas souhaité faire de commentaire. L’avocate des salariés, Me Inès Plantureux, se montre, elle, confiante.
Car le 2 mars dernier, un arrêt de la Cour de cassation lui a considérablement simplifié le travail. Contre l’avis de la cour d’appel, la haute juridiction a en effet donné raison au serveur d’un café-restaurant qui avait refusé de passer au dimanche, comme le lui demandait sa nouvelle direction, alors qu’il travaillait jusque-là en semaine.
« La Cour de cassation a confirmé une évidence, souligne l’avocate. Certes, il est dans les prérogatives de l’employeur de modifier les horaires de travail, mais si cette modification consiste à faire travailler durant le jour habituel de repos reconnu par la loi et que ce n’était pas prévu initialement, il s’agit d’un changement substantiel du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser. »
TRAVAILLER LE DIMANCHE, « ÇA OU LA PORTE »
« Jusqu’ici, peu d’employeurs ont osé licencier pour ce motif, poursuit Inès Plantureux, mais il existe beaucoup d’autres contentieux autour de ce sujet.» «J’ai un salarié qui estime que le travail du dimanche est responsable de son divorce, un autre à qui on a dit “C’est ça ou la porte”, un autre encore à qui on a fait comprendre qu’il n’aurait pas de promotion s’il refusait le dimanche.
Et tout un tas de demandes d’indemnisation de salariés que les employeurs ont fait travailler le dimanche alors qu’ils n’en avaient pas le droit », détaille par exemple Me Vincent Lecourt, avocat en région parisienne. Pour tous ces salariés, nul doute que la décision sur l’affaire de l’Ed d’Oyonnax sera très attendue.
NATHALIE BIRCHEM