Les boutiques des Abbesses menacées le dimanche

A force de faire des lois compliquées, illisibles, et de multiplier les verrues au profit des différents lobbys qui exercent « d’amicales pressions » sur le législateur, il devient impossible au citoyen de les comprendre. Dès lors, si les magasins alimentaires sont ouverts, pourquoi pas les autres ? Et si les magasins de la rue d’â côté sont ouverts, pourquoi pas dans ma rue ? Qui sème le désordre récolte l’indiscipline, quoi de plus normal ?

Le Parisien, 7/5/11

L’inspection du travail veut imposer aux commerces situés au pied de la butte Montmartre de respecter la loi sur le repos dominical.Car ils ne sont pas situés en zone touristique.

Avec ses boutiques et terrasses prises d’assaut le dimanche, la rue des Abbesses (XVIIIe), au pied de la butte Montmartre, est en train de se transformer en un petit Marais, où touristes et Parisiens se croisent pour faire leur shopping. Mais cette évolution, marquée par l’installation de grandes enseignes de prêt-à-porter, pourrait bien s’arrêter demain.

Car l’inspection du travail a décidé de faire appliquer la loi sur le repos dominical dans cette zone, qui ne figure pas dans le périmètre touristique de Montmartre, et n’est donc pas autorisée à travailler le 7e jour de la semaine.

« Je suis volontaire pour travailler le dimanche et je touche 50% en plus en compensation, explique Isabelle, l’une des salariées de la papeterie Trait. Des étudiants viennent nous prêter main-forte. Ils sont très contents, car leur salaire les aide à payer leur loyer. Si l’on oblige les boutiques à baisser le rideau le dimanche, on va tuer l’âme de Montmartre. »

Le courrier de l’inspection du travail a fait l’effet d’une bombe au pays d’Amélie Poulain. Car le dimanche est souvent la plus grosse journée de la semaine ; « 30% de notre chiffre d’affaires sont réalisés ce jour-là », estime Jean-Claude, le responsable de la librairie Trait. L’association des commerçants a donc décidé de passer à l’action sans tarder, car l’inspection leur a donné quinze jours pour se mettre en conformité avec la loi, sous peine de s’exposer à des sanctions pénales. Sa présidente, Sylvie Fourmond, a écrit au maire de Paris pour lui demander d’inscrire la rue des Abbesses dans le périmètre de la zone touristique de Montmartre (limité au haut de la butte et à quelques rues en bas). Près de 70 commerçants ont signé cette lettre.

« Depuis que les cars ne sont plus autorisés à monter jusqu’au Sacré-Cœur, les touristes arrivent par les Abbesses et en profitent pour voir le Moulin de la Galette, l’ancien dispensaire du peintre Francis Poulbot, rendu célèbre par ses portraits d’enfants de la butte, sans oublier bien sûr le café des Deux Moulins et l’épicerie immortalisés par le film Amélie Poulain. Le secteur des Abbesses est devenu une zone touristique de fait et il faut lui donner une réalité sur le papier. »

« Bertrand Delanoë a décidé qu’il n’y aurait pas d’extension des zones touristiques présentes dans la capitale., rappelle Afaf Gabelotaud, adjointe au maire du XVIIIe chargée du commerce. Il n’est pas question de faire une exception pour les Abbesses car ce précédent ferait boule de neige. L’une des solutions serait que les patrons travaillent le dimanche sans employés, car le dispositif actuel a été décidé pour préserver le petit commerce, les créateurs et l’identité montmartroise. » Ce qui n’a pas empêché les prix des baux commerciaux et des fonds de commerce de monter en flèche aux Abbesses.

Christophe Caresche, le député (PS) du XVIIIe, se montre également hostile au classement des Abbesses en zone touristique, pour « éviter une accélération de la mutation du quartier. » Mais l’élu estime que « l’inspection du travail a mieux à faire dans le XVIIIe que de soulever un problème qui n’en est pas un ».

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